13/08/2012
Traquenard
Un jour où on lui demandait ce qu’il pensait de la civilisation occidentale, Gandhi répondit : « Je pense que ce serait une bonne idée. »
Mark Twain disait que la civilisation était la multiplication de besoins non nécessaires et Gandhi ajoutait :
« La civilisation, au vrai sens du terme, ne consiste pas à multiplier les besoins, mais à les limiter volontairement. C'est le seul moyen pour connaître le vrai bonheur et nous rendre plus disponible aux autres [...] Il faut un minimum de bien-être et de confort ; mais, passé cette limite, ce qui devait nous aider devient une source de gêne. Vouloir créer un nombre illimité de besoins pour avoir ensuite à les satisfaire n'est que poursuivre du vent. Ce faux idéal n'est qu'un traquenard. S'ils ne changent pas leur modèle, les européens périront sous le poids de leur confort dont ils seront devenus esclaves.
Traquenard (une bonne traduction de « delusion and a trap ») vient de Rabelais qui l'a piqué au gascon tracanart qui désigne un cheval qui romps l’amble.
Le cheval se met à galoper des postérieurs et à trotter des antérieurs. Essayez, vous verrez, c’est pas facile !
Plus tard, traquenard devient piège pour animaux. On retrouve la même racine que dans traquer, suivre la trace d’un animal. Tomber dans un traquenard, c’est bien ce qui nous arrive. Le piège est de taille. Il a été posé par les renards des banques, par les requins de Davos, par l’idéologie de l’économie libérale (le maché, le marché..) et aussi par notre cupidité. Pas de lien étymologique avéré avec trappeur ou trappe mais c’est aussi un piège. Merci Alain Rey one more time.
L’amble est l’allure du cheval qui fait avancer ses deux jambes du même côté provocant un balancement alternatif.
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier et je t'ai dit
Nous dormirons ensemble
C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon coeur entre tes mains
Avec le tien comme il bat l'amble
Aragon – Le fou d’Elsa
11:05 Publié dans Mondialisation, Mots, Simplicité | Lien permanent | Commentaires (2) |
11/08/2012
Pointe d'Areu
Au choix:
Montée depuis Magland, le chalet de Bernard et le passage du Saix. Au XX ième siècle. (photo)
Montée depuis Rome sur Cluses avec Catherine Un peu plat et longuet. Moutons et chien Patou à l'arrivée. En 2010
Montée depuis le col des Annes et les chalets de Mery avec René. Descente en accro branches dans les viornes.
19:04 Publié dans Montagne | Lien permanent | Commentaires (0) |
10/08/2012
Des prunes
La seconde croisade fut un échec. Les Croisés, vers 1150, ramenèrent des pieds de pruniers de Damas dont ils avaient pu se régaler des fruits sur place.
Alors qu'ils faisaient le compte-rendu de leur expédition foireuse* au roi, celui-ci très en colère se serait écrié : « Ne me dites pas que vous êtes allés là-bas uniquement pour des prunes ! »
Les pruniers venaient de Damas ou d’Alep, les sources varient sur ce point de géographie. La question qui se pose « BHL, notre prêcheur national, se prend-il pour Saint Bernard ? » Voir ci-dessous pour la référence à Bernard de Clairvaux. Donc, je préviens, Bernard-Henri, gaffe-toi, parfois la croisade s’enlise sans même s’amuser.
N’empêche qu’à Damas et Alep, ça rigole pas. Le fou fait bombardé son peuple et personne n’a expliqué au chef des rebelles que Sarkozy avait perdu les élections et qu’il n’a même plus le gros avion à sa dispo et encore moins les rafales. Le zinc de luxe du président a été renommé "Air Normal" ; pour les rafales Serge Dassault veut les repeindre en rose. On a changé d'air mais pas de méthode.
Un peu de vocabulaire. Damasquin – étoffe tissée à la manière de Damas. Un mot utilisé aussi pour une arme blanche en acier de Damas. Damassé ou encore damasquiné font référence à des techniques de travail du métal en incrustant par exemple un fil d’or dans de l’acier comme on le faisait à Damas.
Quant à la damassine, c’est un alcool que l’on fait dans l’Ajoie (jura suisse – capitale Porrentruy – le pays de Sabine) à partir de prunes damassines fruit du damassinier et originaires de… Damas. Délicieux mais à consommer avec modération. En Haute-Savoie, la variété locale de prunes s’appelle « cul de polet », on en fait de délicieuses confitures. Paraît que cette année « y en a point, y zont toutes coulées. »
* A trop manger de prunes, on risque le pet foireux ! Foire avait le sens de colique avant de devenir une fête et un marché.
Deuxième croisade : Pourtant, on avait mis le paquet. Bernard de Clairvaux, un des hommes les plus célèbres et les plus estimés de la chrétienté de l'époque, eut l'idée de promettre l'absolution de tous les péchés commis à ceux qui prendraient la croix. Le 31 mars 1146, en présence du roi Louis VII, Bernard prêcha la croisade à une foule immense, à Vézelay en Bourgogne. Bernard se rendit alors en Germanie et la rumeur des miracles qui se multiplièrent à chacun de ses pas ont certainement contribué à la réussite de sa mission. À Spire, l'empereur du Saint-Empire romain germanique, Conrad III de Hohenstaufen, et son neveu Frédéric Barberousse reçurent la croix des mains de Bernard. Le pape Eugène vint en personne en France pour encourager l'entreprise…
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07/08/2012
Batumi
La ville de Batoumi a décidé d’installer une fontaine à chacha. La fontaine logée dans une tourelle de 25 mètres de haut crachera sa chacha pendant un quart d’heure une fois par semaine.
Batoumi (Batoum) est une ville balnéaire de Géorgie sur la mer noire. La chacha est l’eau de vie locale qui titre ses 45 degrés d'alcool. Entre deux abreuvements, on espère que les soiffards pourront découvrir la ville. Les autorités Géorgiennes ambitionnent de transformer Batoumi, un port de 120 mille habitants, en une nouvelle Riviera. Une rivière d’alcool. Qu'en pense la croix bleue ?
A noter (ou pas) que Batoumi était une ville importante des Lazes et que les lazes sont une peuplade à cheval (et parfois à pied) sur la Turquie et l’Adjarie, Adjarie dont Batoumi est la capitale.
La région a tentée de faire sécession en 2004. La géorgie a bien à faire avec ses républiques régionales, c'est pire que notre Corse. Voir mes notes sur le Haut Karabakh, l’Ossétie et l’Abkazie. L'actuel premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan est issu de la communauté des lazes. C'était ma note géographique... Maintenant, un peu de vocabulaire...
Boire, buveur, beuverie, abreuver, breuvage, buvette, déboire, pourboire, biberon, bibine, buvard, buvable et imbuvable… viennent du latin bibere, absorber un liquide.
Riviera est le nom donné à la côte italienne de La Spezia à Nice.
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05/08/2012
Mollets
Ce matin, à la boulangerie, on m’a félicité pour mes mollets. J’avoue que je n’ai pas trop su comment le prendre. Bien sûr, j’eusse préféré qu’on me félicite pour mon action municipale, mais il est vrai que j’exerce celle-ci avec la plus grande discrétion… tandis que, ce matin, je me suis rendu à la boulangerie en short. Alors forcément…
Ce n’est pas la première fois que l’on m’adresse des félicitations pour un sujet qui me tient moins à cœur qu’un autre. J’ai d’ailleurs l’impression que dans la vie c’est toujours un peu comme ça. Vous faites une super présentation sur les finances communales et on vous félicite pour le fond d’écran de vos transparents. Ce qui vous met immédiatement un doute sur la supériorité de votre présentation.
Ceci dit, je ne crois pas que la personne qui m’a trouvé de beaux mollets avait de méchantes arrières pensées. D’ailleurs si elle en avait, ce ne serait pas grave. Après tout, c’est bien parce que je grimpe le Salève deux ou trois fois par semaine que mes mollets sont si beaux. Et puis, tout le monde ne peut pas être champion olympique mais tout le monde peut avoir quelque chose de remarquable. Moi, ce sont les mollets. Je vais donc continuer à faire le Salève régulièrement.
Le salève vu de St Julien :
Un calembour est un jeu de mots laids pour gens bêtes, mais il y en a de très malins:
Exemple pris chez Bobby : « Je suis né au Chili, maman était au lit et mon papa auchi. »
19:37 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (0) |
31/07/2012
Escargotisme
Vialatte avait le goût de l’absurde. Dans sa chronique du 5 Janvier 66, il commente une BD de Copi qui publiait à l'époque dans le Nouvel Obs une page (parfois juste une bande de trois dessins) sous le titre de la femme assise.
Copi était aussi un dramaturge. C'est lui qui a écrit l'Eva Peron dont j’ai parlé ici. Argentin comme Jérôme Savary. Militant de la cause gay, il est mort du sida en 1987 comme beaucoup à l’époque. Voici la fameuse chronique :
Le cœur humain ne cesse de poser des problèmes. Les mœurs du temps les résolvent au mieux, ou au pis (je ne sais qu’en penser). Il y a des dames, dans les journaux, qui sont spécialisées dans l’étude de ces choses ; elles savent, elles disent, elles ont bien de la chance ; elles répondent : « Patientez », ou : « Rendez-le jaloux », ou : « Parlez-en à votre mère » ; que sais-je ?
(…)
Que peuvent penser toutes ces savantes, tous ces savants, ces psycholo-sociologues, ces sociologues, ces spécialistes, du cas que nous présente Copi dans sa dernière bande dessinée ? Elle donne beaucoup à réfléchir. On y voit la dame de Copi, la dame ordinaire de Copi, cette femme molle, rêvassière et indéfinissable, aux cheveux raides et au nez immense, assise sur presque rien dans un vide absolu, dans le néant, dans le complètement, c’est-à-dire dans le décor ordinaire de Copi. Sa fille arrive, suivie d’un escargot. Elle doit avoir quelque chose comme huit ans. Maman, dit-elle, cet escargot veut m’épouser. » Suit un silence, un long silence, un lourd silence (on sait que les dialogues de Copi sont surtout composés de silences. Ses personnages ne pensent pas vite. Ils ont « le corps plein de sommeil et l’esprit plein de songe »).
« Tu ne vas pas épouser un escargot, voyons ! », répond enfin la mère d’un air scandalisé. Mais je l’aime, maman ! », répond la petite. Silence. Silences.
L’escargot intervient alors, d’une voix que j’imagine, à tout hasard, flûtée : « Je peux lui offrir, dit-il, une situation aisée. » « Il va m’acheter un tricycle ! », précise la petite, naturellement séduite, comme tous les enfants de notre siècle, par la vitesse et les progrès de la science. « Ah ! si c’est comme ça… » dit la mère. « Oh ! merci, maman », dit la petite. Et elle s’en va, suivie de son escargot. Le pauvre diable court ventre à terre. « Déjà belle-mère ! », constate la dame avec une amère expression. Voilà.
Personnellement, bien sûr, je suis content que cette fillette, qui semble assez gentille, épouse cet escargot qui a l’air très bien élevé. Mais enfin il faut mettre Copi devant ses responsabilités. Et aussi les enfants, et les mères de famille. La société. Car c’est un vrai scandale. La chose est racontée sans aucun commentaire, sans nulle appréciation morale, comme s’il était tout naturel qu’une enfant se marie à huit ans ! Où allons-nous ? (…) On se mariera bientôt à l’école maternelle avant d’avoir pu atteindre l’âge où une fillette rend normalement en menus services le prix coûteux de son éducation, où elle peut soigner ses petits frères, monter le charbon, faire la cuisine et la lessive ; peindre le couloir et vider la poubelle, aller chercher les provisions, tailler une robe pour sa maman à l’occasion, garder le foyer et faire briller les vitres. Où sera la récompense d’une mère ? le bénéfice d’être père d’un enfant ? En un mot, que devient la famille ?
Je trouve de plus qu’il est sordide de pousser aux mariages d’argent. Ce prétendant devient épousable à partir du moment où on le sait à son aise ! On vend sa fille pour un tricycle ! C’est peut-être un sacrifice à la morale des contes, qui exige que les bergères épousent des millionnaires, mais ce n’en est pas moins immoral. Et que penser de cette mère qui n’a d’autre objection que l’escargotisme de son gendre ?
Comme si le malheureux y pouvait quoi que ce fût ! Comme si l’amour ne soufflait pas où il veut. C’est du racisme pur! Pour ne pas dire du fascisme ! Je suis certain qu’il y a des pays où l’on dirait que c’est du fascisme. Dans toute république populaire, même dans les plus antisémites, on appellerait ça du fascisme. Imaginez qu’au lieu d’un escargot, le prétendant soit un sorcier cafre, un anthropophage congolais, un black muslim, et qu’une maman lui refuse sa fille ! les journaux en feraient des images. Les gens honnêtes protesteraient. Les cortèges hisseraient des pancartes !
Alors que cet escargot, si j’en juge sur sa tête, est le type même du mari silencieux, paisible et doux. Sans exigence. Sa cuisine est vite faite. Il se contente d’une feuille de salade. Il ne boit pas, il ne joue pas aux cartes, il ne rentre jamais à trois heures du matin en chantant des chansons bachiques. C’est en somme le gendre rêvé. D’autant plus que l’escargot, quand même, a énormément de caractère : l’escargot ne recule jamais.
J’ai un gros livre sur l’escargot, on l’y envisage sous toutes ses faces : anatomique, juridique, religieuse, commerciale, politique, que sais-je, on l’y dissèque, on l’y psychanalyse ; il en ressort un théorème fondamental, une vérité biologique essentielle, bref un principe d’où tout le reste découle : l’escargot ne recule jamais. « Faire face ? Toujours », c’est un chasseur alpin. Il serait d’ailleurs fort empêché de faire autrement, sa physiologie le lui interdit. Les éleveurs le savent bien. (D’où la forme des parcs où ils tentent de le garder, la courbure du sommet de l’enceinte, la largeur et la profondeur de la douve qui entoure le rempart, etc., etc.)
Quoi qu’il en soit, voilà une aventure qui enseigne en trois images le mépris de la famille, le racisme et le trafic des enfants, peut-être même, sans pousser bien loin, une philosophie politique qui conduit droit à des régimes autoritaires. Quoi de plus antisocial ? Et la presse publie ça. Mais peut-être l’histoire n’est-elle pas vraie ? Ou alors elle se passe dans des temps très anciens. J’incline à le croire, car, pas une fois, dans toutes ces tractations de mariage, on n’entend la petite fille s’occuper de la pilule. C’est une enfant d’une autre époque
Et c’est ainsi qu’Allah est grand
La suite de l’histoire qui montre que Vialatte avait vu juste...
21:26 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (1) |
30/07/2012
Poches
Et la fin de la chronique du 1 août 1961 d'Alexandre le grand :
C'est ainsi qu'il arrive que l'homme survive quelques temps à sa mort. Mais peut-être lui est-il encore plus difficile de survivre un peu à sa vie. Elle le tue avant l'âge. Le métro, les poussières, les miasmes, les veillées, le travail, le plaisir, les guerres, les apéritifs fantaisie, le mauvais caractère de sa femme, le froid, le chaud, les tentatives d'assassinat, les accidents de la route, les engrenages dangereux, les incendies de forêts, les barrages qui s'écroulent, le laissent à cinquante ans ahuri, éclopé, avec une jambe en moins, le nez rouge et des poches sous les yeux. A peine a-t-il appris à être jeune, il s'aperçoit que ses cheveux sont blancs ; à peine a-t-il pris l'habitude de la vie, c'est déjà le moment de la quitter. Comment survivre ?
En supprimant les poches sous les yeux. C'est le docteur Vidal qui nous le dit (2). D'abord elles ne servent à rien ; la poche du pantalon sert à mettre un mouchoir, la poche de la sarigue à loger les enfants, le stylo, en été une petite cannette de bière. Mais la poche sous les yeux est une poche superflue. Le docteur Vidal la ressèque. Il supprime les poils disgracieux. Il recolle les oreilles qui sont trop écartées, parce qu'elles donnent au visage l'air d'une soupière à anses et au conscrit l'expression trompeuse d'une immense naïveté champêtre. Il fait tout ça. Et si on a trop de ventre, crrac, crrac, ayant pincé d'une main un gros pli qu'il tire tant qu'il peut, il vous le coupe de l'autre avec ses grands ciseaux. Il en résulte un croissant de peau fine. Il le donne à son photographe (1). La femme du photographe en fait un portefeuille. Le photographe le montre au dessert dans les repas de première communion.
Il l'entretient avec un chiffon de laine.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.
2- Rajeunissement et Chirurgie esthétique, par le docteur Louis Vidal. (Imprimerie du Progrès, 9, rue François-Perrin, à Limoges)
1- Sinon lui du moins d'autres (et pourquoi non ?)
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