19/11/2006
Laboureur de nature
Bravo JPaul.
Il s'agit bien du Pantagruel, deuxième livre de maître Alcofribas Nasier,
abstracteur de quintessence,
autrement connu sous le nom de Rabelais
dans un texte très...
rabelaisien.
Dans la vie il y a la bonne chair et les plaisirs de la chair.
« Les autres enflaient, mais en longueur, du membre qu'on nomme le laboureur de nature, de telle sorte qu'ils l'avaient prodigieusement long, grand, gras, gros, vert et dressé à la mode antique, si bien qu'ils s'en servaient de ceinture, s'en entourant le corps cinq ou six fois; et quand il était en forme et avait le vent en poupe, à les voir vous auriez dit que ces gens tenaient leurs lances sur l'arrêt pour jouter à la quintaine.
Et de cette race, on n'en trouve plus, comme le disent les femmes, car elles lamentent continuellement qu'
Il n'en est plus de ces gros, etc.
vous savez le reste de la chanson.
D'autres se développaient des couilles si démesurément qu'avec trois on remplissait bien un muid. C'est d'eux que descendent les couilles de Lorraine, qui ne restent jamais dans les braguettes : elles tombent au fond des chausses.
* texte mis en françois moderne.
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17/11/2006
Château lapin
Le vicomte de Lapereau qui, entre parenthèse, préférait qu’on l’appelle d’Ouble car il n’avait jamais aimé son zoonyme*, le vicomte donc, a fait construire ce château sur le modéle de Vaux le Vicomte, au début du XIXième siècle, au lieu dit Ouble, après avoir asséché le marais environnants. Sur la droite, vous pouvez voir ces charmantes miniatures accrochées à une cimaise*. Je vous laisse deviner le thème de cette collection de portraits… Eh oui, madame a raison, enfin presque, ce ne sont pas des animaux humains mais des gens à zoonyme : madame Vache pour l’élégante dénudée à gauche, monsieur Caniche pour le barbu à l'oeil de satyre du milieu et les frères Chameau sur cet élégante toile du XVIII ième.
La salle dans laquelle nous entrons, qui a longtemps servie de boudoir à la vicomtesse est appelée la salle des phéromones* à cause de l’odeur étrange et prétendument aphrodisiaque qui s’est imprégnée dans les tentures. Vous pouvez respirer à plein poumon, on prétend que les gens stressés en ressortent apaisés.
La pièce suivante est la chambre des empaillés ou salle des vibrisses*. A gauche une belle collection de chats, des siamois, des européens, des abyssins, des balinais, un superbe mau égyptien, et à droite des rats, le vicomte était un grand collectionneurs de rats, on distingue des Long-Evans ces rats de laboratoire que l’on dit plus intelligents que bien des humains, des rats gris les grey-robe, des rat d’égout presque noir capturés dans les environs d’Ouble par le vicomte lui-même.
Voici la chambre de la vicomtesse où ont séjournées les nombreuses conquêtes du vicomte qui les accueillaient quand son épouse partait chasser le pihi* dans les montagnes corses avec sa bande de robustes veneurs, des jeunes gens recrutés dans le voisinage d’Ouble. Le vicomte appelait toujours de ses vœux la capture et la naturalisation d’un pihi mais il bien connu que cet oiseau vient à bout des meilleurs rabatteurs même traqué par leurs longues lances.
Suivez-moi messieurs-dames…
Nous entrons dans la grande salle des spectacles. C’est ici que le vicomte faisait jouer ses pièces. Les villageois l’appellent maintenant la salle du Show Lapin. Le vicomte était un piètre auteur dramaturge mais très prolixe et souvent licencieux. Il confiait ses œuvres aux meilleurs metteurs en scène et exigeait que ses didascalies* soient parfaitement exécutées. On raconte qu’il aurait renvoyé un metteur en scène qui n’avait pas exigé que l’actrice se déshabille comme indiqué à la fin de la scène. L’homme avait bien argumenté qu’il avait respecté l’essentiel du paradigme* en demandant à l’actrice de poser son châle mais le vicomte n’a rien voulu savoir.
A main gauche vous pouvez voir ce petit compendium* fabriqué par le vicomte d’Ouble pour l’éducation de son fils. Il tenait à ce que son héritier sache utiliser les mesures de l’ancien régime, les objets exposés se pèsent donc en onces, se mesurent en toises et en coudée, en boisseau, en muid ou en setier. On remarquera derrière la vitre, ce petit bijou qui n’est pas un diamant malgré son apparence adamantine* mais une aigue-marine, on suppose qu’il était ici pour illustrer le carat, non pas le carat métrique ni le carat Font ou le carat thé mais le carat qui vaut un tiers d’obole encore utilisé par les bijoutiers de nos jours.
Par ici mesdames et messieurs… attention à la marche…
Vous entrez dans la salle de méditation de la vicomtesse. On la nomme aussi salle du pilier des égrégores*, C’est ici qu’après une vie de débauche la vicomtesse venait se reposer. Elle faisait appel aux meilleurs thérapeutes et tentait d’établir ici un puissant courant spirituel en harmonie avec le Cosmos, on pratiquait dans cette salle le yoga tantrique, le yoga aérobic, le hatha-yoga, le thatha-yoga, le ghagha yoga et aussi une forme de yoga du rire qu’on appelait la gélothérapie*.
La visite se termine ici, messieurs-dames. Avant de quitter le château pour aller vous promener dans le merveilleux jardin botanique* et sa collection unique d’arbres aux quarante écus, les ginkgos* biloba plantés par un descendant du vicomte d’Ouble, je vous conseille d’essayer la gélothérapie. La recette consiste à mettre votre main contre le pilier des égrégores, à penser à une anecdote drôle et à laisser venir doucement le rire. Pas plus tard qu’hier une dame a eu un véritable orgasme d’une bonne dizaine de minutes en pratiquant ainsi.
Attention aux escaliers en sortant et si la visite vous a plu, n’oubliez pas le guide.
Ce texte oulipien répond au jeu proposé par le blog autour des mots et utilise 13 mots (à la douzaine) issus de l'excellent blog du Garde-Mots :
Adamantin, Cimaise, Compendium, Didascalie, Egrégore, Gélothérapie, Ginkgo, Jardin botanique, Paradigme, Phéromones, Pihi, Vibrisses, Zoonyme.
10:40 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (2) |
21/10/2006
Physique
Ligne droite
et
position
des
particules
Je relis régulièrement Henri Roorda ce prof de math genevois, pédagogue visionnaire, qui vivait au début du siècle dernier. J’aime surtout son roseau pensotant qui me rappelle mon maître Vialatte.
Roorda nous parle de la ligne droite et du fait que monsieur Einstein, jeune physicien à l’époque, voulait que la ligne droite ne le soit plus. « essayez de vous représentez une ligne droite différente de celle de l’année passée… c’est la santé même de votre intelligence qui est menacée…. La ligne droite telle que nous la concevons avec netteté a toujours eu une conduite irréprochable… » Il a raison.
Depuis la mort de Roorda en 25, on a fait pire. La physique quantique nous dit que l’on ne peut pas connaître simultanément la position ET la vitesse d’une particule massive. Déjà que c’est une idée farfelue, en plus les gendarmes n’en ont tiré aucune conclusion et continue de verbaliser les voitures à tout va.
On peut comprendre que le cerveau de certains de nos contemporains ne résiste pas à tout ces changements qui manquent sérieusement de rigueur.
Le texte de Roorda tiré du roseau pensotant :
M. Einstein s'attaque à mes convictions les plus profondes. II veut m'enlever une notion que je ne pourrais pas perdre sans sombrer dans le scepticisme le plus affreux et, peut-être, dans la folie. I1 prétend que je me faisais une idée fausse de la ligne droite !
Mesdames, Messieurs, la ligne droite qu'on veut arracher de mon esprit, c'est la vôtre. C'est la ligne droite dont nos pères et nos grands-pères (qui n'étaient pas des imbéciles) se sont toujours contentés. C'est la ligne droite qui, depuis les premiers jours de l'histoire humaine, a suffi aux plus grands génies comme aux plus humbles ramasseurs de hannetons.
Pour soutenir leur thèse, les partisans d'Einstein invoquent une découverte récente qui, à mon humble avis, ne prouve rien du tout. Il parait que la lumière émanant d'un astre quelconque (par exemple, de la planète Mercure) ne peut pas passer dans le voisinage du soleil sans subir une déviation. Mais est-ce une raison pour que la « ligne droite » se mette à minauder et à se tortiller lorsqu'elle passe devant l'Astre-Roi ? Un rayon lumineux est une chose et la ligne droite en est une autre. La ligne droite, telle que nous la concevons avec netteté (nous qui constituons la partie saine de la population), a toujours eu une tenue irréprochable. Elle est d'une constance à toute épreuve. On rencontre parfois des droites brisées. Mais en brisant la ligne droite, on ne la fait pas abdiquer. Ses plus petits morceaux gardent éternellement ses vertus originelles. N'est-ce pas là le signe de l'absolue pureté?
La ligne droite part du fond de notre âme. Elle est le chemin que voudrait suivre notre impatience quand nous nous élançons vers l'objet désiré. Chez les êtres nobles, la ligne droite est une idée innée. Si M. Einstein réussissait à nous prouver que la ligne droite elle-même s'écarte parfois du droit chemin, nous ne pourrions plus avoir confiance en personne.
J'ajoute que les révolutionnaires de la physique moderne constituent un danger pour l'industrie nationale. En répandant leurs idées subversives, ils ne songent pas à ces milliers de professeurs de mathématiques qui, devant leurs élèves avides de certitude, célèbrent chaque jour les vertus de la droite euclidienne, de la bonne vieille droite traditionnelle, dont la devise est :« Ne fléchissons pas !» En enlevant la foi à ces pédagogues consciencieux, ne leur enlèverait-on pas, du même coup, leur gagne-pain ?
Ignorants, mes frères, ne forçons point notre talent. N'allons pas, pour le vain plaisir d'être à la mode, adopter cette droite nouvelle, légèrement courbe, dont les savants auront besoin, désormais, pour « expliquer l'univers ». Restons fidèles à la ligne droite des honnêtes gens, qui, lorsque nous partons, nous montre toujours la route à suivre.
Tout cela est triste. Si les hommes ne peuvent pas s'entendre sur le « droit » et le « courbe », se mettront-ils jamais d'accord sur ce qui est juste et ce qui ne l'est pas ?
12:10 Publié dans Textes, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (9) |
20/10/2006
Tournis
.
L'homme
politique
est
à
un
tournant
Je ne tournerai pas autour du pot, je pense que la situation tourne à l’aigre. Ce politique hautain qui se prend pour un aigle nous a fait tourner en bourrique. Il pensait que son discours était bien tourné mais il aurait plutôt dû tourner sept fois sa langue de bois sur le tour avant de le prononcer. Il croyait nous tourner la tête mais nous ne sommes pas des girouettes, nous ne tournons pas à tous les vents. Tout cela tourne au ridicule. Pourquoi pas faire tourner les tables tant qu’on y est ?
Il pourrait mettre encore plus d'eau dans son vin avant que celui-ci ne tourne vinaigre... mais après avoir tourné à droite, il s’est déjà tourné vers la gauche et nous on ne sait plus où tourner la tête. Certes ses amis ont pour la plupart tourné leur veste pendant que son principal ennemi tournait les talons. Pour tourner la difficulté, il aurait pu tourner un film dans lequel il aurait expliqué pourquoi la terre tourne si mal, cela se fait aux US mais on se souvient que ce mouvement de rotation la terre a, en son temps, tourneboulé les autorités ecclésiastiques.
On pourrrait croire que la fortune va définitivement lui tourner le dos, que son avenir va tourner court, mais souvenez-vous : la roue tourne et ce n’est pas en tournant autour du pot que l’on fait les meilleures soupes.
Il importe de se souvenir de cette pensée du Sar Rabindranah Duval : « Celui qui a son avenir devant lui, l'aura dans le dos chaque fois qu'il fera demi-tour »
11:42 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (4) |
14/10/2006
aVant
Inspiration
en V
comme
Vialatte
Vieux
Vian
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Au bon vieux temps :
la neige était plus blanche,
le loup plus hirsute,
les étoiles plus brillantes,
la forêt plus noire,
les bandits plus hardis,
les vieilles femmes plus cassées,
le savetier plus gai,
l'usurier plus avare,
l’herbe était plus verte,
les automnes plus orangées,
les printemps plus éclatants.
les étudiants plus travailleurs,
les travailleurs plus solidaires,
les patrons moins riches,
les jardiniers plus joviaux,
les ingénieurs plus géniaux,
les socialistes plus soucieux,
les urbanistes plus urbains,
la musique plus harmonieuse,
les sportifs moins dopés,
la crème plus fouettée,
les saisons plus marquées,
les jeunes plus prévenants,
et les vieux plus lucides.
12:20 Publié dans Textes, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (3) |
19/08/2006
Récits bariolés
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Récits bariolés
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Robert Lévesque
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Boréal
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Les livres traversent l’atlantique, certains voguent vers la belle Province chez JJ et Andrée, d’autres en viennent. C’est Josie qui a m’a ramené celui-ci. Quelle riche idée elle a eu là !
Récits bariolés, ce n'est pas par hasard que Robert Lévesque reprend ce titre d'Anton Tchekhov sous lequel le nouvelliste russe acquis la célébrité en 1886. Pour Robert, Anton est un fratriarche. Le livre de Lévesque réunit soixante et un textes que les fidèles de l’hebdomadaire montréalais « Ici » ont pu lire à la petite semaine dans ses carnets.
Quelle passion ! Quelle érudition dans ce livre. Je ne connaissais évidement pas ce chroniqueur mais immédiatement j’ai été conquis. Il y a du Vialatte chez cet homme là. Comme Vialatte, que je relis sans cesse, on peut lire Lévesque sans connaître tout le contexte. A preuve, son éloge funèbre de Claude Ryan, un homme dont je ne connaissais même pas le nom et je ne sais presque rien de la politique québécoise, l'éloge est pourtant exceptionnellement drôle.
Du potin à l'analyse, de l'anecdote à la réflexion, de Molière à Michael Moore, Robert Lévesque, accompagné de ses chats, se promène dans l'histoire artistique et intellectuelle comme dans un jardin familier, qu'il fréquente depuis toujours mais où chaque sortie, chaque lecture lui fait trouver du nouveau, de l'inédit, du merveilleux.
Si, comme moi, la littérature et la découverte sont des joies toujours renouvelée, lisez ce livre enfin si vous le trouvez car chez amazon, il est annoncé mais pas encore disponible. Et puis vous n'avez qu'à avoir des amis qui vont au Québec.
10:48 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
09/06/2006
Chez moi
Chez moi, dit la petite fille
On élève un éléphant.
Le dimanche son oeil brille
Quand Papa le peint en blanc.
Chez moi, dit le petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des chansons
En latin et en laitue.
Chez moi, dit la petite fille
Notre vaisselle est en or,
Quand on mange des lentilles
On croit manger un trésor.
Chez moi, dit le petit garçon
Vit un empereur chinois.
Il dort sur le paillasson
Aussi bien qu’un Iroquois.
Iroquois! dit la petite fille.
Tu veux te moquer de moi.
Si je trouve mon aiguille,
Je vais te piquer le doigt!
01:15 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) |