01/04/2015
Avril
Piqué sur le Facebook des amis de Vialatte, deux textes du maître publiés par Maurits Van Overbeke:
N’OUBLIONS PAS LE POISSON D’AVRIL
L'homme, autrefois, s'intéressait à l'homme. Il se passionnait pour son voisin. Il l'étudiait à fond, il connaissait ses vices, son casier judiciaire et son état de fortune. Il lui prêtait de l'argent à 80%. Il lui écrivait des lettres anonymes. Il l'y accusait d'avoir tué son vieux père pour lui voler un saucisson pur porc. Et d'être trompé par sa femme. Il lui accrochait dans le dos un poisson en papier : c'était la loi du Ier avril. Aujourd'hui, c'est l'indifférence : on laisse traîner un garagiste accidenté par une auto pendant huit heures dans un fossé plein d'escargots ; on n'accroche plus de poisson en papier peint aux basques de son chef de bureau. Bref, il semble que l'homme ait perdu tout esprit, tout altruisme et toute initiative.
La Montagne, 20 mars 1963.
L’HOMME D’AVRIL
Le soleil va entrer dans le signe du Taureau. C'est le moment où sont nés Rome, Hitler et Henry de Montherlant. C'est le mois où mourut le chevalier Bayard, c'est le mois où l'homme inventa le phonographe. L'homme, sujet de toutes nos études et de toutes nos préoccupations, l'homme, l'enfant chéri de cette chronique.
Que fait-il en avril ? Il plante la griffe d'asperge, il récolte l'oseille, il protège l'espalier avec des paillassons. Mais encore ? Il les change de place, il les enlève, il les remet mieux. Il s'évertue, il se démène, il sème la lupuline, il fume les vieux houblons. En un mot, il fait le diable à quatre. La poule pond des œufs de Pâques. Le lièvre en fait autant. Du moins en Alsace et en Allemagne. La femme se livre aux nettoyages de printemps. Elle passe ses ongles à la « super-base », qui supprimera leurs peaux, à l'huile séchante, qui complétera le travail, et à la « laque fixante » qui protégera le vernis; enfin à la « crème abricot » qui stimule la croissance des griffes. Le printemps est là. L'agneau bondit près de sa mère et le poulain pur-sang près de la jument pursane. Les épinards sont magnifiques ; et l'homme s'apprête, par les jeûnes du Carême, à célébrer la fête de Pâques dans les humbles dispositions qui conviennent au peu qu'il est : il mange la morue de brandade, il s’excite à s’améliorer. Bientôt, pourtant, il retombe dans l’ornière.
Qu’il y croupisse ! Nous n’attendions pas mieux de cet animal mou.
Chronique des grands micmacs, p.169-170.
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31/03/2015
Normes démocratiques
Je me réjouis de voir au Rouge et Noir le documentaire sur Edward Snowden intitulé Citizenfour. Je crois que cet homme est un héros.
À partir de juin 2013, Snowden, 30 ans, rend publiques par l'intermédiaire des médias, notamment The Guardian et du Washington Post, des informations classées top-secrètes de la NSA. Il a révélé les détails de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques. Pour justifier ses révélations, il a indiqué que son « seul objectif est de dire au public ce qui est fait en son nom et ce qui est fait contre lui »
Il déclare : « Le patriotisme, ce n’est pas aimer un gouvernement, mais aimer un pays, le patriotisme, c’est aimer son peuple »
Lire sa saga sur Wikipedia ou voir le film. A noter que la France s'est permis d'interdire son ciel à l'avion du président bolivien qu'on pensait pouvoir abriter Snowden. Pour moi l'acte le plus incompréhensible de F. Hollande, président de gôche, qui en a pourtant accumulé pas mal de tels actes depuis 2012.
Pour poursuivre la réflexion sur l’occident moralisateur, un article à lire et méditer publié par Courrier International, d'après le Phnom Penh, Post intitulé « Hun Sen, l’homme caméléon ». Hun Sen se maintient au pouvoir au Cambodge (Kampuchéa) depuis plus de 30 ans. Il a commencé sa carrière comme ministre des affaires étrangères à la chute ds Khmers Rouges provoqué par les Vietnamiens.
Tout au long des années 1980, la république populaire du Kampuchéa (RPK), soutenue par les troupes d’occupation vietnamiennes et les millions de roubles de l’aide soviétique, combat les forces de résistance – au nombre desquelles figurent les Khmers rouges –, appuyées par les Chinois et les Américains. Par un cruel paradoxe de la realpolitik, les Khmers rouges continuent à représenter le Cambodge à l’ONU, alors que la RPK et ses soutiens vietnamiens sont soumis à un embargo occidental. Cette décennie laissera une profonde impression sur le jeune Hun Sen. Elle instille en lui la conviction que, pour des superpuissances comme les Etats-Unis, les droits de l’homme et les normes démocratiques sont de simples moyens d’atteindre leurs fins politiques. Pourquoi devrait-il, dans ces conditions, se conformer à ces normes ?
Lire aussi l'article de Thomas Guénolé sur ce qu'il appelle l'e-anarchisme qui fait moins de mort que l’anarchisme sans e-.
19:18 Publié dans Mondialisation | Lien permanent | Commentaires (2) |
29/03/2015
Beaune J4
Deux films aujourd'hui et fin du festival avec Pascale qui doit encore voir Victoria après le casse-croute. Un bon cru ce festival. A refaire !
THE INTRUDER (Infiltrant)
Né aux Pays-Bas d’un père marocain et d’une mère hollandaise, et fraîchement diplômé de l’école de Police, Samir souhaite faire bonne impression auprès de ses supérieurs. En acceptant d’infiltrer une famille marocaine mêlée au trafic de drogue, il tient là l’occasion de faire ses preuves. Accueilli et rapidement accepté par le clan, Samir y trouve ce qui lui a finalement toujours manqué : la sensation d’appartenir à une vraie famille.
Pas-Bas – 1 :36 Un bon film sur le sujet de l’infiltration d'un flic chez des gangsters, tous marocains.
LIFE ETERNAL (Prix Sang neuf)
Brenner retourne à Graz, la ville où il a grandi. Il y retrouve ses anciens amis, son ancienne fiancée et les mauvais souvenirs de ce qui est resté comme une grave erreur de jeunesse. Un coup de feu à la tête manque alors de le tuer… À son réveil du coma dans lequel il a été plongé, il entreprend de retrouver la personne qui aurait essayé de le tuer. Son entourage soutient néanmoins qu’il est lui seul responsable de cet acte… Et personne d’autre.
Autrichien – 2 :02 Une intrigue en flash back étonnante. Des personnages attachants. Un très bon film.
21:53 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) |
28/03/2015
Beaune J3
Deux films seulement aujourd'hui, entrecoupés d'un repas à l'excellente Ciboulette avec la non moins excellente Pascale qui a contribué à notre venue à Beaune ce haut lieu de vinasse délice des dieux, pinot rouge, chardonnay blanc et films noirs. Après le repas, elle nous entraîne dans un autre lieu de perdition, la librairie-œnothèque en face des Hospices. A noter dans le carnet de tous les amateurs de livres ou de vins qui passent par ici. Je reviendrai demain pour acheter le premier tome des gouttes de Dieu. un manga en 44 volumes...
Les films:
HYENA (prix du jury ex-aequo)
L’officier de police Michael Logan est doté d’une personnalité complexe où se mélangent alcoolisme et corruption. L’univers sinistre dans lequel il évolue est en pleine mutation, en raison de l’arrivée massive à Londres de gangsters albanais sans scrupules qui menacent de bouleverser la scène locale du crime.
Film anglais de 1 :48. Très violent, beaucoup d’hémoglobine. On se laisse bien prendre par cette histoire de policiers ripous.
Palmarès en salle 2 suivi de...
LES ENQUÊTES DU DÉPARTEMENT V : PROFANATION
Un peu long. 2 heures. Plus difficile à suivre que le premier mais quand même du grand cinéma.
18:38 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) |
27/03/2015
Beaune J2
Grosse journée avec 5 films en commençant par le grand prix Victoria. Par chance il ne pleut pas. On a sorti les vélos, pour contourner la ville c'est pratique.
VICTORIA
5h42. Berlin. Sortie de boîte de nuit, Victoria rencontre Sonne et ses complices. Emportée par l’alcool, l’adrénaline, l’aventure et la fureur de vivre, elle décide de les suivre tout au long de la nuit, prête à dépasser ses limites pour partager avec eux l’expérience de la transgression…
Un film allemand de 2 :20 tourné en un seul plan séquence à partir de 5:42 bien sûr. Tout le monde parlait de l’exploit technique, nous nous sommes plutôt ennuyés la moitié du temps. La caméra bouge beaucoup, forcément. Pour l’autre moitié, c’est assez passionnant et la performance d’actrice est exceptionnelle.
Est-ce que le fait que Guernica soit peint sur une toile comme-ci ou comme-ça en un laps de temps de X vous importe vraiment ? Les monochromes ont permis à Alphonse Allais de rester dans l'histoire de la peinture. Sera-ce le cas pour ce film ?
CORRUPTION 2 – LE SANG DES BRAVES
Déterminé à faire tomber l’un des plus importants syndicats du crime du pays, Hannes, l’ambitieux chef du département des Affaires intérieures de la police de Reykjavik, décide d’ouvrir une enquête sur l’un de ses lieutenants qu’un ex-baron du crime, aujourd’hui derrière les barreaux, a dénoncé comme étant particulièrement corrompu.
Islandais – 1 :36 Encore un film avec des flics ripous et même la police dans son entier. Se laisse bien voir. Assez violent. Le synopsis ne semble pas vraiment correspondre. Il me semble bien avoir vu une autre histoire. Je n'arrive pas à la reconstituer correctement. Pas inoubliable donc.
LES ENQUÊTES DU DÉPARTEMENT V : MISÉRICORDE
Après une bavure qui coûte la vie à l’un de ses collègues et laisse son meilleur ami paralysé, l’inspecteur Carl Mørck a presque tout perdu. Mis sur la touche, privé du droit d’enquêter, il est chargé d’archiver les vieux dossiers du commissariat avec Assad, l’assistant d’origine syrienne qui lui est imposé.Mais très vite, les deux policiers désobéissent à leur supérieur et rouvrent une enquête jamais résolue : celle de la disparition mystérieuse d’une jeune politicienne prometteuse survenue cinq ans auparavant.C’est la naissance du Département V avec sa toute première enquête…
Premier de deux films danois réalisés par un des scénaristes de BORGEN et Millénium. Deux bons noirs plutôt violents. 1 :37. Superbe intrigue. J’ai bien aimé celui-ci un peu moins l'autre.
JAMAIS DE LA VIE
Franck, 52 ans, est gardien de nuit dans un centre commercial de banlieue.Il y a dix ans, il était ouvrier spécialisé et délégué syndical, toujours sur le pont, toujours prêt au combat. Aujourd’hui, il est le spectateur résigné de sa vie, et il s’ennuie.
Film français de Pierre Jolivet avec un Olivier Gourmet excellent. Plus un film social que policier. On a bien aimé quand même.
MARSHLAND Prix spécial police et prix de la critique
Dans l’Espagne post-franquiste des années 1980, deux flics que tout oppose sont envoyés dans une petite ville d’Andalousie pour enquêter sur l’assassinat sauvage de deux adolescentes pendant les fêtes locales.
Espagnol 1 :45 Un très bon film très esthétique qui montre la rivalité des deux flics que tout oppose, un franquiste et un très à gauche, un sobre l'autre pas... On l’a vu à 22 heures 30 après une journée trop chargée. On le reverrait bien dans de meilleures conditions.
18:33 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) |
26/03/2015
Beaune J1
Beaucoup de bons films noirs au festival de Beaune... mais la vie de festivaliers n’est pas si facile (même si ce festival est génial :-). Il y a six salles. File d’attentes sous la pluie. Avec les accréditations on a accès à deux salles avec priorité, venir une demi-heure avant quand même. Il y a les VIPs, les accréditations et le bas peuple. Quand les membres du jury s’attardent devant leur verres de Bourgogne les horaires sont décalés.
Pour les autres salles venir encore plus tôt et risquer de se faire jeter à la fin d’une longue attente humide parce que trop de monde. Pour la soirée des prix, c’est sur invitations mais on a réussi à s’infiltrer dans la seconde salle où on avait la retransmission des festivités, maire, jurys… Morgnaffes de singe. A part ça, c'était super !
Arrivée à Beaune un peu en retard ce jeudi. On ne pourra voir que deux films aujourd'hui.
CRUEL
"De nos jours, dans une grande ville française. Pierre Tardieu est travailleur intérimaire.Il vit dans une vieille maison avec son père, malade.Personne n’a conscience de son existence. Pierre tombe amoureux. Pierre est un tueur en série."
Premier Film dans la section Sang Neuf. Film Français 1 :48 Un bon film avec un acteur principal qui incarne très bien ce serial killer pas totalement antipathique. On ne s’ennuie pas.
UNE SECONDE CHANCE (prix du jury ex-aequo)
Policiers et amis, Andreas et Simon ont pourtant des vies bien différentes. Alors qu’Andreas vit une vie simple avec sa femme et son fils, Simon, qui vient de divorcer, passe la plus grande partie de son temps au bar du coin. Tout va changer quand ils vont devoir intervenir chez un couple de junkies en pleine dispute. Andreas trouve dans l’appartement le bébé du couple et se retrouve alors face à un dilemme…
Film danois 1 :45 Un très bon film. Les gens rencontrés ont, comme nous, beaucoup aimé. Le coup de cœur.
17:19 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (2) |
25/03/2015
Paroles
Chronique de la parole et parfois de la pensée
La parole date de la plus haute antiquité. Qui ne se rappelle les tournois d’éloquence des grecs et des troyens devant le mur de Troie ? Les guerriers de toutes les époques se sont lancé de magnifiques insultes. Les rois nègres, naguère, de colline en colline, s’entre-vitupéraient dans le style le plus grandiose. Les Peaux-rouges. Les apaches, Les automobilistes. Voire les marxistes-léninistes. Et même les époux en colère. Ils se traitaient, et se traitent même parfois encore, de chiens, de fils de chien, de fromages mous, de vipères lubriques, que sais-je ? D’affreux. De déviationnistes de droite. Les arabes disaient à leurs ennemis « Qu’Allah te change en vespasienne ! »
(…tous les paroles ont été dites…)
Et de toutes les choses qui ont été dites, il reste à peine, selon les bons juges, une ou deux pages qui soient valables. Je connais même un vieux monsieur qui assure qu’il ne s’est jamais écrit au monde que deux ouvrages de quelque poids, l’un dans une langue que l’on ne sait plus traduire, et l’autre qui à été brûlé dans l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie.
La plupart des gens, cependant, n’en continuent pas moins à parler. Depuis l’époque où naquit le langage, et qui remonte à la nuit des temps.
Selon les uns, comme Joseph de Maistre, le langage naquit avec tous ses cheveux, parfait, complet dans les moindres détails, et les idiomes que nous parlons maintenant n’en sont que des ruines et des débris.
Selon d’autres, il naquit de l’onomatopée, du cri de chasse et du ronflement, qu’on perfectionna petit à petit jusqu’à en faire ces jouets savants et instructifs ornés de règles impressionnantes dont les exceptions contradictoires font le délice des vrais gourmands.
Les Romains les ornèrent de l’ablatif absolu et de la proposition participe, les Allemands du rejet, les Chinois du hoquet, les Eskimos de l’aboiement du chien de traîneau.
Chacun y mit sa fioriture, selon son génie national. Il y eu des langues agglutinatives, des langues cumulatives, des langues distributives et des langues monosyllabiques, des langues chantées, des langues parlées, voire éternuées (comme le chinois et le hollandais), des langues mortes et des langues maternelles.
« La langue est la meilleure des choses. » C’est Esope qui l’a constaté.
Il ajoutait que c’était aussi la pire des choses. Ce qui a poussé certaines peuplades à ne pas parler, ou à parler extrêmement peu. Tel l’Auvergnat et le Britannique.
(La Montagne – 2 mars 1969)
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