06/11/2015
Deuil
Je suis tombé sur Un article de Libération à propos d'un livre de Vinciane Despret qui nous dit que «Les morts n’ont jamais disparu, qu'ils sont seulement plus discrets»
Dans son dernier livre, la philosophe rassemble une série de témoignages sur les relations ténues qu’entretiennent certaines personnes avec leurs proches disparus. Un «désir de mémoire» pour continuer de faire vivre le défunt. Une forme de résistance contre l’obligation de «faire son deuil»*.
Est-il vraiment raisonnable de parler avec les morts ? Après des années d’injonction psychologique à «faire son deuil», des vivants se rebellent contre la mort clinique et froide, s’arrogeant un droit à la tristesse et, pourquoi pas, celui d’entretenir des relations avec les disparus. Philosophe à l’université de Liège, Vinciane Despret a récolté dans son livre Au bonheur des morts, ces multiples récits montrant la façon dont les défunts peuvent entrer dans la vie de ceux qui restent. Comment maintenir un lien avec le cher disparu ? Porter ses chaussettes ou lui fêter chaque année son anniversaire en cuisinant son plat préféré. Ce qui a fasciné Vinciane Despret, c’est la teneur de ces discours, «si raisonnables et si équivoques» à la fois, fabriquant de véritables énigmes, des épreuves à résoudre. (…)
*L’expression « faire son deuil » est utilisée pour tout et n’importe quoi, la mort d’un compagnon, la mort du poisson rouge voire la perte de son sac à main… Le mot deuil vient du latin dolus douleur. On a écrit dueil jusqu’au XVII ième siècle. Le sens ancien d’affliction se retrouve pour désigner « une impression de tristesse profonde, un aspect lugubre. »
Le sens "moderne" de « Chagrin causé par la mort d’une personne» date de 1050. Par métonymie, le mot désigne les signes extérieurs de l’affliction causée par la mort. De même il désigne la période pendant laquelle doivent apparaître certains signes convenus du deuil. Il ne faut pas confondre la convention et la réalité de la durée, qui peut être brève ou éternelle.
Pour la veuve du colonel, le deuil fut court et plutôt joyeux.
Je suis veuve d'un colonel
Qui mourut à la guerre!
J'ai chez moi ... regret éternel!
Son casque sous un verre!
Maintenant je vis à l'hôtel,
Mais de telle manière
Que de là-haut, du haut du ciel,
Sa demeure dernière,
Il est content, mon colonel,
Ou, du moins, je l'espère.
Es-tu content, mon colonel?
Rataplan plan plan plan plan plan plan.
L'expression demi-deuil, noir et blanc, fait référence à la couleur du deuil, en principe le noir.
Voir le papillon ou la poularde.
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05/11/2015
La résistante
La résistante de Pietro Pizzuti à La Comédie de Ferney-Voltaire.
Encore une belle pièce montée, mise en scène et jouée par Marie-Laure Berchtold.
La Résistante nous parle des atrocités de la guerre ainsi que de la nécessité du témoignage par l’écriture.
Trois acteurs :
L’auteure (Marie-Laure)
La survivante (Marie Cavalli)
L’enfant soldat (Corentin Lecoq)
Au départ, les deux acteurs s’insurgent contre l’auteure qu’ils accusent de lâcheté, de vouloir se faire mousser tout en soulageant sa conscience en racontant leurs malheurs. L’auteure malgré tout résiste. Elle continue d’écrire ce que les personnages nous racontent de ce qu'ils ont vécu, les atrocités de la guerre.
Une fois de plus Marie-Laure, tragédienne avant tout, nous entraîne avec passion dans le drame et quoi de plus dramatique que la guerre, sa barbarie, sa bestialité.
J’ai beaucoup aimé le jeu des acteurs, Marie et Corentin se défoncent sur scène pour incarner ces deux personnages qui ont vécu la guerre de chaque côté de la barbarie, celui des victimes et celui des bourreaux mais finalement tous victimes.
La magie du théâtre fonctionne à plein, elle nous emporte loin de nos préoccupations du jour. Elle surgit sans cesse dans cette pièce noire mise en scène avec beaucoup de recherche et de finesse. Décor, effets visuels et surtout la musique concourent à la beauté de cette mise en scène de grande classe.
Allez-y !
Cette semaine, jeudi, vendredi, samedi à 20:30 Dimanche à 17:00
Du mardi 10 au samedi 14 à 20:30 et dimanche 15 à 17:00
11:54 Publié dans Théatre | Lien permanent | Commentaires (0) |
04/11/2015
Annonay 2016
La 33ème édition du Festival International du Premier Film d’Annonay se tiendra du 5 au 15 février 2016. Vivez une expérience unique : devenez membre du jury.
Superbe affiche signée Emilie Verdier
Profitez de la chance qui vous est offerte de pouvoir vivre ces quelques jours hors du commun et hors du temps qui resteront à jamais gravés dans votre mémoire de cinéphile et dans votre vie. Vivez quatre jours de folie cinéphile et festive en compagnie d'amoureux du cinéma comme vous, mais aussi de professionnels, acteurs, réalisateurs...
Les frais d'hébergement, les repas et les trajets sont pris en charge par le festival. Détails sur le site Annonay Premier Films.
AU PROGRAMME :
Neuf premiers films inédits en compétition (1 de plus que les autres années)
Un large panorama de premiers films hors compétition en présence de nombreux invités
Un premier week-end consacré aux « nouveaux talents » du cinéma français
Films tout public
Journée spéciale « Collège au cinéma ».
05:13 Publié dans Festival d'Annonay | Lien permanent | Commentaires (0) |
30/10/2015
A-cides
Le saviez-vous ? Suffixes et préfixes sont des affixes.
Des petits ajouts qui permettent de changer construire un nouveau mot par agglutination. Il arrive que l’affixe devienne un mot. Par exemple ex, on dit un ex-président, un ex-ministre, une ex-secrétaire… mais si on dit mon ex tout court, on est en plein divorce entre le mot et son préfixe, mari ou femme.
On peut faire beaucoup de chose avec un suffixe. Par exemple avec cide, je découvre l’écocide, action qui consiste à détruire l’environnement. Wikipedia dit que l’écocide est une sorte d'homicide ou de génocide appliqué à l’écosystème.
On peut créer plus de 120 mots (c’est ici) avec -cide, voire bien plus avec un peu d’imagination. Je n’ai pas trouvé présidenticide qui est une sorte de politicide qui figure dans la liste, ni beaufrèreicide ou tantitcide bien que l’on trouve onclicide. Pas de caticide ou souricide alors que canicide figure et pourtant, il existe des caticides, j'en suis sûr (j'ai jamais tuer de chats, ou alors il y a longtemps, ou bien j'ai oublié ou ils sentaient pas bon).
Pas trace non plus de percepteuricide ni d’impoticide ou de taxicide. Encore que ce dernier prête à confusion, s’agit-il de quelqu’un qui veut supprimer les taxes ou de quelqu’un qui a tué un chauffeur de taxi. A ce propos, attention au blablacaricide, qui ne figure pas non plus, celui-ci vous le prenez dans votre voiture et hop, il vous trucide ou il vous vitriolicide.
Ceci dit les plus connus sont quand même homicide, le meurtre d’un homo (sapiens bien sûr), suicide le meurtre de soi-même (sui), parricide, fratricide… Bon ça suffixera pour aujourd’hui.
Note : Ce suffixe vient du latin caedo, caedere à l’infinitif, tomber, battre, frapper, enlever. Dans la novlangue, pour bûcheron, on devrait dire arbricide ou grumicide.
18:02 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (3) |
29/10/2015
Nouvelles animales
Après les nouvelles de l'Homme, quelques nouvelles animales :
Les oiseaux disparaissent. Ceux qui survivent s’en vont vers le nord. Les eiders à duvet (image) ont ainsi quasi disparu de Bretagne. On les comprend : Ils préfèrent les eaux froides de la Baltique aux algues vertes. Idem pour les macreuses noires qui ne chatouillent plus le cap Gris-Nez à l'automne. Quant au fuligule milouinan, un autre canard noir et blanc, il va bientôt quitter la France. On en a compté 72 cette année dans l'estuaire de la Vilaine. Il y a vingt ans, ils étaient 2.500.
De plus, le changement climatique désynchronise la vie des oiseaux. Jusqu'alors, la naissance des oisillons correspondait avec le pic d'émergence des insectes et chenilles dont ils se nourrissent. Désormais, la pitance des oiseaux arrive trop tôt. Lorsque les œufs éclosent, les chenilles sont devenues papillons et se sont envolées. Et les oisillons claquent du bec.
Imaginez la vie du pouillot siffleur (photo). Il est en Afrique, il se dore au soleil, il n'écoute pas France Inter ni Europe, ni rien, il ne sait même pas qu'il fait de plus en plus doux en France. Il n'a donc pas changé sa date de retour. Et, lorsqu'il arrive ici, pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau. Que dalle ! Alors il va crier famine chez l'hirondelle sa voisine mais celle-ci est aux abonnés absents. Pauvre petit pouillot !
Les hirondelles, mieux informées, nous disent les chercheurs, ont changé leur date de retour sans même en parler à Air-France.
Face à ce désastre avicole, une bonne nouvelle, il paraît que les larves du ténébrion meunier, dit aussi vers de farine, peuvent digérer le plastique. Les chercheurs les ont nourris de Styrofoam, du polystyrène extrudé utilisé comme isolant thermique. Chaque ver en consomme 34 à 39 miligrammes par jour et ils sont des centaines de millions. C’est aussi l’insecte le plus étudié pour s’en servir comme aliment. Il serait moins cancérigène que le viande rouge. Est-ce que les vers de farine qui auront bouffé du polystyrène auront un petit goût de noisette sous la dent ? C’est à vérifier.
Les chercheurs, pas les mêmes je pense, ont aussi découvert que les poissons demoiselles peuvent distinguer sans se tromper des têtes individuelles de poissons de leur propre espèce. Mieux, ils peuvent reconnaître des individus d’espèces proches, comme le demoiselle-citron (photo).
A quand un concours de miss chez les poissons demoiselle-citrons, concours arbitré par Wanda et madame de Fontenay ?
07:15 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (0) |
28/10/2015
Botte-cul
Célébration de la Suisse paisible, celle d'avant les banques, l'UDC rayonnante et la peur de l'étranger... Une Suisse modeste et heureuse que reprend Vialatte après... Victor Hugo :
« Le Suisse trait sa vache et vit paisiblement. »
(Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, c’est de Victor Hugo, dans La légende des siècles. Et il faut avouer qu’on ne s’y attendait pas.)
C’est qu’il a attaché sa chaise à son derrière, ce qui facilite beaucoup de choses. C’est une « commodité de la conversation ». Il se sert pour cela d’une énorme ceinture. Il peut ainsi passer d’une vache à l’autre sans voiturer lourdement son fauteuil, qui se compose d’ailleurs d’une simple sellette à un seul pied, le tout d’un bloc, mal dégrossi ; ce qui explique que le pied ne se rentre pas comme la vis du tabouret du piano, et qu’on le taille comme un crayon, pour qu’il enfonce mieux dans la terre. Cet aiguillon abdominal prête au Suisse l’apparence d’un prodigieux insecte. S’il avait le ventre rayé de jaune, on le prendrait pour une abeille.
Il vit sa vie assis sur ce clou* ingénieux, coiffé d’une calotte d’enfant de chœur, brodée de myosotis, en paille fine. Il va vite, il ne se fatigue pas. Ensuite il chante une tyrolienne. Et c’est pourquoi il vit paisiblement.
(Honneur à M. Veillon – La Montagne – 3 mars 1953)
La version de Totor :
La Suisse dans l’histoire aura le dernier mot
Puisqu’elle est deux fois grande, étant pauvre, et là-haut ;
Puisqu’elle a sa montagne et qu’elle a sa cabane.
La houlette de Schwitz qu’une vierge enrubanne,
Fière, et, quand il le faut, se hérissant de clous,
Chasse les rois ainsi qu’elle chasse les loups.
Gloire au chaste pays que le Léman arrose !
À l’ombre de Melchthal, à l’ombre du Mont-Rose,
La Suisse trait sa vache et vit paisiblement.
Sa blanche liberté s’adosse au firmament.
Le soleil, quand il vient dorer une chaumière,
Fait que le toit de paille est un toit de lumière ;
Telle est la Suisse, ayant l’honneur dans ses prés verts,
Et de son indigence éclairant l’univers.
* Le clou en question s'appelle un botte-cul.
Ne pas confondre avec un gode-ceinture.
08:47 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |
27/10/2015
Pas de pitié
Toujours dans ECCE HOMO la dernière oeuvre de Nietzsche traduite par Alexandre Vialatte dont les sous-titres m'enchantent :
- Pourquoi je suis si sage
- Pourquoi je suis si malin
- Pourquoi j'écris de si bon livre
- Pourquoi je suis une fatalité
Je reviens en arrière et relis un passage sur les actions désintéressées et l'amour du prochain qui donne à réfléchir :
Mes expériences me donnent surtout le droit de me méfier de ce qu'on appelle les instincts, « désintéressés » et de ce fameux « amour du prochain » qui est toujours prêt à vous venir en aide et de la voix et du geste.
Je le considère en soi comme une faiblesse et comme un cas particulier de l'incapacité de résistance aux impulsions ; la pitié ne s'appelle vertu que dans le monde des décadents. Je reproche aux compatissants d'oublier trop facilement la pudeur, le respect, le tact et les distances, à la pitié de sentir trop vite la populace et de ressembler à s'y tromper aux mauvaises manières ; je dis que les mains compatissantes peuvent parfois avoir une action destructrice sur une grande destinée, quand elles viennent farfouiller dans les blessures d'une solitude et le privilège d'une grande faute.
Vaincre la pitié c'est, à mon avis, une vertu aristocratique : j'ai raconté, en lui donnant pour titre « La Tentation de Zarathoustra », l'histoire de ce grand cri de détresse qui parvient un beau jour au sage, et la pitié, comme un dernier péché, est déjà près de l'assaillir et de l'arracher à lui-même.
Rester maître de soi dans ces situations-là, conserver pure la hauteur de son devoir en face des bas et myopes instincts mis en oeuvre par les actions prétendues « désintéressées », voilà la preuve, la suprême preuve peut- être que doit donner un Zarathoustra, le véritable témoignage de sa force.
16:54 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (1) |