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27/11/2011

Lamourette

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Il y a des jours sans imagination et puis soudain la folle du logis refait parler d’elle… alors je refais une note plus ou moins étrange sur un sujet plus ou moins bizarre. Mais parfois, le calme dure trop longtemps, et je me dis « au fait, Vialatte, que devient-il ? » Et je vais faire un tour sur le site de l'année Vialatte puis, au détour de la toile, je trouve ce bijou, Fred Lamourette déclarant sa flamme à Dora la fille de l’île. Sur une pierre froide qui leur donna un rhume, ils échangent des empires et des royaumes tandis que l’eau clapote autour des roseaux noirs. Un grand roman... 

Ce fut sans doute ce soir-là qu’il osa lui prendre la main, quand ils furent assis sur une pierre et il lui dit – la nuit était toute noire et c’est à peine s’ils se voyaient – qu’un jour il serait capitaine au milieu des Méridiens bleus, dans des pays qui sentent l’alligator. Rien ne pouvait s’opposer à ça, sinon peut-être l’équation du mouvement accéléré, car autant il brillait en géométrie pure, autant cette équation lui causait de tourments, mais, avec l’aide de Destarac qui était très fort, il battrait aussi cet ennemi, il tuerait ce dragon de sa lance… Pour l’amour des Grandes Choses et des Jeunes Filles de l’île… Il n’eut pas besoin d’en dire plus. Elle comprit fort bien cette algèbre. Elle lui pressa la main, et lui dit à son tour, pour ne pas être en reste avec ce conquérant qui lui apportait les éléphants, les crocodiles et la peau de l’équation la plus ennemie au monde de l’avenir des enfants des Iles, elle lui dit, sans qu’on pût bien savoir si c’était l’ironie d’une jeune fille taquine ou le secret d’un enfant solennel, qu’elle était, elle, la reine des Iles, du Labyrinthe, des Maisons Roses, des Maisons Mortes et du Moulin à Vent. C’était si vrai depuis si longtemps au fond de nos cœurs qu’il ne put que la croire sur parole. Il savait déjà tout cela avant qu’elle n’eût ouvert la bouche.

Ce fut ainsi qu’ils échangèrent, comme Salomon et la reine de Saba – sur une pierre froide qui leur donna un rhume – des empires et des royaumes tandis que l’eau clapotait autour des roseaux noirs. Et l’amour devait toujours sentir pour Frédéric cette odeur de panier de pêcheur et de grand vent qu’avait le soir sur les Iles du fleuve.

Et, après ces orgies, Dora lui dit d’attendre, que quelqu’un viendrait le chercher et le ferait passer en canot. Puis elle partit et disparut dans les buissons.

Les Fruits du Congo, Alexandre Vialatte,

Edition L’Imaginaire, Gallimard, p. 56  (40 lignes environ)

25/11/2011

Vestibulaire

 visuel_section_annee_vialatte.pngIl y a de grands personnages dans la littérature. Robinson Crusoé, D’Artagnan, Le capitaine Fracasse, Madame Verdurin, Emma Bovary, Bouvard et Pécuchet, José Arcadio Buendia et Ursula Iguarán, Don Quichotte, Quasimodo, Cosette et les Ténardiers, Ignatius Reilly, le général Dourakine, le Capitaine Nemo, Barbe Bleue, Carmen, Colin et Chloé, Jean Valjean, Frankeistein, Dracula, Gargantua, Panurge… Bref la liste est longue.

Mais que dire des personnages vestibulaires ? A travers eux, Vialatte s’en prend au nouveau roman qu’il n’apprécie guère. 

Ecoutez le texte lu par un grand vialatien : 

Merci Philippe Meyer. Je me flatte d’être sur ce site en si belle compagnie en tant que vialatien notoirement méconnu.

Novembre, onzième mois de l'année, rétréci par les premiers froids, n'a que trente jours sous un ciel noir. Jalonné par les cloches des Morts, les cors de saint Hubert, le clairon de l'armistice, la harpe de sainte Cécile, c'est le mois des tombes, des inscriptions dorées, des chrysanthèmes, des grands bilans, du cerf qui traverse le lac pour le calendrier des Postes, des fanfares qui meurent dans la brume, des feuilles qui finissent de tomber. (…)

21/11/2011

Galimatias

section_annee_vialatte.pngL’année Vialatte avance à grands pas. Encore une quarantaine de jours et on passera à quelqu’un d’autre. Alors allez faire un tour sur le site.

A la recherche de Vialatte sur la toile, je retrouve une citation chez le Garde-Mots. : « Nous vivons une période où l'on se figure qu'on pense dès qu'on emploie un mot nouveau. » qui renvoie à mon blog et que visiblement j’avais raté à l’époque (mai 2005). La question posée était : Est-ce qu'il a voulu parler de "néologismes" ou de mots nouveaux mais qui existent déjà ! La réponse est qu’il voulait parler des gens qui utilisent les mots n’importe comment. A preuve :

« Nous vivons une époque où l’on se figure qu’on pense dès qu’on emploie un mot nouveau. On ne sait pas le tiers du quart des mots de la langue française et on va en chercher dans des modes prétentieuses qui savent très bien à quoi elles visent en essayant de flatter bassement la clientèle par un jargon de prestige. Tout cela ne serait que ridicule si le prestige du galimatias ne contaminait la pensée. Et alors là, ça devient dangereux. Parler faux, parler mou, parler vague, parler bête, parler obscur, amène, oblige à penser faux, à penser mou, vague, bête, obscur. Met en circulation les idées les plus sottes, les goûts les plus artificiels. Les sentiments s’ensuivent, les moeurs, bref, toute la civilisation ».

Et pour enfoncer le clou, le témoignage indiscutable de l’immense spécialiste des mots :

03/05/2011

Grammaire

Dans le bestiaire de Vialatte, un drôle d’animal : La Grammaire

J’avais à reparler de la Grammaire. Qui est la mère de la civilisation. Ou tout au moins sa fille aînée. Ou alors sa cousine à la mode de Bretagne. Et je ne dis pas que ce soit passionnant, mais enfin c’est une cause très juste qu’on n’a pas le droit d’abandonner. La Grammaire est une belle personne, un peu sèche, un peu tatillonne, autoritaire et chichiteuse, un peu osseuse, un peu chameau, mais enfin, pour un jeune homme pauvre et qui n’a pas trop d’ambition, c’est un parti qui mérite un coup d’oeil.

Il y a trois sortes de femmes, disait Apollinaire : les em…bêtantes,les embêteuses et les embêteresses ; la Grammaire est une embêteresse. Elle distille l’ennui distingué. Après tout elle a le profil grec, et des endroits moins secs que d’autres ; ceux qui la connaissent bien disent que c’est une fausse maigre. Bref, il y aurait plaisir à rompre en son honneur quelques lances dans les tournois. Tout au moins si on ne savait pas les graves dangers de l’équitation. Surtout avec les chevaux de tournoi, qui se prennent les pieds dans leurs jupons tant ils sont couverts de dentelles, de volants et de colifichets. La Grammaire veut quelques égards, et même un peu d’hypocrisie.

08:54 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |

01/05/2011

Eléphant

 

Bestiaire de Vialatte suite : L’Eléphant

(illustration: Royal de Luxe)

 

L’éléphant est mythologique. L’homme est plein d’éléphant. L’éléphant habite l’homme. Il a hante tous les dessinateurs, tous les écrivains, tous les peintres.

 

L’éléphant date de la plus haute antiquité. Du moins sous forme de mammouth. Il pataugeait alors dans les glaciers d’Auvergne. Ou de Sibérie, pareil a un prophète biblique. Depuis, le mammouth a perdu ses poils. Il vit tout nu dans les forêts équatoriales, ou à Paris (au zoo de Vincennes, et dans le Ve arrondissement). Il est indispensable à l’homme : physiquement, moralement et de toutes les façons. Comment vivrait sans lui l’éléphantologiste ? Comment l’homme saurait-il, sans lui, qu’il n’a pas de trompe? (et, sans le chameau, qu’il n’a pas de bosses ?) Telle est l’utilité des monstres. Ils indiquent  à l’homme ses limites, ils lui permettent de se définir, de connaître son contour et son ombre chinoise. Sans eux l’homme serait flou : une vapeur, une fumée, un gaz toxique.

L’éléphant se compose en gros d’une trompe, qui lui sert à se doucher, d’ivoire, dont on fait des statuettes, et de quatre pieds, dont on tire des porte-parapluie. Dieu l’a fait gris, dit Bernardin de Saint-Pierre, pour qu’on ne le confonde pas avec la fraise des bois.

 

30/04/2011

Guépard

Une preuve de plus que l’univers est multiple : le guépard de Vialatte.

Quel esprit charmant, quel rêveur, quel désarmant platonicien a songé le guépard du Larousse ? Car il est ainsi défini :  « Mammifère du genre chat. La seule espèce connue est le guépard à crinière » !… La seule connue !… Comment sont faites les autres ?… Et comment sait-on qu’elles existent ?…

Cette définition insondable me poursuit depuis plusieurs jours. Elle me roule dans des abîmes. Elle met l’univers en question. Je n’y vois qu’une explication : le guépard, M. Larousse n’a pas osé nous le dire, mais c’est lui qui l’a inventé. Tel qu’il doit être. Avec ou sans crinière. C’est une création de son esprit, c’est une idée platonicienne. Il se trouve que, dans la nature, un animal mi-chien mi-chat et à crinière a réussi (c’est notre seule chance) à ressembler à l’une des mille races de guépards qu’à inventées M. Larousse et qui comprennent (peut-on savoir ?) le guépard bleu et le guépard sans crinière, le guépard à pois, le guépard à carreaux.  « La seule espèce connue… »,  il y a là un regret… Ah ! si on l’avait laissé faire !

Rien ne saurait mieux prouver à l’homme que ce monde n’est qu’un accident parmi des millions de mondes possibles. Le guépard particulièrement. Nous vivons entourés de mille guépards chimériques, de mille possibilités de guépards toutes plus belles les unes que les autres. Nous naissons et mourons dans la cage aux guépards.

C’est une situation révoltante. C’est l’arbitraire le plus gratuit. Qui a prouvé, après tout, le guépard inconnu ? Qui l’a décrit ? Personne, surtout pas M. Larousse. (Il connaît mieux les lois du fantastique.) C’est plus beau, il le sous-entend ! Voilà de quel bois il se chauffe.

10/02/2011

Année Vialatte

 

Encore Vialatte.
 
 
C'est, cette année, le 40 ième anniversaire de sa mort et aussi le 110 ième de sa naissance. Encore plus surprenant, en 2021, on fêtera en même temps le 50ième et le 120 ième anniversaire. Incroyable coïncidence ! 
 
On sait que Vialatte a vécu septante ans et écrit de très belles choses. A ma connaissance, il n'a toujours pas de statue de bronze.  Ecoutez la chronique de Philippe Meyer d'aujourd'hui signalée par Raymonde auditrice de France-Culture et néanmoins amie. Il annonce un nouveau site dédié au grand Alexandre. Site où j'ai piqué ce dessin et une belle affiche, mélange de Dubuffet et de campagne Obama, assez amusant je trouve.
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Le site. Il me semble que je devrais faire parti du club avec ce blog très Vialattien, mais rien ne dit comment faire pour en être.

15:48 Publié dans Montagne, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (5) |