18/01/2008
Vialatte -1-
(plus quelques uns de mon cru.)
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Si l’homme, contrairement au poisson, ne connaît pas les rêves de l’eau qui dort, il connaît bien le temps qu’il faut pour vider une calebasse d’alcool de palmes.
Il n'y a pas de bas morceaux dans le gros ethnologue.
Ne pile pas ton mil avec une banane mûre.
Qui rit sous l'okoumé, pleure sous l'acajou.
C'est se conduire en rékéké que d'étouffer le roukoukou dans sa coquille.
Méfie-toi de l’homme blanc à la grosse montre, accompagnée d’une belle fille brune, surtout s’il te dit que tu vas gagner plus.
Celui qui plante sa tente devant le grand hôtel n’est pas venu pour t’acheter ton manioc.
N’envoie pas ta femme négocier seule avec l’homme nomade.
Qui tape sur l’épaule du grand marabout blanc a des péchés à se faire pardonner.
Si on te parle de civilisation quand tu n’arrives pas à vendre ton manioc, on se moque de toi.
>> Bientôt je vous raconterais ma rencontre imaginaire avec Vialatte.
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23/11/2007
Oiseau
[Après le vol des sorcières…]
…Les sorcières s'abattent en piqué, avec un bruit de grêlons, comme une nuée de sauterelles. La pluie tombe, l'orage se déchaîne, la foudre frappe. Le diable apparaît sous un sapin. Il a l'apparence d'un vieux bouc. Il distribue des sandwiches à tout le monde : tantôt c'est du saucisson-beurre, tantôt du colin-mayonnaise. D'autres fois une feuille de laitue prise entre deux tranches de pain de seigle avec une olive noire et une branche de persiil. Les sorcières, pour ne pas se mouiller, s'asseyent sur leurs imperméables qu'elles étalent sur quelque rocher. Certaines ont apporté de la saucisse de Toulouse dans un antique morceau de journal ; elles raclent avec un canif la sauce au vin qui a séché sur le papier. C'est ainsi que ces femmes infernales se livrent à leurs tristes festins. Le diable alors devient phosphorescent ; il dégage une odeur de soufre, d'étable à chèvres et d'allumette chimique. Il distribue gratuitement aux sorcières des recettes infâmes pour faire crever le veau du voisin. Imprimées sur du papier vert. (C'est pourquoi tant de voisins, surtout dans les grandes villes, se privent aujourd'hui d'avoir un veau.) Affreux trafics ! Ensuite le diable disparaît dans un tourbillon de fumée noire, et les sorcières rentrent chez elles par la cheminée. Elles rangent le balai dans le placard. Elles dissimulent dans une armoire leur pot de graisse de vipère sous une pile de torchons. Le matin elles reprennent le travail. Elles sont très fatiguées. Elles lavent mal la vaisselle et leur patronne les congédie.
Le diable rentre dans son étable ; le paysan l'y traite sans considération.
Cette histoire prouve que la vie des sorcières est une existence très pénible mêlée d'incidents ennuyeux et qu'une jeune fille réellement bien élevée devrait toujours rentrer chez elle avant minuit.
Alexandre -le grand- Vialatte. L'oiseau du mois (mai)
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09/02/2007
Les frères Mann
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et
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On sait que Vialatte a révélé Kafka en France, il a aussi traduit Thomas Mann et Nietzsche. A propos de Thomas Mann (1875-1955) qui avouait avoir tiré profit du temps perdu à l’université j’ai découvert qu’il avait un frère Heinrich (1871-1950), son aîné, et aussi un grand écrivain.
Heinrich était plus engagé à gauche notamment pendant la république de Weimar, que son frère. Tous deux finiront brouillés l’un en Suisse, l’autre en France puis les deux aux Etats-Unis pour éviter le nazisme.
Heinrich est connu pour « Professor Unrat » adapté au cinéma en 1930 par Josef von Sternberg sous le titre L'Ange Bleu avec Marlène Dietrich. Thomas est connu pour pas mal d’œuvres dont « Mort à Venise », une nouvelle dont Visconti tirera un film éponyme, les Buddenbrook, le docteur Faustus et la montagne magique, entre autres,
*Ces gens n'avaient pas l'air très rigolo, surtout Thomas. Un de ces jours, à propos d’un livre passionnant et rigolo, je parlerai de deux autres frères allemands : Les frères Humboldt.
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07/02/2007
Le temps
Vialatte
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Encore
le temps
« Le temps perdu n'est jamais gaspillé ; les Auvergnats ne le souffriraient pas.
J'y songe en lisant Thomas Mann.
Quand il fut reçu docteur honoris causa de je ne sais plus quelle grande université allemande, il prononça un discours charmant où il expliquait qu'on l'honorait ainsi pour célébrer les résultats non point du temps qu'il avait employé à étudier dans les universités allemandes, mais de celui qu'il y avait perdu. Car c'était celui-là qui lui avait tout appris. Un grand professeur de Normale disaient à ses élèves : "Lisez, mais au hasard, lisez sans nul programme. C'est le seul moyen de féconder l'esprit." On ne peut savoir qu'après coup si le temps est perdu ou non. Sans le temps perdu, qu'est-ce qui existerait ? La pomme de Newton est fille du temps perdu. C'est le temps perdu qui invente, qui crée. Et il y a deux littératures : celle du temps perdu, qui a donné Don Quichotte, celle du temps utilisé, qui a donné Ponson du Terrail. Celle du temps perdu est la bonne. Le temps perdu se retrouve toujours cent ans après. »
<Chronique 232 - 9 juillet 1957 p.531>
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20/01/2007
Utile lenteur
Alexandre Vailatte disait:
« On brise tout parce qu'on veut faire neuf. On a donc l'illusion de pouvoir tout remplacer. Mais ce n'est pas vrai pour cent raisons. Ne fût-ce que pour celle-ci, qu'avec de la vitesse on fait tout sauf de la lenteur. Et par exemple on perd son temps beaucoup plus vite. Avec de la lenteur on perd son temps lentement ; donc moins. Une civilisation qui se prive de la lenteur n'est pas dans le sens de la nature. On essaie d'y revenir par des voies détournées, on n'y arrive pas, on a perdu le génie du lent : pour prendre un exemple entre mille, la poubelle à pédale ne remplace pas le vélo. Je connais bien la question, ma belle-fille en a une. J'ai essayé, c'est très décevant. Même sur de très faibles distances. »
<Chronique de la Montagne 481 - 22 mai 1962 p.46>
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21/10/2006
Physique
Ligne droite
et
position
des
particules
Je relis régulièrement Henri Roorda ce prof de math genevois, pédagogue visionnaire, qui vivait au début du siècle dernier. J’aime surtout son roseau pensotant qui me rappelle mon maître Vialatte.
Roorda nous parle de la ligne droite et du fait que monsieur Einstein, jeune physicien à l’époque, voulait que la ligne droite ne le soit plus. « essayez de vous représentez une ligne droite différente de celle de l’année passée… c’est la santé même de votre intelligence qui est menacée…. La ligne droite telle que nous la concevons avec netteté a toujours eu une conduite irréprochable… » Il a raison.
Depuis la mort de Roorda en 25, on a fait pire. La physique quantique nous dit que l’on ne peut pas connaître simultanément la position ET la vitesse d’une particule massive. Déjà que c’est une idée farfelue, en plus les gendarmes n’en ont tiré aucune conclusion et continue de verbaliser les voitures à tout va.
On peut comprendre que le cerveau de certains de nos contemporains ne résiste pas à tout ces changements qui manquent sérieusement de rigueur.
Le texte de Roorda tiré du roseau pensotant :
M. Einstein s'attaque à mes convictions les plus profondes. II veut m'enlever une notion que je ne pourrais pas perdre sans sombrer dans le scepticisme le plus affreux et, peut-être, dans la folie. I1 prétend que je me faisais une idée fausse de la ligne droite !
Mesdames, Messieurs, la ligne droite qu'on veut arracher de mon esprit, c'est la vôtre. C'est la ligne droite dont nos pères et nos grands-pères (qui n'étaient pas des imbéciles) se sont toujours contentés. C'est la ligne droite qui, depuis les premiers jours de l'histoire humaine, a suffi aux plus grands génies comme aux plus humbles ramasseurs de hannetons.
Pour soutenir leur thèse, les partisans d'Einstein invoquent une découverte récente qui, à mon humble avis, ne prouve rien du tout. Il parait que la lumière émanant d'un astre quelconque (par exemple, de la planète Mercure) ne peut pas passer dans le voisinage du soleil sans subir une déviation. Mais est-ce une raison pour que la « ligne droite » se mette à minauder et à se tortiller lorsqu'elle passe devant l'Astre-Roi ? Un rayon lumineux est une chose et la ligne droite en est une autre. La ligne droite, telle que nous la concevons avec netteté (nous qui constituons la partie saine de la population), a toujours eu une tenue irréprochable. Elle est d'une constance à toute épreuve. On rencontre parfois des droites brisées. Mais en brisant la ligne droite, on ne la fait pas abdiquer. Ses plus petits morceaux gardent éternellement ses vertus originelles. N'est-ce pas là le signe de l'absolue pureté?
La ligne droite part du fond de notre âme. Elle est le chemin que voudrait suivre notre impatience quand nous nous élançons vers l'objet désiré. Chez les êtres nobles, la ligne droite est une idée innée. Si M. Einstein réussissait à nous prouver que la ligne droite elle-même s'écarte parfois du droit chemin, nous ne pourrions plus avoir confiance en personne.
J'ajoute que les révolutionnaires de la physique moderne constituent un danger pour l'industrie nationale. En répandant leurs idées subversives, ils ne songent pas à ces milliers de professeurs de mathématiques qui, devant leurs élèves avides de certitude, célèbrent chaque jour les vertus de la droite euclidienne, de la bonne vieille droite traditionnelle, dont la devise est :« Ne fléchissons pas !» En enlevant la foi à ces pédagogues consciencieux, ne leur enlèverait-on pas, du même coup, leur gagne-pain ?
Ignorants, mes frères, ne forçons point notre talent. N'allons pas, pour le vain plaisir d'être à la mode, adopter cette droite nouvelle, légèrement courbe, dont les savants auront besoin, désormais, pour « expliquer l'univers ». Restons fidèles à la ligne droite des honnêtes gens, qui, lorsque nous partons, nous montre toujours la route à suivre.
Tout cela est triste. Si les hommes ne peuvent pas s'entendre sur le « droit » et le « courbe », se mettront-ils jamais d'accord sur ce qui est juste et ce qui ne l'est pas ?
12:10 Publié dans Textes, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (9) |
14/10/2006
aVant
Inspiration
en V
comme
Vialatte
Vieux
Vian
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Au bon vieux temps :
la neige était plus blanche,
le loup plus hirsute,
les étoiles plus brillantes,
la forêt plus noire,
les bandits plus hardis,
les vieilles femmes plus cassées,
le savetier plus gai,
l'usurier plus avare,
l’herbe était plus verte,
les automnes plus orangées,
les printemps plus éclatants.
les étudiants plus travailleurs,
les travailleurs plus solidaires,
les patrons moins riches,
les jardiniers plus joviaux,
les ingénieurs plus géniaux,
les socialistes plus soucieux,
les urbanistes plus urbains,
la musique plus harmonieuse,
les sportifs moins dopés,
la crème plus fouettée,
les saisons plus marquées,
les jeunes plus prévenants,
et les vieux plus lucides.
12:20 Publié dans Textes, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (3) |