18/04/2007
A pied
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Les
voyages
à pied
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Nous sommes si pressés d’agir, d’écrire, de réunir des biens, de nous faire entendre un instant dans le silence moqueur de l’éternité que nous oublions une seule chose dont celles-là ne sont que fragments : vivre. Nous tombons amoureux, nous buvons sec, nous courons de ci de là sur la terre comme des moutons apeurés. Demandez-vous maintenant si, au bout du compte, vous n’auriez pas mieux fait de rester au coin du feu chez vous, occupé au bonheur de penser. Rester à contempler, se rappeler les visages des femmes sans les désirer, être partout et avec tout en sympathie, mais vous contentez de rester où vous êtes et ce que vous êtes, n’est-ce pas connaître la sagesse et la vertu à la fois et demeurer dans le bonheur ?
Après tout, ce ne sont pas ceux qui portent la bannière qui jouissent de la procession, mais ceux qui la regardent de leur balcon. Une fois que vous aurez saisi cela, vous serez d’humeur à être un parfait hérétique vis-à-vis de la société. Ce n’est pas l’heure de vous dérober, ou de prononcer de grands mots vides.
(…la marche à pied...)
Est-ce que, pendant cet intervalle, vous avez été le plus sage des philosophes ou le plus insigne des ânes ? L’expérience humaine n’est pas encore en mesure de répondre ; mais au moins vous avez connu un magnifique moment, et abaissé les regards sur les royaumes de la terre. Que ce fût sagesse ou folie, le voyage de demain vous emportera corps et âme vers quelque autre paroisse de l’infini. Celui qui est membre de cette confrérie ne voyage pas en quête de pittoresque mais à la recherche de certaines humeurs joyeuses – De l’espoir et de l’esprit qui accompagnent les premiers pas le matin et de la paix, de la plénitude spirituelle au repos du soir.
Des promenades à pied – Robert Louis Stevenson 1876
01:25 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : randonnée, pedibus, philosophie |
16/04/2007
Quand lire est une fête
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L'égance
du
Hérisson
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Muriel
Barbery
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Edition Feryane
ou NRF
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Je reprends ce titre de JLK pour les arpenteurs du monde car l’élégance du hérisson est selon moi une vraie fête. Offre-vous trois ou quatre heures de fête en vous plongeant dans cet immeuble haut standing, rue de Grenelle, où se croisent deux récits.
Madame Michel d'abord, la concierge qui nous parle d’elle. 54 ans, 27 ans de service dans l’immeuble, elle joue à la perfection le rôle de la gardienne peu amène, revêche et un brin basse de plafond. On s’aperçoit bien vite que son plafond est en fait assez haut, voire même très haut. Elle adore la littérature, le cinéma et l’Art en général. Planquée dans sa loge Renée Michel est un puit de culture qui nomme ses chats d’après Tolstoï, le dernier en date, obèse à souhait s’appelle d’ailleurs Léon.
Au cinquième étage vit dans 400 m2 une petite fille de douze ans, Paloma, surdouée, suicidaire et misanthrope dans une famille très gauche caviar, le père est député socialiste, la mère est depuis des années en psychanalyse, antidépresseurs et plantes vertes, la fille aînée, Colombe est le cauchemar de Paloma, à cause du bruit et de sa vacuité de jeune adulte déjà lancée sur les rails d’une vie de riche. Paloma a tout compris de la vie, elle philosophe avec conviction dans un style juvénile mais pas djeun pour un rond.
Ces deux personnages nous sont immédiatement sympathiques à travers leur récit. On est dans l’anti Houellebecq. On est dans les bons sentiments et la pensée positive, un brin fleur bleue… personnellement j’aime bien, cela change de ce monde où il faut être le plus fort et pousser les copains pour passer. On se marre aussi aux dépends de l’université-pouet-pouet, de la psychanalyse-escroquerie-intellectuelle, des riches snobs, branchés et impitoyables, des grandes bourgeoises qui s’écharpent pour une petite culotte soldée 299 euros 90…
C’est superbement écrit, c’est très littéraire, Muriel Barbery s’en est donné à cœur joie vu que sa concierge est le nec plus ultra de la culture, elle ne nous épargne pas trop côté vocabulaire et théorie, ce qui n’est pas pour me déplaire, c’est même instructif parfois (la phénoménologie de Husserl) et amusant. On pourrait lui faire le reproche de trop de caricatures, je ne le ferais pas, j’ai trop pris de plaisir à cette lecture. En plus Madame Michel, notre concièrge, est, comme moi, fan d’Ozu… alors forcément c’est trop beau ! D’ailleurs, dans la deuxième partie, Ozu va arriver tel Zorro, mais je vous laisse le plaisir de la découverte. Ames sensibles prévoyez un mouchoir pour la fin.
Les lecteurs difficiles trouveront peut-être le début un peu long, mais laissez-vous donc aller, la deuxième partie est un pur régal, soyeux à souhait, agréable comme les pâtisseries de Manuela, l'amie de Renée, poétique, joyeux et communicatif. Bref, lisez-le et si vous n’aimez pas venez m’engueuler ici. Je ne rembourserai pas le livre mais je veux bien compatir... enfin, un petit peu.
01:30 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : littérature, ozu |
14/04/2007
Mon Croaïzu
J'ai retrouvé ce texte dans mes archives écrit en patois savoyard donc en arpitan.
Un texte retrouvé grace à un de ces instituteurs qui faisaient soit-disant la chasse au patois mais qui avaient aussi une grande culture et une grande tolérance.
En mémoire d'Albert (de Rumilly) qui a dit ce texte, en patois (de Rumilly bien sûr) par un beau soir des années 80 à la MJC de Saint Julien
C'est un peu long mais je ne me suis pas senti de le couper.
Mon Croaïzu
- Le craizu était une petite lampe à huile -
A Eclié, pet dzot los egrâ,
Saquin jhor qu'd'itou égarâ,
D'avou fé la travaille
D'on viœu croaizu, qu'dromsive i
(Lo rat avo radia son Jaret)
Parmi d'atre faraille.
A Ecle, dessous les escaliers,
L'autre jour où je m'étais égaré,
J'ai fait la découverte
D'un vieux Croaizu qui dormait là
(Les rats avaient mangé sa mèche)
Parmi d'autres ferrailles.
Avoé grand suet, d't'é ramassâ,
Drolo croaïzu dé tèp passâ,
Viœu souveni d’famille
T'itâ coffo, t'fassâ pétia ;
Mais, yeuré que d'tai biet nétia,
Ton couivro jhauno brille !
Avec grand soin, je t'ai ramassé,
Drôle de Croaizu des temps passés,
Vieux souvenir de famille !
Tu étais sale, tu faisais pitié ;
Mais à présent que je t'ai bien nettoyé,
Ton cuivre jaune brille !
T'mé rappelle mon juéno tèp,
Pourra croaïzu ; ya jha longtèp
Qu'no sin d'villié congnsance !
D't'avaï rtrovâ, d'sé tot contèt ;
S'té vu, no bliagrin on momet,
To dou, dvant la crédance.
Tu me rappelles ma jeunesse,
Pauvre Croaizu ; il.y a déjà longtemps
Que nous sommes de vieilles connaissances
De t'avoir retrouvé, je suis bien content ;
Si tu veux, nous allons blaguer un moment;
Tous les deux devant la crédence.
U mai d’juet, pé rna bella né,
Quaque tèp après la miné,
Dejha l'pollet çhantâve ;
A pu-pré on hoeura avant jhor,
Quand ma mâre m'a mta u jhor,
E ton faret qu'mallmâve !!
Au mois de juin, par une belle nuit,
Un peu après minuit,
Le coq chantait déjà ;
A peu près une heure avant le jour,
Quand ma mère me mit au monde,
C'est ta mèche qui m'a éclairé !
Yœu-tou qu'ya l'tèp, quand rli faret
S'argalâve d'houillo d'navet,
Dzot la granda chospance !
Yœu-tou qu'ya rlé grandé veillé,
Quand los garçon, lé juéné flié,
Çhantivo loeu romance !
Où est le temps, quand cette mèche
Se régalait d'huile de navet (colza),
Dessous la grande suspension !
Où est-ce qu'il y avait les grandes veillées
Quand les garçons, les jeunes filles,
Chantaient leurs romances !
L'hivé, t'a viu faire d'bennon,
D'ruçhe, d'croblié et d'cavagnon ;
Viu pelâ lé çhatagne.
T'a viu bleyï los éçhangliu,
T'a viu lo gromaillon trizu
Tontbâ diet lé cavagné !
L'hiver, tu as vu faire des bannes,
Des ruches, des corbeilles et des paniers ;
Vu éplucher les châtaignes.
Tu as vu tailler les chénevottes,
Tu as vu les cerneaux (de noix) triés
Tomber dans les corbeilles !
Ntra famille étaï u compliet.
Su l'cul d'on lopin, to solet,
T'fassâ brilli ta l'mire,
Quand diet l'pélo, lot assèbliâ
Ptiou et grand, n'z'itô attabliâ
Su la granda pâtire !
Notre famille était au complet.
Sur le fond d'un pot(1), tout seul,
Tu faisais briller ta lumière,
Quand dans la salle à manger, tous assemblés
Petits et grands, nous étions attablés
Autour du grand pétrin !
Daipoé lor, adiu lo croaïzu ;
L 'pétrole qu'vos a soffliâ dsu
A etoffâ vitré fâre !
Maï tot-pari, on jhor qu'met taï,
D'naraï pliet d'houillo et d'mar mortraï
P'allâ rjuèdre ma mâre !
Depuis lors, adieu les Croaïzus ;
Le pétrole qui vous a soufflé dessus
A étouffé vos mèches !
Moi aussi, un jour, comme toi,
Je n'aurai plus d'huile et je mourrai
Pour aller rejoindre ma mère !
D't'é prometto qué quand d'saraï
Prêt à mori, d't'é rallmeraï.
Pisqué t'ma viu taï mêmo
Vgnï à çti monda tot ptiollet,
Su maï t'veillré, mon croaïzollet,
A rli momet suprémo!!!
Je te promets que quand je serai
Sur le point de mourir, je te rallumerai
Puisque tu m'as vu toi-même
Venir en ce monde tout petiot,
Sur moi tu veilleras, mon petit Croaizu,
A ce moment suprême !!!
Ecle, le 26 mai 1905.
Aimé Marcloz d'Ecle (1856-1906)
(1) voir dessin
01:50 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lumière, nostalgie, temps ancien, patois |
12/04/2007
RSR1
Pour ceux qui l'aurait raté, je vous remets une couche de Brigitte Patient lisant des textes de ce blog. Comme l'a fait remarquer sugus, la voix de Brigitte met merveilleuse en relief des textes dont vous n'auriez sans doute pas remarqué la beauté en premier lecture :-)
02:00 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tambalacoque, ski, abondance, radio suisse-romande, brigitte patient |
10/04/2007
Ver de terre
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Darwin
et
les
vers
de
terre
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Vous connaissez Darwin, le papa de l'évolution. Celui que craignent tous ces religieux qui osent prétendre que Dieu aurait pu créer l'homme à son image. Ils le craignent parce qu’ils savent bien que l’on (eux en particulier) ressemble bien plus à un singe qu’à Dieu. Il se peut même que l’on ressemble à des vers de terre. On se souvient du ver de terre amoureux d’une étoile…
Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
Qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile ;
Qui pour vous donnera son âme, s'il le faut ;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut. "
Ruy Blas - Victor Hugo
Et bien Charles Darwin s’est intéressé aux vers de terre en dilettante, aux vers et à l’impact des galeries souterraines qu’ils creusent sur l’écosystème.
Des chercheurs de l'institut d'écologie des Pays Bas viennent de montrer que les fouisseurs sont non seulement de vraies machines a modifier l’écosystème mais que l’action de creuser a joué un rôle crucial dans l'évolution des formes animales modernes.
C’est dans un livre de 1881 que Darwin s’étend sur la formation des moisissures végétales grâce a l’action des vers de terre. Il décrit leur rôle dans la formation et l'érosion du sol et leur impact sur le paysage. Ce livre est fondé sur des expériences menées dans son propre jardin.
L’impact des vers de terre et des autres organismes benthiques est aujourd’hui mieux compris. La bioturbation touche l’ensemble des couches de sédiments meubles marins ou terrestres. En zone tempérée, les premiers vingt centimètres du sol d'une prairie sont passés plusieurs fois par le tube digestif de vers de terre.
Ne méprisons plus les vers de terre. Il se peut que Dieu soit un ver de terre.
01:55 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (9) |
08/04/2007
Immanensité
Je suis en pleine crise de mysticisme. Rassurez-vous je n’ai pas encore décollé… Je m’essaie à la lévitation sans succès en lisant L’esprit de l’athéisme de Comte-Sponville. J’en suis au mystère et à l’évidence, au sentiment océanique, à l’immanensité(1), plénitude, simplicité, unité, silence, éternité, sérénité, acceptation, indépendance… C’est beau. Je découvre aussi Svâmi Prajñânpad et me voilà parti sur à léviter sur la toile…
Qu’y trouve-je ?
Cette photo
d’Arnaud Desjardins
et de
Matthieu Ricard
hilares
On dit que l’habit ne fait pas le moine alors pour le coup le patronyme non plus ! Parce que "Ricard et Desjardins" pour des sages dont tous le monde dit le plus haut bien, que leurs adeptes sont prêts à canoniser comme JPII (santo subito) dès qu’il seront morts, je trouve que cela ne fait pas vraiment sérieux. Gandhi, d’accord, Sri Aurobindo, c’est bien, krishnamurti OK, Svâmi Prajnanpad super, même André Comte-Sponville à la rigueur mais pas Desjardins ou Ricard... franchement!
(1)Pour l’immanensité je referai une autre note parce que l’immanence, c’est pas fastoche comme concept, l’immensité c’est grand alors l’immanensité, pensez donc !
00:55 Publié dans Au fil de la toile | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mysticisme, humour |
06/04/2007
Pigeonnier
Il y a quelque temps, je buvais un café à La Diligence, haut lieu Saint Juliennois, et soudain j’avise un tableau qui me semblait représenter un paysage familier… Un peu banal peut-être... mais rien à faire je l’avais dans l’œil. Je m’approche, regarde machinalement la signature et je lis « Descombes ». Tiens me dis-je, « Serais-ce le Jean-Luc Descombes que je connais ? » Ensuite je regarde le titre : « Pigeonnier » Je sais. C’est évident. la scène est peinte juste derrière la maison de ma mère, et voilà pour l’air familier.
Coïncidence, Jean-Luc Descombes expose quelques temps plus tard à Collonges sous Salève. Il faut savoir qu’il n’y a pas plus casanier que Jean-Luc et que vous ne le trouverez qu’à Collonges et encore, pendant la journée, le soir il se claquemure. Je me rends donc au vernissage et là, surprise ! Il n’expose que de l’abstrait. Du bel abstrait, très coloré, très imaginatif mais rien qui ressemble à un pigeonnier à moins d’avoir sérieusement abusé du vin blanc et des cacahouètes. Je m’approche de l’artiste, lui parle du pigeonnier et il déclare qu’il est dans sa phase abstraite...
Bon, ben voilà! Enfin si… peut-être... pour moi spécialement… si j’insiste… il faut voir… plus tard... Du coup, je passe commande ferme, une expérience nouvelle pour moi.
Et voilà, c’est comme ça que l’autre soir, je me suis retrouvé devant mon tableau, superbement réussi. Désolé pour la mauvaise photo qui ne donne qu’une pale idée de l’œuvre. Un beau cadre et il sera dasn mon salon.
00:35 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : tableau, peinture, artiste, peintre |