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24/01/2008

Rencontre -2-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-2- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.
 

(…)J’avais sorti de la poche de mon vieil anorak, le petit livre rouge des pensées de Mao Tsé Tung.

Intrigué, il me posa deux ou trois questions sur le livre faisant preuve d’une vraie curiosité. Il connaissait pourtant mieux que moi la pensée du grand timonier qui devait conduire la Chine au chaos en encourageant sa jeunesse la plus ignorante à dénoncer le pouvoir des intellectuels les plus érudits, à les contraindre à des autocritiques truquées pour finalement les envoyer cultiver la terre. Il avait écrit des chroniques sur Mao. Il aurait sans doute pu me réciter cette chanson populaire à Pékin en ce temps là : « Les poissons ne peuvent quitter l’eau, les cucurbitacées ne peuvent lâcher la plante grimpante, Le peuple ne peut abandonner le parti communiste, La pensée de Mao est un soleil qui ne se couche jamais. » Il aurait pu  ironiser sur ces chinois qui s’attachaient à Mao comme la citrouille à l’ampélopsis, ces chinois qui brandissaient le livre, le récitaient à l’arrêt d’autobus, qui se jetaient dans le Fleuve Jaune pour suivre Mao dans ses exploits natatoires, des chinois qui allaient jusqu’à gagner des médailles olympiques grâce à lui et à ce petit livre que je tentais en vain de décrypter.

Alexandre me regardait d’un air amusé qui s’expliquait peut-être par la préparation de sa 876 ième chronique de la Montagne, celle du 22 novembre 1970 dans laquelle il parle de l’effrayant témoignage dans les mémoires du petit empereur de Chine victimes de toutes les cruautés mentales. Élevé comme un dieu vivant dans une cour d’un autre age où il n’avait droit de faire aucun mouvement, paralytique en quelque sorte, la rééducation maoïste avait réussi au bout de nombreuses années de sévices à lui faire coller des boites en cartons. Cette chronique 876 qui raconte d’autres prisons culturelles de Mao toutes très horribles et qu’il termine par « Voilà pourtant ce dont rêve toute une jeunesse française » juste précédé de son célèbre « Et c’est ainsi qu’Allah est grand. » qui devait clore toutes ses chroniques montagnardes du 9 décembre 52 au 25 avril 71.

Peut-être que, derrière le jeune maoïste mal fringué, il avait reconnu le futur  quinquagénaire chauve et bedonnant, le père de famille soucieux de transmettre des vraies valeurs, voir le grand-père en puissance, ou l’informaticien rangé et fou de littérature qui un jour voudra à tout prix encombrer les rayons des librairies de ses œuvres.  

 --- la suite demain, peut-être ---

05:45 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (8) |

21/12/2007

Dialogue

-          Je crois au Grand Pangod ! Le Grand Pangod est Grand !

-          Ah non, moi je suis Apangodien !

-         Oh moi, finalement je ne sais pas trop, mais on ne sait jamais, ça peut servir.

-         En fait, en matière de Pangod, je suis agnostique, on verra bien quand on y sera !

-         En attendant, n'offensons pas les Croyants de la Très Sainte Eglise du Grand Pangod, on ne sait jamais, et puis, ça peut être dangereux : ce sont des gens irascibles qui se fâchent pour un rien...

-         Ce que je sais c'est que dans les épreuves cruciales, la cigarette m’a été d'une aide plus efficace que les évangiles pangodien.

-         Moi, je crois au salut de l'humanité et à l'avenir du cyanure.

-         Oh vous savez, la vérité théologique est une marotte d'adolescent, ou un symptôme de sénilité.

-         Selon moi, pour entrevoir l'essentiel, il ne faut exercer aucun métier. Rester toute la journée allongé, et gémir à mi-voix.

-         Pour moi tous les penseurs sont des ratés de l'action et qui se vengent de leur échec par l'entremise des concepts.

-         On est d’accord. J'ai perdu la foi et la grâce, et j'accuse Grand Pangod de trahison. Le Grand Pangod exploite nos complexes d'infériorité, en commençant par notre incapacité de croire à notre propre divinité.

-         Je suis d'accord avec vous finalement.

Quel auteur se cache derrière certaines phrases de ce texte ?

04:45 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (5) |

21/11/2007

Richesse

Ils étaient tous les deux instits. On les appellera Aimée et Albert. Ils ont commencé leur carrière un peu après la guerre. En 1950, ils se sont enfin installés dans le même village. Vers 1955, ils ont eu leur première voiture, une Simca. L’été, ils partaient camper avec leurs trois filles. Dans leur village, avec le curé et le maire, ils étaient des gens importants. Ils avaient un logement de fonction. On disait : « Le couple de régents*. » Si un môme se faisait punir, il évitait soigneusement d'en parler à ses parents de peur de prendre une torgnole par son père. Albert a pris sa retraite à 55 ans en continuant quelque temps le secrétariat de mairie, non pas par nécessité mais pour le plaisir. Avec ses trois enfants Aimée a pu arrêter à 52 ans. Avec leurs économies, ils ont acheté un bel appartement. Leur retraite était confortable, ils se sont mis à voyager avec le club des anciens profs et instits.

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Si on prend un indice du PIB, le Produit Intérieur Brut français, de 200 en 1948, on obtient, en francs constants, environ 1500 en 2004 soit, selon l'INSEE, un accroissement de la richesse de 750% et même un peu plus.

 

C’est justement en 2004, qu’Alexia et Antoine ont commencé leur carrière de professeurs des écoles. Aujourd’hui, ils gagnent 3300 euros, ils paient 1050 euros de loyer et laissent une bonne partie de leur salaire pour la crèche des deux petits. Ils ont une Scenic d’occasion et une vieille Twingo pourrie. Ils hésitent à partir en vacances trop longtemps. Ils attendent une affection dans la même ville ou village. Ils se demandent s’ils ont les moyens d’avoir un troisième enfant. Ils peinent à mettre un peu d’argent de côté. Ce n’est pas la galère mais ce n’est pas Byzance non plus. Le pire, c’est le manque de considération. Quand un môme se fait punir, il n’est pas rare que les parents viennent leur demander des comptes en les toisant du haut de leur gros salaire. Antoine prendra sa retraite au mieux après 60 ans, elle un peu avant, si tout va bien, si leur contrat n’est pas « unilatéralement renégocié. »

Certains jours, Antoine et Alexia se posent des questions: Où est passée toute cette richesse? Cette belle multiplication du PIB par plus de 7,5 ? Pourquoi rament-ils alors leurs grands-parents ont si bien réussi ? Qu'est ce que c'est que cette société qui traite ses enseignants de manière aussi pitoyable ?   

 

*Régent, régente – Maîtres d’école en Suisse et en Savoie.

 

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30/07/2007

Citations

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"Tu trembles carcasse ! Mais si tu savais où je te mène, tu tremblerais encore plus."

Sans surprise, une citation d'un militaire et non des moindres:

TURENNE. Henri de la Tour d'Auvergne-Bouillon,  vicomte de Turenne, 1611 Sedan - 1675 à la Bataille de Salzbach. Il fut un des meilleurs généraux de Louis XIII puis Louis XIV. Maréchal de France en 1643, maréchal général des camps et armées du roi en 1660.

Petit-fils de Guillaume le Taciturne par sa mère Élisabeth de Nassau, et fils de Henri de la Tour d'Auvergne, premier gentilhomme de la chambre d'Henri IV, maréchal de France en 1592, duc de Bouillon par son premier mariage avec Charlotte de la Marck. Turenne épousa en 1653 Charlotte de Caumont La force.

Exact contemporain de Charles de Batz-Castelmore dit d'Artagnan, autre militaire (bonne inspiration du Garde). Grand stratège, Turenne inspira Napoléon 130 ans plus tard. Celui-ci fit mettre sa dépouille aux Invalides. Louis XIV lui avait concédé la sépulture des rois dans la basilique Saint-Denis où la révolution est venue lui chatouillé les pieds. 

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dd23423e4c26603a8cfb80fb391e6e3c.jpgHatez-vous lentement et sans perdre courage
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez...

La métaphore est un peu étrange, le métier fait penser à du tissage et le polissage à de la poterie.

Nicolas Boileau - Art Poétique - Bravo au Garde-Mots.

Boileau est au XVIIe siècle le principal théoricien de l'esthétique classique en littérature. Il fut l'un des meneurs du clan des anciens dans la querelle des Anciens et des Modernes

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06/06/2007

Modernité

medium_marx_thumbnail.jpg Tout le monde a lu ces derniers jours l’histoire du cheminot polonais, Jan Grzebski, tombé dans le coma à la suite d'un accident en 1988, et qui s'est réveillé au bout de 19 ans.

Comme l'héroïne de  "Good bye Lenin", Jan Grzebski est tombé dans le coma à l'époque communiste, au temps des magasins vides et de toutes les pénuries.

 

On imagine facilement la surprise de Jan confronté aux téléphones portables et à tous ces gens pressés qui courent on ne sait où. Cette histoire m’a rappelé un petit texte que j'avais écrit et qui racontait le retour de mon grand père maternel. Je n’ai pas connu mon grand-père maternel qui après avoir fait Verdun en 1916 et respiré quelques gaz délétères en est finalement mort vers la fin des années 30. Il aura tenu jusqu'à la naissance de ma mère donc, et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai.

Depuis il n’a pas donné signe de vie, ce j’ai toujours trouvé très regrettable. J’ai  pu m’entretenir avec mon autre grand-père, Lorenzo, des joies du front Austro-Italien, des cacciatori alpini guerroyant dans les névés tyroliens,  mais avec Augustin, rien ! Pas un mot du moral des troupes dans la tranchée, des connards d’officiers, des déserteurs… que dalle !  

J’ai recherché ce texte (la lettre à Gustin)… en vain. Une preuve que je ne garde pas tous mes fonds de tiroirs (qui a dit, c’est une bonne chose ?) Bref Le Gustin, non seulement il ne m’aura pas connu moi, le plus torturé de ses petits enfants, mais il n’a rien su de la résistance, du Général de Gaule, de Pompidou, de Giscard, de Chirac  et encore moins de Sarkozy. Rien de la télé, de TF1, du PAF, de Vivement Dimanche, des Beatles, de Johnny et de ses soucis fiscaux, de Coluche et des restos du cœur, de Paris Hilton, des CD-ROM, du DVD, de l’ordinateur et même rien de la 2CV…

Lui qui était boulanger, il n’aura jamais vu de sa vie un pain industriel (c’est peut-être une bonne chose, on est d’accord). Il faisait son jardin à la bêche sans savoir que Botanic vendrait des plantons et des fleurs tous prêts à des prix astronomiques. Il mangeait ses tranches de lard bien épaisses sans souci de son cholestérol. Bref, je vous la fais courte mais je trouve que, dans le fond, ce cheminot polonais n’a finalement pas raté grand-chose si l’on songe que quand il est tombé dans le coma, Jean-Paul II était déjà pape depuis une bonne dizaine d’années.

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18/05/2007

Libération

Vingt-cinq ans...
Je revois la couleur du ciel au-dessus de Genève. La forme des arbres au bout de la rue de Carouge. Sous le soleil de ce printemps là, la nouvelle envahissait doucement la ville. En début d'après-midi, peu de gens avaient entendu la radio. Joyeuse et peu précise, la voix de ma mère téléphonant de Lausanne, sans dire bonjour :« Voilà, voilà, ça y est !»... - Allô, quoi ? qu'est-ce que tu... « Mais oui ! Ça y ,st ! C'est fini !»... - Mais qu'est-ce qui est fini, Maman !... « La guerre, mon chéri ! La guerre est finie !... »
Et ce besoin physique de le dire, immédiatement, moi aussi à quelqu'un là tout de suite sans raccrocher - dans ce téléphone encore chaud. A qui ? je ne sais plus très bien car j'ai fait le premier numéro qui me venait au coeur, mais ce devait être celui des Lauriac puisque ma mémoire â cet endroit résonne du grand rire de Rirette, ma sœur perdue.
Et puis sortir, voir, toucher des hommes, embrasser des femmes, plonger dans la foule des braves gens, partager ! ah oui ! partager cette joie qui s'est allumée dans mes tripes et qui monte à ma gorge comme un premier amour.
Dans les rues, la nouvelle gagne les passants, ouvre des boutiques, arrête un couple, rattrape un tram, sort de la pharmacie, me bouscule, disparaît dans une allée, monte dans les étages, saute du 5e, ne rejoint aux Bastions, me devance à la Corraterie, déboule dans les Rues Basses, voilà, voilà, ça y est, la guerre est finie, à bas les Boches, vive la France, le Molard sort ses drapeaux, la foule arrive Je partout sans savoir où elle va, revient sur ses pas, cherche à ~avoir ou ça va se passer...


Car enfin il faudrait bien que quelque chose se passe, n'est-ce pas, puisqu'on est tous venu pour ça !

Alors ça va se passer partout, la rue est à nous, les fenêtres pavoisent, des types se mettent à jouer de l'accordéon sur le trottoir, de bar en bistrot des bandes d'amis s'improvisent, trinquent, s'embrassent, font « Schmolitz » et repartent à la recherche d'autres amis. Ça va durer toute la nuit - dans ce grand délire des hommes qui boivent pour se jurer que le monde va devenir meilleur...
Toute la nuit, nous avons bu au bonheur de la France, à la grandeur de l'Amérique, au courage des Anglais, à l'héroïsme des Russes. Nous avons arrosé l'Europe future, inondé l'Humanité de demain, noyé la Victoire du Bien sur le Mal.

Délivrée du nazisme, la Terre des Hommes de bonne volonté allait connaître enfin la Paix, la justice, le Bonheur !
Nous avons bu toute la nuit - jusqu'au matin radieux de ce nouveau printemps qui se levait sur un monde fraternel.
Il y a vingt-cinq ans.

Nous avons bu toute la nuit.

Mais c'est aujourd'hui que j'ai la gueule de bois...

Jack Rollan - Bonjour publié dans "La Suisse" 9 mai 1970

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23/04/2007

Le Tout

medium_ACS.jpgToujours

en lisant Compte Sponville.

sans léviter

.

« Je suis Dieu et ma vie c'est l'éternité. » C'est du moins ce que prétend, en toute immodestie, mon ami Henri qui rejoint ce que dit Comte-Sponville dans l'esprit de l'athéisme. Un extrait:


« Formidable formule de Nâgârjuna (...) : « Tant que tu fais une différence entre le samsâra et le nirvâna, tu es dans le sannsara. » Tant que tu fais une différence entre ta vie telle qu'elle est - décevante, fatigante, angoissante - et le salut, tu es dans ta vie telle qu'elle est. Tant que tu fais une différence entre l'éternité et le temps, tu es dans le temps. Tant que tu fais une différence entre l'absolu et le relatif, tu es dans le relatif. Et quand tu ne fais plus cette différence, ou plutôt quand elle cesse de te faire? Alors Dieu a cessé de te manquer, comme l'ego de t'encombrer. Rien ne manque : tout est là, tout est vrai, tout est éternel, tout est absolu (Prajnânpad : « Voir le relatif comme relatif, c'est être dans l'absolu »), et plus rien - fût-ce toi-même - ne t'en sépare.


Il n'y a plus que tout, et peu importent les noms qu'on lui donne ou qu'on lui prête : il n'y a plus que l'illimité (Anaximandre), le devenir (Héraclite), l'être (Parménide), le Tao (Lao-tseu), la nature (Lucrèce, Spinoza), le monde («l'ensemble de tout ce qui arrive» : Wittgenstein), le réel sans sujet ni fin » (Althusser), « l'un-sans-second » (Prajnânpad), le présent ou le silence (Krishnamurti) - l'absolu en acte et sans personne.

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