13/01/2007
Rictus
Jehan-Rictus (1867-1933)poète,
célèbre pour ses œuvres en français parlé.
Un extrait des soliloques du pauvre...
Si qu’y r’viendrait ! Si qu’y r’viendrait,
L’Homm’ Bleu qui marchait su’ la mer
Et qu’était la Foi en balade :
L’ gas qu’en a fait du joli
Et qui pour les muffs de son temps
N’tait pas toujours des pus polis !
Car y disait à ses Apôtres :
— Aimez-vous ben les uns les autres,
Faut tous êt’ copains su’ la Terre,
Faudrait voir à c’ qu’y gn’ait pus d’ guerres
Et voir à n’ pus s’ buter dans l’ nez,
Autrement vous s’rez tous damnés.
Et pis encor :
— Malheur aux riches !
Heureux les poilus sans pognon,
Un chameau s’ enfil’rait ben mieux
Par le petit trou d’eune aiguille
Qu’un michet n’entrerait aux cieux !
04:15 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poètes, réac, apôtres |
09/01/2007
Commémorons
Commémorons*
n'importe quoi
(petite pièce
en un acte
et six personnages)
Cyclopède** : Si vous le voulez bien, nous commémorons ce soir le centenaire de la mort du grand savant français Jean-Pierre Démoral. De même que Louis Pasteur inventa la pasteurisation, c'est à Jean-Pierre Démoral que nous devons la démoralisation, et je dis bravo.
Démoral (sous les vivats) : Merci... Merci beaucoup... Merci...
Cyclopède : Jean-Pierre Démoral commença humblement ses expériences sur sa logeuse, Mme Brouchard, qu'il démoralisa le 12 Septembre 1847.
Concierge : Y fait beau.
Démoral : Ca va pas durer.
Concierge : Je suis démoralisée.
Cyclopède : Encouragé par ce premier résultat, il découragea un an plus tard le sous-préfet de l'Isère.
Sous-préfet : Y fait beau.
Démoral : Ca va pas durer.
Sous-préfet : Je suis démoralisé.
Cyclopède : Au sommet de sa carrière, Jean-Pierre Démoral réussit même à démoraliser le dernier tsar de toutes les Russies, Nicolas II.
Nicolas II : Y fait beau.
Démoral (sur fond de révolution soviétique : L'internationale) : Ca va pas durer.
Nicolas II : Je suis démoralisé-skaïa.
Concierge : Seule ombre à sa gloire, Jean-Pierre Démoral ne parvint jamais à démoraliser l'escargot de Bourgogne.
Démoral (à l'escargot) : Y va pleuvoir
L'escargot : Hi !Hi !Hi !
Cyclopède (triste sous un parapluie) : Etonnant, non ?
* du verbe commémorer et pas comme des morons
** Desproges piqué sur le site http://www.koikadit.net/ -
03:35 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (2) |
30/12/2006
Monachon
Simplicité
Volontaire
contre
complication
plus ou moins
volontaire
Monachon ne supporte pas qu’on détruise un objet qui peut encore avoir son utilité, alors il sauve les objets en perdition. Vous le verrez souvent à la déchetterie et il est bien rare qu’il revienne chez lui les mains vides. Et que fait-il de tous ces objets ? Il les entasse. Il en a fait un immense appendice à sa maison.
Si un jour vous êtes en quête d’un joint introuvable, d’un feu de position pour un modèle de voiture antique, d’un jeu de vis, d’un pied de table, d’un saphir pour un électrophone antédiluvien… que sais-je ? Si vous avez parcouru la terre entière à la recherche de cet objet, il vous reste encore Monachon. Il vous fera visiter ses couloirs de tôles, passer sous ses toits ondulés qui enserrent de milliers d’objets de toutes tailles que l’abri de fortune tente de protéger de la rouille et des intempéries.
Je ne vous garantis pas le résultat mais vous verrez l’étonnant palais du facteur cheval qu’a réussi à fabriquer Monachon à partir d’une infime partie de nos déchets.
06:50 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (4) |
20/12/2006
Jean-Pierre
Je me souviens JP
tu étais un sacré provocateur
Je me souviens que tu venais
en costard cravate
au milieu de notre bande
les joyeux théâtreux
et tu ouvrais ostensiblement
Minute le journal
de droite extrême
Tu étais un sacré provocateur
au point de te faire détester par beaucoup
et d’agacer même ceux qui te trouvaient sympa
et que tu trouvais sympathiques en retour.
Je me souviens que tu râlais quand les bébés pleuraient
Je me souviens que tu avais couché
la moto flambant neuve de Popoche
Je me souviens que tu avais fait un casus belli
d’un petit lambeau de ton jambon de Babaz
qu’un invité indélicat avait discrètement
détaché au couteau.
Je me souviens que tout cela était arrivé au Prats
en un seul week-end.
Tu étais un sacré provoc.
Je me souviens que tu disais narquois,
aux programmeurs en peine :
« read the fucking manuel »
Je me souviens que tes questions
mettaient les pauvres professeurs à la torture
et qu’à la fin du cours
tous le monde se rappelait de toi.
Je me souviens que tu couchais sous la tente
et qu’au matin, costard et attaché-case,
tu passais en cadre fringant les portes de la banque
Je me souviens qu’à ton mariage,
tu avais étouffé dans l'oeuf (de caviar iranien)
nos provocations des théâtreux.
Lundi, dans ta caisse tu nous as provoqué une dernière fois
et cette fois, tu n’as pas eu le dernier mot
On aurait pourtant aimé que tu répliques lorsque ta grande sœur nous a dévoilé un coin des graves déchirures de ton enfance.
On aurait aimé que tu nous dises pourquoi tu avais tellement besoin d’amour et pourquoi tu savais si mal le demander.
06:45 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) |
11/12/2006
La vie
Un extrait de
Tristano
Meurt
-
Antonio
Trabucchi
prétend que:
la vie ne procède pas par ordre alphabétique comme vous le croyez. Elle apparaît... un peu ici et un peu là, comme bon lui semble, ce sont des bribes, le problème est ensuite de les recueillir, c'est un petit tas de sable, et quel est le grain qui soutient l'autre ? Il arrive que celui qui est au sommet et qui semble soutenu par tout le tas soit au contraire celui qui tient ensemble tous les autres, parce que ce tas n'obéit pas aux lois de la physique, tu enlèves le grain dont tu pensais qu'il ne soutenait rien et alors tout s'écroule, le sable glisse, il s'étale et il ne te reste rien d'autre à faire que des gribouillis avec le doigt, des allées et venues, des sentiers qui ne mènent nulle part, et ainsi de suite, tu es là à tracer des allées et venues, mais où sera-t-il passé, ce grain béni qui tenait tout ensemble... et puis un jour le doigt s'arrête tout seul, il n'arrive plus à faire des gribouillis, il y a sur le sable un tracé étrange, un dessin sans logique ni construction, et tu soupçonnes tout à coup que le sens de toute cette affaire était dans les gribouillis.
07:15 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
08/12/2006
Lorelei
Christian
Johann
Heinrich
Heine
(1797-1856)
poète et journaliste allemand
du XIXe siècle
Il avait écrit: "Ceux qui brûlent les livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes." Parmi les livres que les nazis firent brûler sur la place de l'Opéra de Berlin en 1933, se trouvaient les ouvrages de Heine.
Heine est l'auteur de la Lorelei:
Ich weiß nicht was soll es bedeuten,
Dass ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn...
...
Mon Cœur, pourquoi ces noirs présages?
Je suis triste à mourir.
Une histoire des anciens âges
Hante mon Souvenir.
Déjà l'air fraîchit, le soir tombe,
Sur le Rhin, flot grondant;
Seul, un haut rocher qui surplombe
Brille aux feux du couchant.
Là-haut, des nymphes la plus belle,
Assise, rêve encore;
Sa main, où la bague étincelle,
Peigne ses cheveux d'or. (...)
La Lorelei, rocher sur le Rhin où l'on entend une sirène, a été conçue pour symboliser l’amour passionnel dans la littérature.
La Loreley D'Apollinaire
À Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté
Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcelerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
(...)
Voir la magnifique note de Ruth sur le musée Tinguely de Bâle.
Oeuvre de l'architecte Mario Botta.
05:20 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (5) |
28/11/2006
Lulu
Texte écrit en respectant la contrainte des 13 mots à la douzaine No 2
.
Ma chère Christine,
J’avoue que j’étais assez tenté de participer au jeu numéro 4 et puis j’ai pensé à Lucien. Je ne sais pas si je t’ai déjà parlé de Lucien. Lucien est l’homme le plus atypique que je connaisse. C’est à la fois une sorte de trublion de la photographie et un papy respectable de la pellicule argentique. Un jour il t’explique qu’à son âge, il a renoncé à tous les plaisirs, la chair et la bonne chair, le lendemain il te parle de son oaristys avec une actrice jeune et jolie, un mot qui signifie idylle et qu’il est allé piquer dans une pièce de Jacques Tremblay. Il fait sans cesse des clichés de sa belle, il te bassine avec l’appel du désir comme l’agitation câline d’une onde passant de fleur d’eau à fleur de peau, avec le mouvement d’éveil des sens… la photo dansée licencieuse, érotique et interdite. Tremblay, une découverte de Lucien le roi de la serendépité.
Plus tard il te gavera avec un discours sur la protection des batraciens, il te parle d’une petite rainette verte qu’il a photographiée et recueillie dans les marais. Le lendemain, sans préambule, il te raconte sa soirée dans un restaurant de la Dombe où il prenait de bêtes photos de mariage et où il a mangé, paraît-il, les meilleures cuisses de grenouille de France.
Un autre jour, magnanime, il t’explique avec un enthousiasme que pour un diariste comme lui, habitué depuis des lustres à se mirer dans la page blanche, le blog est une aubaine fascinante, la semaine suivante, frappé d’aboulie et de sinistrose, il défie tous les blogueurs et te racontant l’altercation molle qu’il vient d’avoir avec un de ces cinglés de la toile qui n’a rien compris au journal intime et à la photo artistique et surtout qui ne voulait pas reconnaître que tout ce pataquès que l’on fait avec le Web ne sera jamais qu’un feu de paille, un piratage d’idées bateau, une misère de gens qui n’ont jamais rien à dire.
Tu vois Christine, il faut vraiment que je te fasse connaître Lucien, l’homme de toutes les contradictions, des passions et du renoncement, capable de photos surréalistes comme ce peintre qui peint la neige du Semnoz ou à l’inverse de clichés très véristes à la Doisneau ou à la Willy Ronis. C’est bien simple, s’il fallait un mot pour résumer Lucien ce serait oxymore, Lulu est un oxymore sur pattes… avec appareil de photo.
Amitiés
Joël
21:45 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (2) |