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24/02/2024

Civilisation

Il y a des jours comme ça où l'on se désespère en écoutant les nouvelles qu'elles viennent d'Ukraine, de Galilée, de Gaza, du dérèglement climatique ou même de nos fermes et nos routes envahies de tracteurs. Que faire ?

couv-gengis-khan.jpgLe monstre le plus inquiétant s'appelle Poutine. Avec son copain aux US Donald, ils sont de vraies menaces pour la civilisation. On risque le retour à la barbarie des Khan, en particulier de Gengis dont nous parle Obadia dans son poème "Le petit Gengis"

 

  • Mais jusqu'à quand Gengis,
  • De manger cessera ?
  • Jusqu'à  quand Gengis Khan.
  •  
  • Et le vent du désert
  • Reprenait de concert
  • « Zusque-z-à quand Zenzis
  • Que z’à quand Zenzis Khan ?

On notera qu'au temps du sanguinaire Gengis, la Russie avait été avalée par les Mongols et son insatiable Gengis- Une Russie réduite à peau de chagrin ou à peau de chameau. Alors tu vois Poutine, avec ta grande Russie, tu nous fais plutôt marrer. Oui, comme Macron, je tutoie Putin.

V901xiwmUJMoWln1_hnhFEe2rEo@350x407.pngVialatte suggère de bien surveiller sa ponctuation. C'est grâce à ces détails, points et virgules, dit-il, que la pensée claire peut ressortir face à la dictature. Il a raison.

Voici ce qu'il dit dans sa Chronique hâtive de la ponctuation et de plusieurs phénomènes surprenants – La Montagne – 17 janvier 1971 :

Je voulais parler de la ponctuation. Et voilà que j’en ai presque honte.
 
Il y a une espèce de scandale à faire œuvre de civilisé dans un monde que la barbarie assiège comme un raz de marée. On se fait l’impression de jouer au bridge sur le radeau de la Méduse. On a l’air, comme les Byzantins, de discuter du sexe des anges quand l’ennemi secoue les portes de la ville. La civilisation est devenue un luxe réfugié sur une île à peu près désertique.
 
C’est pourtant, paradoxalement, le plus urgent et le plus utile. Il n’y a aucune futilité, dans un désastre, à s’occuper de régler le pas de vis d’un instrument de grande précision comme la pensée, qui est en péril du fait de la faillite de l’école. La ponctuation, dans un texte écrit, c’est 50% de la pensée.
 

12:13 Publié dans Ukraine, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (1) |

14/02/2024

Colette

LZYPHFLHSBACFP76O4Z4TOCSFE.jpgEn vingt jours nous perdons Colette et l’Indochine.
Si on avait dit à Colette en 1890 que sa mort, pendant quelques jours, tiendrait plus de place dans la presse que la perte de l’Indochine, elle aurait ouvert des yeux ronds.
 
Tels sont pourtant le prestige du style et la lassitude d’une nation. Il faut croire que le style est une bien grande magie.
 
Le sien était insurpassable.
Il lui a permis de faire un sort glorieux à tout ce qui se voit, se sent, se lèche, se renifle ou se tripote. Elle a les doigts de l’aveugle et le flair du setter. Elle entre de plain-pied dans le mystère animal ; il n’y a eu, parmi tant, qu’un portrait de Landru : celui qu’elle a fait aux assises ; et c’était un portrait d’oiseau.
 
C’est d’elle que datent les dames mûres, les boules de verre (qui « mouillent la bouche »), le paon, le serpent, les traces du chat, la première ride, l’odeur du chocolat et le parfum de la chair fraîche.
 
C’est d’elle encore que date sa mère et toutes les fleurs.
 
C’est d’elle ou de Chardin que datent les pêches. Elle a peint le chat, le python et la femme de façon à rester pour toujours notre plus grand animalier.
(Paris l’été - La Montagne – 10 août 1954)

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11:22 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (1) |

20/01/2024

Verseau

Que fait l'homme par ce froid sec en ce mois de février ? Il naît sous le signe du Verseau ... Et il a bien raison. C'est le vrai moment de le faire. Le délai expire aujourd'hui.

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Après, tant pis pour l'homme, il n'avait qu'à se presser. Mais comment naître sous le signe du Verseau ? En ne s'y pre­nant, d'abord, ni trop tôt ni trop tard. (Trop tard on se noie chez les Poissons, trop tôt on tombe sur le Capricorne.) Et ensuite en achetant le Verseau qui vient de paraître aux Éditions du Seuil, dans la Collection du Zodiaque. Il sait tout de la question. Il procure mille recettes.
 
L'homme du Verseau naîtra par un soleil chétif, portant un poisson dans la main ; et dans l'autre une urne qu'il vide. C'est parce que février est le mois de la brouillasse ; les anciens s'en fai­saient l'idée la plus humide ; ils le représentaient sous forme d'une jeune fille qui empêchait sa robe bleue de traîner dans une flaque, entre un héron et un canard. Les anciens voyaient bien les choses : même aujourd’hui, en plein progrès des sciences, même à Paris qui est une grande ville, le boulevard Saint-Jacques, en dépit du froid sec, est couvert d’un brouillard gluant, qui ensevelit la fête foraine, rouille les cuivres du tir aux pipes et fait tousser les chevaux de bois ; le soleil n’est plus, au fond, qu’une petite orange plate ; la sirène est noyée, la voyante n’y voit plus.
La Montagne, 17 février 1959.

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21/10/2023

Préparer sa mort.

Un joli pastiche du grand Alexandre par
 
Cette chronique se voulant utile, elle s’adresse à tous ceux qui vont mourir. C’est dire le nombre de ses lecteurs putatifs. Déjà le vieil Aristote, grand philosophe comme son nom l’indique, commence son traité de logique par l’affirmation « Tous les hommes sont mortels ». Il pose ensuite que Socrate est un homme. Il en déduit enfin que celui-ci est mortel. Voilà un raisonnement parfait. Mais qui ne mesure pas toute la profondeur de l’âme humaine.
 
4-e1613213477922-1024x671.pngCar la question se pose : condamné à boire la ciguë, ledit Socrate n’a-t-il pas douté de cette conclusion jusqu’au retour du navire sacré de Délos ? Tout condamné à mort ne croit-il pas jusqu’au dernier moment faire exception à la règle de l’universelle mortalité ?
« Morituri te salutant ! » (Ceux qui vont mourir te saluent !) disaient les gladiateurs en s’adressant à l’empereur qui présidait les jeux du cirque à Rome. Chacun d’eux était cependant convaincu qu’il sauverait sa peau. À condition de vaincre au combat, c’est-à-dire de massacrer son adversaire. Car l’homme a l’intime conviction que tout le monde mourra un jour, sauf lui-même. C’est en quoi il est le seul à penser comme tout le monde.
 
0001185063_OG.JPGAvançant en âge, sinon en sagesse, l’homme se regarde chaque matin dans la glace en se disant qu’aujourd’hui est le premier jour du restant de sa vie. Il aurait pu le dire vingt ans ou un demi-siècle plus tôt. Mais il faut un certain recul pour qu’il prenne conscience que la vie n’est faite que de restants. Les raisons en sont trop évidentes pour être perçues de près. Il y a d’abord cette loi de l’émulation générationnelle qui se lit dans le slogan « Place aux jeunes ! »
 
260px-Ugolino_Carpeaux_Petit_Palais_PPSO1573.jpgComment ceux-ci pourraient-ils vivre, si les vieux ne mouraient ? Car on ne peut pas, à l’exemple d’Ugolin affamé, manger ses enfants dans l’intention – au demeurant louable – de leur conserver un père bien nourri. Il y a aussi cette loi de l’usure du corps, du cœur et du cortex. On ne court plus comme jadis les cent mètres en trente secondes. On ne gagne plus aux échecs ou au concours d’orthographe. On chausse des lunettes, des souliers orthopédiques, des prothèses auditives, que sais-je. On oublie le patronyme de l’inventeur de la maladie d’Alzheimer ou la date anniversaire de ses proches.
 
Fl_P_yKWAAMldKA?format=jpg&name=360x360Il faut donc se préparer à mourir. Une des précautions utiles est de disposer d’un bon lit de mort. Il en existe d’excellents dans les grands magasins de banlieue. L’homme averti jettera son dévolu sur un meuble en chêne massif, avec sommier et matelas confortables. De même, il prévoira des couvertures polaires pour éviter un dernier rhume, le sage préfèrant mourir en bonne santé. Les jeunes diront qu’à cette mort bourgeoise, ils préfèrent tomber au champ d’honneur. Ils oublient que la guerre est dangereuse, surtout pour le soldat. Lequel peut être blessé, parfois mortellement.
Alphonse Allais avait déjà remarqué que la mortalité dans l’armée augmente sensiblement en temps de guerre. Car l’ennemi est méchant et on est par définition l’ennemi de son ennemi. Tué par celui-ci, on aura certes son nom inscrit sur le monument aux morts. Mais vu l’état de sa dépouille, on n’en profitera pas assez. Tandis que sur un bon lit de mort, on peut voir venir et mourir tranquille.
 
Il y a enfin le problème des dernières paroles, qu’il faut préparer avec soin. On ne dira pas, comme cette comtesse attablée qui sentait sa dernière heure venue : « Vite, le dessert ! » On évitera aussi de les prononcer trop tôt, car un mot historique suivi d’un propos banal du genre « Quelle heure est-il ? », devient une avant-dernière parole. Trop tard n’est pas non plus la bonne solution, car on a l’air fin si on parle encore après son dernier soupir. Le mieux est de noter sur un bristol une idée bien sentie, une sentence percutante, une dernière saillie, de la conserver sur sa table de nuit et de ne la prononcer qu’au tout dernier moment. De préférence en présence de son biographe en mal de copie.

1024px-David_-_The_Death_of_Socrates.jpg

Les dernières paroles de Socrate :

« Criton, nous devons un coq à Esculape. Payez cette dette, ne soyez pas négligents. »

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10/06/2023

Grosses têtes

Au début du XXième siècle un penseur a failli prouver l'inexistence de Dieu avec une méthode des plus scientifiques. Hélas, cela a foiré. Vialatte nous explique pourquoi :
 
LE DIEU DES GROSSES TÊTES
 
L'Homo habilis serait notre vrai ancêtre (le singe n'était que notre cousin) parce qu'il a de vraies mains et une grosse tête. Ses vraies mains lui épargnaient de tout faire avec la bouche. Ce qui la libérait pour parler, et sa grosse tête lui permettait de penser, d'être maçon, notaire, roman­cier, que sais-je, conseiller général.
 
On a cru en effet remarquer que les grosses têtes contiennent de gros cerveaux qui peuvent enfermer beaucoup de pensées. Il y eut même au début du siècle un penseur qui usait de la grosseur de la tête pour nier l'existence de Dieu.
 
Il prouvait en se servant d'un mètre (un mètre souple de couturière) que la taille moyenne des chapeaux des séminaristes de Saint-Sulpice ( qui étaient déistes en général à cette époque [j'adore cette remarque]) était plus petite que celle des élèves de l'Ecole normale supérieure, où se rencontrait une majorité de sceptiques. Il en concluait qu'à Normale on était plus intelligent et que l'opinion de cette grande école était par conséquent plus probable que l'autre. D'où il suivait que Dieu n'existait sans doute pas.
 
[hélas] Un hydrocéphale ardéchois vint malheureusement fausser toutes les moyennes, ce qui jeta le trouble dans les esprits. Mais peut-être trichait-il? Certains l'en ac­cusèrent. Ils expliquèrent que l'hydrocéphalie consti­tuait par elle-même un subterfuge qui pouvait passer pour déloyal.
 
Antiquité du grand chosier, p.193.
 
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11:43 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (2) |

29/03/2023

Esquimau

J'avais jadis mis des notes sur l'inuktitut, la langue esquimaude du Nunavut. 
 
Mais Vialatte en avait parlé : 
 
 220px-Esquimaux_Dog.JPGQuoi de plus utile que l’esquimau ? C’est la seule langue que sache comprendre le chien de traîneau. Mais nous la méprisons. Pas un savant français ne parle au chien de traîneau sa vraie langue maternelle. Aussi n’avons-nous pas de traîneaux. Et c’est pourquoi notre route est marquée de tant d’accidents d’automobiles.
Quoi de plus beau que l‘esquimau ? C’est une langue étonnante. Un explorateur nous apprend qu’elle ne contient pas un juron, une insulte ou une invective. Aussi les Esquimaux n’ont-ils pas de parlement. Ils se contentent du despotisme ou de l’anarchie. Et le poisson ? Comment peuvent-ils vendre le poisson ? On ne saurait vendre le hareng sans invectives ! Ils ne le vendent donc pas, ils le donnent.
Ainsi vivent-ils pour rien dans des maisons de glace, vêtus de fourrure et graissés d’huile de foie de morue.
(Langages – La Montagne – 13 avril 1954)
Hachoir d'ivoire et de métal - Ile de Nunivak - début du 19ème siècle

18:21 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (2) |

Machine

C'était avant Chat GPT 3 ou 4, il y a 60 ans :

maxresdefault.jpgL'université de Manchester a construit une machine parfaite qui sait faire les lettres d'amour. Trois mille à l'heure si on le désire. Dont six cents modèles différents. « Chère affectionée, écrit-elle, vous êtes mon avide sentiment. Mon affection s’adapte bizarrement à vous. Mon appréciation bleue tend vers votre cœur rose. Vous êtes ma songeuse sympathie. »
 
Ce qui est bien beau pour une mécanique. Elle sait d'ailleurs faire bien d’autres choses, traire les vaches et vieillir le vin. En Amérique même les mariages. Avec des fiches percées, comme les factures du gaz. Les caractères, la beauté, la fortune et les particularités sont marqués par des trous sur les fiches des clients. Et des clientes. Et la machine a des crochets. On jette les fiches dans la machine, quand les crochets en attrapent deux au même moment, c’est que les trous des fiches coïncident. On a trouvé le couple idéal. Il paraît qu'il y a peu de divorces. En tout cas moins que sans la machine. L’homme n'a plus à se mêler de lui-même.
La Montagne, 13 mars 1962.

04:01 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |