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09/04/2008

Philosophie

Ca-vient.jpgRegrets

sur

ma

vieille

robe de chambre.

 

Denis Diderot

Un texte amusant et philosophique du grand Denis qui vient de changer de robe de chambre. Il en avait une, usée mais commode,  qu'il a troqué contre une nouvelle, superbe  et écarlate.

Pourquoi ne l'avoir pas gardée? Elle était faite à moi ; j'étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner; j'étais pittoresque et beau. L'autre, raide, empesée, me mannequine. Il n'y avait aucun besoin auquel sa complaisance ne se prêtât; car l'indigence est presque toujours officieuse. Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s'offrait à l'essuyer. L'encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu'elle m'avait rendus. Ces longues raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant; on ne sait qui je suis. Sous son abri, je ne redoutais ni la maladresse d'un valet, ni la mienne, ni les éclats du feu, ni la chute de l'eau.

J'étais le maître absolu de ma vieille robe de chambre; je suis devenu l'esclave de la nouvelle. Le dragon qui surveillait la toison d'or ne fut pas plus inquiet que moi. Le souci m'enveloppe. Le vieillard passionné qui s'est livré, pieds et poings liés, aux caprices, à la merci d'une jeune folle, dit depuis le matin jusqu'au soir : Où est ma bonne, ma vieille gouvernante?

(…)Je ne pleure pas, je ne soupire pas ; mais à chaque instant je dis : Maudit soit celui qui inventa l'art de donner du prix à l'étoffe commune en la teignant en écarlate ! Maudit soit le précieux vêtement que je révère! Où est mon ancien, mon humble, mon commode lambeau de calemande? (calemande : tissu ordinaire)

Ensuite Denis explique qu’avec cette magnifique robe écarlate, il a dû changer son mobilier et toute la décoration de la maison. Bref, il était pauvre et libre comme Diogène, il est devenu riche et attaché aux objets. Un plaidoyer pour la simplicité volontaire. »

Ah, saint prophète! levez vos mains au ciel, priez pour un ami en péril, dites à Dieu : Si tu vois dans tes décrets éternels que la richesse corrompe le coeur de Denis, n'épargne pas les chefs-d'oeuvre qu'il idolâtre ; détruis-les, et ramène-le à sa première pauvreté; et moi, je dirai au ciel de mon côté : O Dieu! je me résigne à la prière du saint prophète et à ta volonté! Je t'abandonne tout; reprends tout; oui, tout, excepté le Vernet. Ah! laisse-moi le Vernet!  

Amusant cette invocation divine dans la bouche du philosophe le plus athée du siècle. Il va terminer sur ce tableau de Vernet dont l’artiste lui a fait cadeau et qu’il trouve très beau. Acwuérir un peu de beauté est peut-être la seule justification de la richesse.

Le texte est ici. 

 

13:35 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (1) |

Commentaires

Effectivement.

Écrit par : alain | 10/04/2008

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