14/02/2007
Bonpland
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Bonpland
Wilhelm
Eugène
et les autres
[illustration - Humboldt et Bonpland]
Encore un mot sur les arpenteurs du monde. Comme dans tous les grands romans, les personnages secondaires ne manquent ni d’intérêt ni de charme. Ici, il y a le compagnon de l’équipée sud-américaine du baron, le (moins qu'Humboldt) célèbre habitant de La Rochelle, Aimé Jacques Alexandre Bonpland, excellent botaniste. Le livre reflète mal sa réelle contribution à l’aventure. Bonpland qui ne refuse pas de coucher avec une petite indigène à l’occasion est voué aux gémonies par Humblodt qui, comme on sait, n’aimait pas les femmes.
Un autre personnage important est le fils de Gauss, Eugène, qui termine le livre. D’une intelligence ordinaire, il est le souffre douleur de son génie de père. Une position invivable qui nous rend ce brave Eugène bien sympathique. Daniel Kehlmann a l’astuce de suivre ce personnage secondaire au delà des aventures de son père.
04:20 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (3) |
13/02/2007
Wil et Alex
Gravure:
Schiller,
Les frères Wilhelm
et Alexander von Humboldt
et Goethe à Iena.
En août, Je vous avais présenté deux génies, un frère et une sœur. L’autre jour je vous ai parlé de deux écrivains les frères Mann. Dans le livre de Daniel Kehlmann, les arpenteurs du monde. Il est aussi question de deux frères : Les frères Humboldt.
Le baron Alexandre von Humboldt avait un frère aîné Wilhelm. Si Alexandre était un grand explorateur et naturaliste, Wilhelm fut un étonnant inventeur de concepts dans le domaine des sciences humaines. On a principalement retenu de ses travaux sa philosophie de la langue, ce que l'on a appelé l'hypothèse humboldtienne, qui se rejoint avec l'hypothèse Sapir-Whorf, qui veut que les catégories de la langue parlée prédéterminent nos catégories de pensée. Chaque langue renfermerait une vision du monde irréductible. C'est négliger l'intérêt d'Humboldt pour la dimension universelle du langage
Wilhelm sera au service de l'État prussien, notamment comme diplomate en France. En tant que ministre prussien de l'Éducation (1809-1810), il réforma profondément le système scolaire, en se basant sur les idées du philanthrope Pestalozzi — il envoya les professeurs prussiens étudier ses méthodes en Suisse. Il fonda l'université Humboldt de Berlin. Représentant de la Prusse avec Hardenberg au congrès de Vienne, il défend contre la France vaincue une ligne assez dure.
Humboldt était l'ami de Goethe et surtout de Friedrich von Schiller. Ces deux poètes lui inspirèrent des réflexions esthétiques souvent novatrices. Malgré cette carrière, il considérera toute sa vie que la culture de soi, la Bildung, est plus essentielle que le service de l'État.
Extrait des arpenteurs du monde :
Chez lui, il trouva deux lettres. L'une de son frère aîné, qui le remerciait pour sa visite et son soutien. « Que l'on se revoie ou non, il n'y a plus à présent – comme depuis toujours, au fond- que nous deux. On nous a très tôt inculqué l'idée qu'une vie devait avoir un public. Nous pensions tous deux que le nôtre était le monde entier. Or les cercles se sont progressivement rétrécis, et il nous a bien fallu comprendre que la vraie finalité de nos efforts n'était pas le cosmos mais simplement l'autre. C'est à cause de toi que je voulais devenir ministre, c'est à cause de moi que tu devais monter sur la plus haute montagne et ramper dans des grottes ; pour toi j'ai conçu la meilleure université qui soit, pour moi tu as découvert l'Amérique du Sud, et seuls les imbéciles qui ne voient pas ce qu'une vie dédoublée signifie auraient le mot "rivalité" à l'esprit : parce que tu existais, j'ai dû devenir l'éducateur d'un Etat, parce que j'existais, il te fallait être l'explorateur d'un continent, tout le reste aurait été inconvenant. Et nous avons toujours eu un instinct très sûr des convenances. Je te prie de ne pas léguer cette lettre à la postérité avec l'ensemble de notre correspondance, même si, comme tu me l'as dit, tu ne fais plus aucun cas de l'avenir. »
02:50 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
11/02/2007
A lire
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Les arpenteurs du monde
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Daniel Kehlmann
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éditeur: Actes-Sud
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Un record de vente en Allemagne, plus d'un million d'exemplaires en quelques mois.
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Sorti chez nous en janvier et pour l’instant personne n’en parle. Ça viendra !
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C’est l’histoire de deux scientifiques allemands du début du XIX ième, l’explorateur-naturaliste et baron Alexander von Humboldt et du mathématicien de génie, prince des mathématiques, Carl Friedrich Gauss.
On connaît Humboldt à cause du courant froid qui longe du sud au nord les côtes de l’Amérique du Sud et on connaît Gauss, au minimum pour les non-matheux, à cause de sa courbe en cloche.
Kehlman nous raconte les mésaventures de nos deux savants dotés de sales caractères affirmés qui se rencontrent à un âge avancé, disons vers 40 ans à Berlin. Humboldt est une bête de travail d’une curiosité frénétique, homosexuel refoulé, il sillonne et cartographie le monde du fin fond de l'Amazonie au bout des steppes sibériennes. Gauss a publié en 1801, ses Disquisitiones arithmeticae. Il a une vision totale des mathématiques de son temps et pour gagner sa vie, il mesure son coin d’Allemagne troublée par Napoléon. Lui a une vraie vie sexuelle et assez peu l’envie de bouger de Heidelberg.
On assiste à deux façons d'explorer le monde, opposées et complémentaires – Humboldt, le vaniteux optimiste arpente et mesure, Gauss le modeste et le sceptique réfléchit sans quitter ses pénates. Tous deux sont convaincus que la science va tout changer.
Des détails ici et là. Comme le souligne JLK, ce livre est un vrai bonheur de lecture.
13:25 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (2) |
10/02/2007
Inukshuk
Un inukshuk, des inuksuit en inuktitut, la langue des inuits.
Inuk veux dire "humain", inukshuk c'est "comme un humain".
Les inuksuit facilitent la chasse traditionnelle au caribou. Epouvantails de pierre pour attirer les caribous dans un cul de sac. L'inukshuk est un des thèmes de l'art inuit, entre l'abstrait et le figuratif.
Les inuksuit pouvaient aussi servir de point de repère ou de cairn identifiant la position d'une cache pour la nourriture. Ils servaient aussi à marquer les limites d’un territoire. Dans nos montagnes alpines on est plus habitué à voir des cairns, qui sont des tas de cailloux assez pratiques pour se déplacer à l'aube brumeuse au bord d'un glacier.
Dans la série on a aussi le tumulus qui servait de tombe. Un des plus fameux mausolée du genre se trouve au sommet du Nemrut Dag en Turquie. On a aussi les Stûpas, ce sont des tumulus qui au départ abritaient les cendres de bouddha et qui sont répandus dans toute l’Asie, que l’on appelle des shorten au Népal. Bref, pas mal de nom pour toutes sortes de tas de cailloux.
A signaler « Inukshuk, l’homme debout » un roman d’Hervé Le Tellier de l’Oulipo, Le Tellier dont j’ai déjà parlé ici.
Extrait:
Les enfants jouent. Ils ont toujours joué.
Autrefois,ils jouaient nus dans l’igloo où il faisait trois degrés.
Avec un igloo minuscule qu’ils taillaient avec le couteau du père.
Avec un bilboquet formé des os d’épaule d’udjuk et qui s’appelait un aeyigark.
Avec un petit harpon en bois de caribou.
Ou parfois même, avec une vraie poupée aux vêtements cousus par la mère, et dont le père avait sculpté la tête dans la stéatite ou l’os d’un caribou. Une vraie petite personne, un inujaq, et pas seulement une pierre enveloppée de fourrure que les petites filles berçaient comme un bébé.
Aujourd’hui, les enfants des Inuits ne fabriquent plus leurs jouets. Leurs parents les achètent au supermarket du block, et ils vont s’entasser dans le coffre à jouets :
Un jeu électronique GameBoy, marchant sur piles et made in Japan.
Une poupée blonde type Barbie à laquelle manque un bras.
Un dinosaure articulé en plastique avec son remontoir.
Un SpaceRanger cassé à tête interchangeable.
Une batte de base-ball et deux balles en imitation cuir...
04:40 Publié dans Géographie | Lien permanent | Commentaires (4) |
09/02/2007
Les frères Mann
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et
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On sait que Vialatte a révélé Kafka en France, il a aussi traduit Thomas Mann et Nietzsche. A propos de Thomas Mann (1875-1955) qui avouait avoir tiré profit du temps perdu à l’université j’ai découvert qu’il avait un frère Heinrich (1871-1950), son aîné, et aussi un grand écrivain.
Heinrich était plus engagé à gauche notamment pendant la république de Weimar, que son frère. Tous deux finiront brouillés l’un en Suisse, l’autre en France puis les deux aux Etats-Unis pour éviter le nazisme.
Heinrich est connu pour « Professor Unrat » adapté au cinéma en 1930 par Josef von Sternberg sous le titre L'Ange Bleu avec Marlène Dietrich. Thomas est connu pour pas mal d’œuvres dont « Mort à Venise », une nouvelle dont Visconti tirera un film éponyme, les Buddenbrook, le docteur Faustus et la montagne magique, entre autres,
*Ces gens n'avaient pas l'air très rigolo, surtout Thomas. Un de ces jours, à propos d’un livre passionnant et rigolo, je parlerai de deux autres frères allemands : Les frères Humboldt.
01:55 Publié dans Lecture, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (3) |
08/02/2007
Sur la terre
Comment ça va sur la terre ?
- ça va, ça va... hum pas très bien*.
Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon Dieu oui, merci bien.
Et les nuages ?
- ça flotte.
Et les volcans ?
- ça mijote.
Et les fleuves ?
- ça s'écoule.
Et le temps ?
- ça se déroule
Et votre âme ?
- elle est malade.
Le printemps était trop vert
elle a mangé trop de salade
©Jean Tardieu, Monsieur, Monsieur.
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07/02/2007
Le temps
Vialatte
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Encore
le temps
« Le temps perdu n'est jamais gaspillé ; les Auvergnats ne le souffriraient pas.
J'y songe en lisant Thomas Mann.
Quand il fut reçu docteur honoris causa de je ne sais plus quelle grande université allemande, il prononça un discours charmant où il expliquait qu'on l'honorait ainsi pour célébrer les résultats non point du temps qu'il avait employé à étudier dans les universités allemandes, mais de celui qu'il y avait perdu. Car c'était celui-là qui lui avait tout appris. Un grand professeur de Normale disaient à ses élèves : "Lisez, mais au hasard, lisez sans nul programme. C'est le seul moyen de féconder l'esprit." On ne peut savoir qu'après coup si le temps est perdu ou non. Sans le temps perdu, qu'est-ce qui existerait ? La pomme de Newton est fille du temps perdu. C'est le temps perdu qui invente, qui crée. Et il y a deux littératures : celle du temps perdu, qui a donné Don Quichotte, celle du temps utilisé, qui a donné Ponson du Terrail. Celle du temps perdu est la bonne. Le temps perdu se retrouve toujours cent ans après. »
<Chronique 232 - 9 juillet 1957 p.531>
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