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07/05/2008

Lutetia

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 Lutetia

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Pierre Assouline

 

Edouard Kiefer, Alsacien, parfaitement bilingue, ancien flic des RG est le détective chargé de la sécurité de l'hôtel Lutetia et de ses clients. Discret, peu bavard, il sait tout sur Lutetia mais ne dit rien. Kiefer est le narrateur qu’a choisi Assouline pour nous guider dans les trois parties de ce roman historique.

Avant guerre, le Lutetia est un hotêl de luxe, le seul de la rive gauche, il tient tête aux palaces de la rive droite. Des gens prestigieux y séjournent, James Joyce, Albert Cohen, Matisse et même le général de Gaule quelques jours avant le 18 juin 40… Kiefer fait de fiches sur les clients et les employés. A travers lui on découvre un petit monde de privilégiés d’un autre âge.  

Puis, la guerre éclate, les allemands occupent Paris et le Lutetia réquisitionné par l'Abwehr, le service de contre espionnage allemand. Kiefer est utilisé comme interprète et continue de s’occuper de la sécurité mais les hôtes sont souvent moins charmants que dans la première période. Au début, Kiefer ne se mouille pas trop puis progressivement, il va pencher vers la résistance.

Enfin, la guerre se termine. Paris est libéré et Lutetia devient centre d'acceuil et de ralliement des déportés. Toute la misère des camps envahit le Palace. Kiefer ne fait plus de fiches mais il nous fait vivre ce que cette guerre a eut de plus atroce, le massacre des juifs. Cette troisième partie est la plus poignante et aussi la meilleure selon moi.

A travers ces trois périodes, les personnages apparaissent et parfois reviennent à Lutetia. Comme dans Le dernier des Camondo, on reste pantois devant la documentation qu'a dû réunir Pierre Assouline pour recréer pour nous ce morceau d’histoire. Il sait allier la précision historique et le souffle romanesque. L’écriture est agréable et nous restituer toutes ces atmosphères si différentes réunies dans un lieu unique.

Si je me suis parfois ennuyé dans les deux premières parties, je n’ai pas regretté d’avoir atteint la troisième et d’avoir terminé ce roman que je recommande chaudement à tous les amateurs du genre.

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09/04/2008

Philosophie

Ca-vient.jpgRegrets

sur

ma

vieille

robe de chambre.

 

Denis Diderot

Un texte amusant et philosophique du grand Denis qui vient de changer de robe de chambre. Il en avait une, usée mais commode,  qu'il a troqué contre une nouvelle, superbe  et écarlate.

Pourquoi ne l'avoir pas gardée? Elle était faite à moi ; j'étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner; j'étais pittoresque et beau. L'autre, raide, empesée, me mannequine. Il n'y avait aucun besoin auquel sa complaisance ne se prêtât; car l'indigence est presque toujours officieuse. Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s'offrait à l'essuyer. L'encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu'elle m'avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant; on ne sait qui je suis. Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d'un valet, ni la mienne, ni les éclats du feu, ni la chute de l'eau.

J'étais le maître absolu de ma vieille robe de chambre; je suis devenu l'esclave de la nouvelle. Le dragon qui surveillait la toison d'or ne fut pas plus inquiet que moi. Le souci m'enveloppe. Le vieillard passionné qui s'est livré, pieds et poings liés, aux caprices, à la merci d'une jeune folle, dit depuis le matin jusqu'au soir : Où est ma bonne, ma vieille gouvernante?

(…)Je ne pleure pas, je ne soupire pas ; mais à chaque instant je dis : Maudit soit celui qui inventa l'art de donner du prix à l'étoffe commune en la teignant en écarlate ! Maudit soit le précieux vêtement que je révère! Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de calemande? (calemande : tissu ordinaire)

Ensuite Denis explique qu’avec cette magnifique robe écarlate, il a dû changer son mobilier et toute la décoration de la maison. Bref, il était pauvre et libre comme Diogène, il est devenu riche et attaché aux objets. Un plaidoyer pour la simplicité volontaire. »

Ah, saint prophète! levez vos mains au ciel, priez pour un ami en péril, dites à Dieu : Si tu vois dans tes décrets éternels que la richesse corrompe le coeur de Denis, n'épargne pas les chefs-d'oeuvre qu'il idolâtre ; détruis-les, et ramène-le à sa première pauvreté; et moi, je dirai au ciel de mon côté : O Dieu! je me résigne à la prière du saint prophète et à ta volonté! Je t'abandonne tout; reprends tout; oui, tout, excepté le Vernet. Ah! laisse-moi le Vernet!  

Amusant cette invocation divine dans la bouche du philosophe le plus athée du siècle. Il va terminer sur ce tableau de Vernet dont l’artiste lui a fait cadeau et qu’il trouve très beau. Acwuérir un peu de beauté est peut-être la seule justification de la richesse.

Le texte est ici. 

 

13:35 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (1) |

08/03/2008

Mouton sauvage

cb7d19483009489eaa442f38c686d0b1.jpgA cause d'une simple photo de moutons dans une prairie, la vie du narrateur bascule du jour au lendemain. Et le voilà, obligé de courir après un mouton mythique qui serait détenteur de grands pouvoirs pour le compte d'un parti d'extrême droite, une sorte de gouvernement occulte du Japon.

Si vous aimé les romans qui décoiffent, les histoires bizarroïdes, le mystère et l’impossible, il faut lire la chasse au mouton sauvage.

C’est la quête par un narrateur, célibataire mais temporairement en ménage avec un mannequin d’oreille (qui a donc de belles oreilles). Le roman se passe au Japon - Murakami est le moins japonais des auteurs japonais, c’est un très grand de la littérature mondiale – à notre époque mais avec le poids du passé et de la mafia. Il y a pas mal d’humour, vous allez tout savoir sur l’élevage ovin au Japon et sur ce mystérieux et redoutable mouton, avec une croix sur le dos, photographié par hasard dans la montagne.

La course au mouton sauvage est un thriller métaphysique. J’avoue que je préfère lire des histoires plus réalistes. Pourtant ce livre, bien écrit, est déjà culte et je crois qu’il plaît et devrait plaire énormément à ceux qui aiment l’étrange.

Le roman est traduit par Patrick De Vos. Est-ce un problème de traduction ? J’ai trouvé l’écriture moins fluide que dans Au sud de la Frontière et Les amants du spoutnik traduit par Corinne Atlan.

09:17 Publié dans Lecture, Murakami | Lien permanent | Commentaires (0) |

27/02/2008

Les amants du spoutnik

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Après « A l’ouest de la frontière, au sud du soleil. » j’ai lu les « amants du spoutnik » et je suis tombé encore une fois sous le charme.

L’histoire : K. est instituteur, il raconte et nous parle de son amie Sumire dont il est amoureux. Sumire ne vit que pour la littérature, elle écrit, écrit, écrit, mais ne se satisfait pas de ses écrits, elle se trouve trop immature. Les amours sont souvent déçues. Sumire va tomber amoureuse de Miu une femme plus âgée et mystérieuse qui aime beaucoup Sumire d’un amour platonique, Miu entraîne Sumire dans son monde de luxe et plaisirs épicuriens.

Un grand roman ! Murakami crée un univers. Je l’ai trouvé facile à lire. Les personnages de Sumire, Miu et K. sont très vivants on les aime tout de suite. J’ai eu l’impression de connaître personnellement Sumire, ses goûts, ses hésitations dans la vie… La belle et hiératique Miu dans son univers de vins français et de luxe et K. qui ne comprend pas Sumire mais qui est amoureux et pardonne tout y compris les appels à trois heures du mat. Progressivement on entre dans des eaux troubles. On passe de la raison, de la séduction vers un monde plus étrange, onirique. Que s’est il passé dans cette île grecque ? L’auteur ne nous le dit pas… A chacun de trouver son explication.

On dit de Murakami qu’il est le moins japonais des écrivains japonais. C’est sans doute vrai et c’est aussi ce qui le rend si proche grâce à la traduction magistrale de Corinne Atlan.

Demain un autre Murakami bien plus spèce : La chasse au mouton sauvage

11:55 Publié dans Lecture, Murakami | Lien permanent | Commentaires (5) |

24/02/2008

Physique

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Quelques notions essentielles de physique revisitées par un personnage de Woody Allen au petit déjeuner :

« Je suis grandement soulagé d'apprendre qu'on est enfin en mesure d'expliquer l'univers. J'allais finir par croire que c'était moi qui déraillais. Il s'avère que finalement la physique, telle une vieille tante qui radote, a réponse à tout. Le big-bang, les trous noirs et la soupe primordiale se rappellent à notre bon souvenir tous les mardis dans le « cahier sciences » du Times, tant et si bien que je comprends désormais les subtilités de la relativité générale et de la mécanique quantique aussi bien qu'Einstein - Einstein Moomjy, j'entends, le marchand de tapis. Comment ai-je pu ignorer si longtemps qu'il existe dans l'univers des unités aussi infimes que la « longueur de Planck », qui mesure un millionième de milliardième de milliardième de milliardième de centimètre ? Vous vous rendez compte, si vous en faites tomber une dans la salle obscure d'un cinéma, pour la retrouver ?

Comment fonctionne l'attraction universelle? Si la gravité devait soudain cesser, certains restaurants exigeraient-ils encore le port du veston ? Ce que je sais, en physique, c'est que pour un homme se tenant sur la berge, le temps passe plus vite que pour celui qui se trouve en bateau - surtout si ce dernier est avec sa femme. Le dernier miracle de la physique est la théorie des cordes, ou « théorie du tout ». Une théorie globale qui expliquerait l'ensemble des phénomènes physiques, y compris l'incident de la semaine dernière ci-dessous décrit. 

Je me suis réveillé vendredi, mais comme l'uni­vers est en pleine expansion, il m'a fallu plus de temps que de coutume pour trouver ma robe de chambre. Du coup, je suis parti en retard au travail. En outre, compte tenu de la relativité du concept de haut et de bas, l'ascenseur que j'ai pris montait et je me suis retrouvé au dernier étage de l'immeuble, où j'ai eu toutes les peines du monde à trouver un taxi. Il ne faut pas oublier qu'un homme voyageant dans un vaisseau spatial à une vitesse proche de celle de la lumière aurait donné l'impression de ne pas être en retard au bureau - voire d'être un peu en avance, et en tout cas mieux sapé que moi. Quand je suis finalement arrivé au travail, je suis allé voir mon patron, M. Muchnick, pour lui expliquer la raison de mon retard, sauf que ma masse a augmenté en proportion inverse du carré de la distance, ce qu'il a considéré comme de l'insubordination. Il a été ques­tion d'une retenue sur mon salaire, lequel, rapporté à la vitesse de la lumière, est de toute façon assez négli­geable. D'ailleurs, comparé au nombre d'atomes dans la galaxie d'Andromède, je gagne assez peu. J'ai essayé de faire part de mes réflexions à M. Muchnick. Il a dit que je ne tenais pas compte du fait que le temps et l'espace, c'était la même chose. Il a d'ailleurs juré que si cette situation venait à changer, j'aurais droit à une augmentation.

Je lui ai alors répondu que dans la mesure où le temps et l'espace revenaient au même, comme il faut trois heures pour fabriquer un article qui à l'arrivée mesure moins de quinze centimètres, on ne peut décemment pas le vendre à plus de cinq dollars. Le seul aspect positif de l'identité du temps et de l'es­pace, c'est que lorsque vous bourlinguez aux confins de l'univers pour un voyage de trois mille années ter­restres, certes, à votre retour, vos amis seront morts, mais au moins vous n'aurez pas besoin de Botox. »

12:40 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (1) |

03/02/2008

Birmane

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J’aime bien les écrivains qui racontent des histoires. J’aime bien les écrivains qui me font voyager. Quand le pétrole approchera de sa fin, on autorisera seulement quelques écrivains à voyager et à nous raconter leurs voyages. Certains seront factuels et géographques  d’autres nous construiront de belles fictions à saveur de vérité. C’est ce que fait Christophe Ono-dit-Biot.

Christophe a passé pas mal de temps en Birmanie et il en est sorti ce roman savoureux Birmane qui nous entraîne dans cette Birmanie fermée et mise à sac par un groupe de généraux qui ont confisqué le pouvoir. On a beaucoup parlé de la Birmanie pendant quelques jours quand les moines se sont fait massacrés par le régime. On en  parle parfois à propos de Aung San Suu Kyi l’opposante institutionnelle, prix Nobel de la paix, trop connue pour être liquidée et mise en résidence surveillée. Ce pays est un des rare sur la planète qui offre encore un tel parfum d’aventure.

César est un garçon pas très sûr de lui, plaquée par sa compagne en Thaïlande, il décide de tenter l’aventure en Birmanie. A Rangoon, où la paranoïa le dispute à la moiteur tropicale, il rencontre Julie, médecin humanitaire, très belle et mystérieuse dont il tombe amoureux. César va transiter par les boîtes de nuit où la jeunesse dorée de Rangoon s’amuse puis par les casinos de Mong-La entourés de lupanars. Cette ancienne bourgade de paysans shans est devenue en quelques années un petit Macao perdu au milieu des montagnes, étincelant de néons. Il séjourne dans des villages lacustres du lac Inle à la vallée des Rubis pour arrivé au milieu des Karens en rébellion continuelle.  César suit sa route de l’aventure en quête d’amour et d’absolu dans le pays le plus fermé, le plus enivrant, le plus sensuel de toute l’Asie.

J’ai beaucoup aimé ce livre que m’a offert Dario pour mon dernier jourde boulot chez les fous. Je l’ai lu assez vite et sans sauter de page. Seule la fin m’a un peu déçu mais l’auteur avait mis la barre à une telle hauteur qu’il était sans doute difficile pour lui de finir sur un point d’orgue.

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11/01/2008

Vanité

D’humeur philosophique, je tombe sur ce texte de cet orateur du grand siècle qu’on a surnommé l’Aigle de Meaux: Bossuet. Un vrai conservateur, pas vraiment rigolo mais le texte suivant me plait bien.
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Voici donc un extrait d'une oraison funèbre prononcé à l'occasion des funérailles de Henry de Gournay, un homme oublié mais qui, d’après Bossuet, avait tout fait pour et méritait donc le paradis. J’ai juste trouvé que ce Henry de Gournay épousa Marie-Agathe Raidsessel de Calembourg. L’histoire ne dit pas s’ils se marraient tous les jours.

« Car, de même que, quelque inégalité qui paraisse dans le cours des rivières qui arrosent la surface de la terre, elles ont toutes cela de commun, qu'elles viennent d'une petite origine, que dans le progrès de leur course elles roulent leurs flots en bas par une chute continuelle, et qu'elles vont enfin perdre leurs noms avec leurs eaux dans le sein immense de l'Océan où l'on ne distingue point le Rhin ni le Danube, ni ces autres fleuves renommés, d'avec les rivières les plus inconnues, ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités.

Dans le progrès de leur âge, les années se poussant les unes les autres comme des flots, leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle; et enfin, après avoir fait, ainsi que des fleuves, un peu plus de bruit les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant, où l'on ne trouve plus ni Rois ni Princes ni Capitaines, ni tous ces autres augustes noms qui nous séparent les uns des autres, mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. Telle est la loi de la nature, et l'égalité nécessaire à laquelle elle soumet tous les hommes dans ces trois états remarquables, la naissance, la durée, la mort.

Que pourront inventer les enfants d'Adam, pour combattre, couvrir, ou pour effacer cette égalité, qui est engravée si profondément dans toute la suite de notre vie? Voici, mes Frères, les inventions par lesquelles ils s'imaginent forcer la nature et se rendre différents des autres, malgré l'égalité qu'elle a ordonnée. (…)

Dans le progrès de la vie on se distingue plus aisément par les grands emplois, par les dignités éminentes, par les richesses et par l'abondance. Ainsi on s'élève et on s'agrandit, et on laisse les autres dans la lie du peuple. Il n'y a donc plus que la mort où l'arrogance humaine est bien empêchée. Car c'est là que l'égalité est inévitable, et encore que la vanité tâche en quelque sorte d'en couvrir la honte par les honneurs de la sépulture, il se voit peu d'hommes assez insensés pour se consoler de leur mort par l'espérance d'un superbe tombeau, ou par la magnificence de leurs funérailles. Tout ce que peuvent faire ces misérables amoureux des grandeurs humaines, c'est de goûter tellement la vie, qu'ils ne songent point à la mort.  (…)

C'est ainsi qu'ils se conduisent à l'égard de ces trois états; et de là naissent trois vices énormes qui rendent ordinairement leur vie criminelle. Car cette superbe grandeur, dont ils se flattent dans leur naissance, les fait vains et audacieux. Le désir démesuré, dont ils sont poussés, de se rendre considérables au-dessus des autres, dans tout le progrès de leur âge, fait qu'ils s'avancent à la grandeur par toutes sortes de voies, sans épargner les plus criminelles; et l'amour désordonné des douceurs qu'ils goûtent dans une vie pleine de délices, détournant leurs yeux de dessus la mort, fait qu'ils tombent entre ses mains sans l'avoir prévu. 

06:30 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (4) |