26/11/2012
Match nul
De la supériorité de la guerre sur la politique.
Boris Vian disait que le vrai problème avec les militaires, c’était leur amateurisme. Il expliquait que si les militaires étaient de vrais professionnels, il n’y aurait plus de guerre… faute de combattants. Il suffirait d’une guerre bien menée, surtout avec les méthodes modernes, pour qu’il n’y ait plus du tout de survivants, partant plus de guerre possible.
Lettre à sa Magnificence le Baron Jean Mollet, Vice-Curateur du Collège de 'Pataphysique sur les truqueurs de la guerre (lien) : "Qu'on me croie : le jour où personne ne reviendra d'une guerre, c'est qu'elle aura enfin été bien faite. Ce jour-là, on s'apercevra que toutes les tentatives avortées jusqu'ici ont été l'oeuvre de farceurs. Ce jour-là, on s'apercevra qu'il suffit d'UNE guerre pour effacer les préjugés qui s'attachent encore à ce mode de destruction. Ce jour-là, il sera, à jamais, inutile de recommencer."
Et bien c’est pareil en politique. Il suffirait de savoir bourrer les urnes avec professionnalisme et au bon moment et il n’y aurait plus de contestation possible. On peut aussi utiliser d’autres techniques : Les faux électeurs, le candidat unique, l’inflation du vote par correspondance, ou encore, soyons modernes, les machines à voter truquées version Jeff Bush en Floride…
N’importe quel dictateur africain a ses propres (ou sales) trucs et astuces… A la rigueur, on peut apprendre des choses dans l’histoire des démocraties populaires qui s’opposaient si bien aux républiques bourgeoises quand il s’agissait d’élection. Les corses peuvent aussi nous donner quelques tuyaux. Bref, comme toujours, les exemples et les théoriciens ne manquent pas, c'est la bonne pratique qui fait défaut.
On comprendra que j'en veuille à l’UMP ! D’autant qu’ils ont un couple d’experts à la mairie du Vième et sans doute pas mal de d'authentiques spécialistes ici ou là, au moins autant, sinon plus, qu’au PS, au FN ou au Front De Gauche. Certains pensent que leur nouveau président est un grand stratège. Moi, je le dis tout net : c’est un petit joueur, et, bien sûr, son challenger c’est pire.
A moins que… A moins qu'ayant fait appel aux mêmes experts, ayant appointé les mêmes spécialistes, s'étant entouré des mêmes compétences, ils soient arrivés au... match nul.
Un scénario de nullité qui ne peut pas arriver avec la guerre, car deux armées de vrais professionnels compétents s’extermineraient à coup sûr et comme le soulignait Boris, ne laisseraient jamais un journaliste de BFMTV ou d'iTélé survivant pour en parler.
Oui, décidément la guerre est bien supérieure à la politique.
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25/11/2012
Arbres
Je suis enfin venu à bout du dernier de mes résineux. Il y aura bientôt trente ans que m’a pris cette frénésie de planter. Il faut bien dire que j’étais en âge de planter contrairement à l’octogénaire de la fable (passe encore de bâtir mais planter à cet âge). Eh bien, après avoir bâti, je plantais, oubliant que mon terrain était bien en dessous de l’hectare nécessaire à toute plantation un peu systématique.
Je plantais tant et plus. Si bien que quelques années plus tard, notre maison se retrouva au milieu de la jungle. En fait, décomptée la maison et le reste, le terrain disponible doit mesurer moins de 600 m2.
C’est joli la jungle mais c’est dangereux. On peut prendre un arbre sur la tête ou au moins des graines, certaines en forme de cône, d’autres, les pires, en forme de poussières jaunâtres. Ce serait me dit-on des milliards de générateurs de gamètes de taille micrométrique, des zillions* de fécondants mâles, des immensités infinies de cèdres du Liban en puissance, qui collent sur les dalles et jaunissent le rouge métallisé de la plus belle des voitures.
Donc, je me suis mis à couper, couper, couper… J’ai bûcheronné et brûlé le bois de ma mini propriété. Un rendement digne des meilleurs forestiers. A dire vrai, au début, je déplaçais les arbres. C’est assez rigolo le concept d’arbre nomade. Sauf exception, cela ne fait pas des spécimens très costauds mais remarquez que, dans mon cas, c'était plutôt un avantage. Mais, vint le temps où le nomadisme ne fut plus possible, l’espace manquait, les outils aussi.
Donc, j’ai commencé à couper : un saule tortueux trop avide de canalisations voisines, un pin de l’Himalaya, un bouleau, un mélèze, un pin maritime qui lui avait pourtant profité de son nomadisme, deux autres mélèzes nomades un peu rachetos mais dont la souche est encore inamovible quinze ans plus tard, un cèdre magnifique (du moins aurait pu être… sur un hectare !) et, enfin, le dernier pin maritime dont je craignais qu’il n’écrase un jour, la maison.
J’en oublie, comme ce boulot que j’ai dû couper l’autre jour, ce lilas qui avait séché, ce tulipier des plus prometteurs, ce poirier et ce pêcher faiblards et stériles, cet abricotier fatigué, un petite haie de thuyas (une douzaine) près de la térasse, ces saletés de pyracanthas piquants et toutes ces branches de cotonéasters, de fusains, de viorne boules de neige, de viburnum viburnum, de laurier-tin, ces terribles chèvres-feuilles odorants amenés par les oiseaux, et les arbustes dont j’ai oublié le nom qui n'avaient pas assez de soleil ou qui enquiquinaient le voisinage. Eh oui, en plus, j’ai des voisins, plutôt tolérants, je dois dire.
[photo cri.ch] Il en reste encore, je vous assure, des arbustes mais aussi deux beaux prunus, un laurier-tin, un arbre de Judée (comme Brassens**), un magnolia aux fleurs mauves pas très dynamique, des cotonéasters, un viburnum rythidophillum, deux lilas, un magnifique cerisier et sa balançoire, un très beau et robuste érable pourpre, un mignon petit érable japonais, un liquidambar, un arbre à perruques, deux pommiers, des mahonias, un sorbier des oiseaux de belle taille, une boule de buis, une boule de laurier, trois fortitias, deux noisetiers, un prunier, le dernier boulot, un acacia frisia, le resepage (repousses) du tulipier, un cognassier à fleur, un truc très piquant aux fleurs jaunes, un cerisier du Japon très beau au printemps, une boule de troène et une d’élaéagnus, liste non exhaustive… Bref, de quoi se chauffer pour les prochains hivers.
Vous devez penser que, soit j’en rajoute, soit je suis fou, hé bien c’est la deuxième hypothèse qui est la bonne.
* En anglais le zillion est un chiffre peu dénombrable qui vient après trillion, quadrillion, quintillion… Multitude, ribambelle, tripotée, floppée, chiée, ne rendent pas totalement l'idée...
**
06:02 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
01/11/2012
Bouleau
En général, chez Perino on se réveille avec France Inter. Comme le chante Stéphane Eicher, « les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent ». Pour déjeuner en paix, il faudrait donc couper le son, ce qu’on fait parfois mais pas le week-end.
Le week-end, c’est Fabrice Drouelle et Patricia Martin pour le 7-9. Vers sept heures vingt, c’est le tour d’Alain Baraton le jardinier de Versailles.
Un petit jeu consiste à se moquer gentiment de Fabrice Drouelle, béotien en matière de culture, agriculture bien sûr, et qui ne différencierait pas une pâquerette d’une marguerite. Et, comble de l’abomination, Fabrice aurait un bouleau en plastique chez lui, ce qui fait glousser Baraton, et Patricia en rajoute sournoisement.
Eh bien, j’ai envie de défendre Fabrice et son bouleau. Surtout depuis qu’un de mes bouleaux s’est fendu sous l’action de la récente bise. Je pensais passer un mercredi peinard mais comme le bouleau menaçait d’écraser un chat ou pire un enfant déguisé en sorcier en quête de bonbons, j’ai du sortir ma tronçonneuse électrique que, bien sûr, j’ai coincée à la première coupe (photo). Il m’a fallu débiter le bois, faire un tas pour l’hiver, broyer les brindilles pour le compost, nettoyer les feuilles. Bref, le bouleau c’est du boulot et donc une journée de foutue. Par chance, je n’avais pas d’émission à préparer pour le week-end. Je me suis quand même dis : « Vive le bouleau en plastique à Drouelle ! »
Un bouleau en plastique, ça ne grandit pas. Comme son cousin, le sapin de noël qui ressort et ressert chaque année, pas besoin de terre ni même de soleil.
Évidemment, c’est facile pour monsieur Baraton d’avoir des tas d’arbres dans son château de Versailles.
Quand le tulipier de la reine s’est cassé en 99, qui c’est qui a coupé le bois et dégagé le terrain ? Qui c’est qui a fait des manches de couteau avec le bois ? Sans doute pas monsieur Baraton. C’est agréable d’avoir plein d'arbres dans ces conditions.
Même dans mon cas, sur mes mille mètres carrés, je peux me payer le luxe de trois bouleaux (sauf que c’est le deuxième qui me fait le coup de la bise)... mais dans le cas de Fabrice, dans son petit appart de 300 mètres carrés, pas de place pour un vrai bouleau.
En fait, comme dit mon maire, le vrai problème, c’est la maîtrise du foncier car il faut éviter le mitage. Et comme chacun doit limiter son empreinte écologique donc plus de maison individuelle et encore moins de château. Tous en appartement et chacun son arbre en plastique pour la vie et, comme dit Mélenchon, y aura pas de jaloux. Fabrice Drouelle est un précurseur... On s’est toujours moquer des précurseurs.
20:56 Publié dans Humour, Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
18/06/2012
Bestial Business 4
La suite...
Le père Nicanor Reyna arrive à Macondo pour célébrer le mariage entre Aureliano Buendia et Remedios Moscote. Il découvre que le village vit dans le péché et décide de rester pour les évangéliser. Il fait construire un temple et pour attirer les fidèles, il propose des spectacles de lévitation. Le secret de sa lévitation repose sur une intense consommation de chocolat. Du coup, je suis pris d’une furieuse envie de manger du chocolat… Je n’en ai pas acheté. Tant pis ! Je mets en branle mon club sandwich, poulet, salade, fromage à raclette et sauce BBQ entre deux tranches de pain complet grillées. Je me sers un verre de Saint-Estèphe. Cet après-midi, je ramènerai les bestioles en essayant de raser les murs. Ensuite, il n’y aura plus qu’à attendre l’appel de la belle Gaëlle…
Il y a maintenant cinq jours que j’ai ramené les bestioles à leur propriétaire. J’avoue que je préfère les savoir au vivarium que dans la valise sous mon lit. Je me suis installé dans ce taudis. Bien sûr, je pourrais attendre n’importe où qu’on me contacte. Après tout, ils ont mon numéro de portable, mais il me semble que, pour ma couverture, je dois rester dans ce studio, une intuition, et puis, j’avais envie d’une petite retraite pour faire le point. J’ai terminé Cent ans de Solitude et commencé un polar qui ne vaut pas tripette. Je suis sorti chaque jour me promener dans le quartier. Ces tours sont vraiment hideuses mais une demi-heure de marche suffit pour se retrouver dans un grand parc. Il fait beau.
Cet après-midi, j’ai eu le sentiment très net qu’on m’observait. Avant-hier, j’avais déjà eu cette sensation. Sans doute ma parano. Ce n’est pas si facile de vivre cette vie de reclus. Le changement est radical, du bruit au silence, de la foule des relations à mon vide intérieur. N’empêche, je suis content d’avoir pris cette mission. J’ai eu un peu de peine avec les bestioles au début, les serpents surtout. C’est très impressionnant de manipuler ce corps froid qui se tortille en puissantes ondulations, il y faut du calme, des gestes précis, surmonter sa trouille.
J’arrive sur mon banc. Hé oui, à peine quelques jours et je me suis déjà approprié ce banc. Etonnant de voir à quelle vitesse on se crée des habitudes. C’est mon banc. J’ai hésité à acheter un autre bouquin puis, j’ai décidé de reprendre Cents ans de Solitude. Je veux comprendre la généalogie de cette famille et tenter d’éclaircir le mystère de ce roman foisonnant. J’étais fait pour la littérature, pas pour la police.
C’est vrai que j’ai surpris tout le monde en me proposant pour cette mission. Il y a longtemps que j’avais envie de revenir sur le terrain. Quand j’étais jeune flic, il n’y avait rien qui m’énervait plus que de voir ces grands pontes qui avaient perdu le contact avec le vrai boulot. Depuis, j’ai pris du galon, je suis devenu un petit ponte. Je fais de la paperasse et j’ai des activités mondaines. Quand la police bolivienne nous a donné des éléments au sujet de Julius Patinaud, je me suis dit qu’il y avait un coup à tenter pour infiltrer cette filière de trafic animalier. Au fur et à mesure que le projet mûrissait, je me suis convaincu que c’était ma chance de revenir sur le terrain.
Ça n’a pas été facile de convaincre ma hiérarchie et encore moins mes subordonnés et puis il y avait le maniement des bestioles et la trouille. Finalement, ça valait le coup. J’avais besoin de faire un break, de réfléchir. Ma vie est vide. Ma vie s’est vidée. Bientôt quarante ans, divorcé, pas d’enfant, trop de femmes et pas de femmes. Je voulais faire le point. Alors une petite méditation sur un banc ne peut pas faire de mal.
Classique, ma méditation est interrompue par une sonnerie. C’est l’appel attendu de Gaëlle. Elle a mis le temps. Elle prend de mes nouvelles et me propose un rendez-vous. Demain matin ? Est-ce que j’aurai mes animaux ? Je réponds que c’est possible mais est-ce bien nécessaire ? Indispensable me dit-elle, les mêmes animaux, exactement. Elle me prévient que j’aurais de la visite à 10 heures précises. Un homme. C’est parfait. A demain.
J’hésite à passer chercher mes bestioles tout de suite. Non, je les prendrai demain matin. Je préviens le préparateur qui me dit qu’il fera son possible pour neuf heures. Je serai au vivarium à neuf heures et je ne compte pas attendre. Je rentre par le chemin des écoliers en passant à l’épicerie. Peut-être ma dernière soirée tranquille. J’achète du chocolat et des raviolis frais au brocciu. Raviolis à la crème et Côtes du Rhône au menu.
Lever de bonne heure. Huit heures et quart, je sors. Cette fois, j’en suis sûr, on me suit. Je sème mes poursuivants, passe au vivarium et je reviens avec ma valise spéciale. A dix heures pile on sonne. Un grand moustachu qui dit « C’est moi. ». C’est donc lui. Autant Gaëlle était accorte autant celui-ci est patibulaire. Visage blafard taillé en coin et barré par une moustache épaisse, il est tel que j’imagine le colonel Aureliano Buendia. Il m’annonce qu’il est venu pour organiser les livraisons. Il me donne une longue liste d’animaux mais avant tout, il veut voir les échantillons. Il est dingue de serpents, paraît-il. Gaëlle lui a mis l’eau à la bouche avec mon manba vert et surtout le corail albinos. Il n’en a jamais vu. On parlera de la commande plus tard.
Je ressors donc la valise de sous le lit et l’ouvre avec mille précautions. J’attrape le manba derrière la tête. On dirait qu’il a grandi depuis l’autre jour. Il tortille nerveusement sa queue émeraude. A sa vue Gaëlle avait reculé, le colonel s’approche. Il a dans l’œil une flamme. Il attrape le manba par la queue… Quel con ! J’ai failli lâcher la bestiole. Il me demande de lui passer l’animal. Je résiste. Il veut me le prendre des mains et, soudain, cet imbécile se fait mordre ! Il veut que je le conduise à l’hôpital. Il a l’habitude. L’an dernier c’était une vipère de Russell. Sa voix se fait pâteuse... Il s’évanouit…
« Vous savez, on ne s’habitue pas aux morsures de serpents. La mithridatisation, c’est des conneries. La première morsure avait sans doute laissé des traces sur son métabolisme… Et on n’avait pas de sérum pour le manba vert… Du moins, il est arrivé bien trop tard. » C’est ce que me dit, trois jours plus tard, un spécialiste des venins. Le colonel moustachu n’a pas repris connaissance. « C’est sa seconde morsure en quelques mois, le cerveau est atteint. S’il se réveille, ce sera un légume. »
Je ne vais pas verser de larmes, mais ce n’est quand même pas de chance… Il va falloir que je trouve un autre contact… Ils vont se méfier.
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17/06/2012
Bestial Business 3
Lisez les deux épisodes précédents...
Est-ce qu’elle souhaite aussi voir mes araignées ? Elle hésite. Je sors un couple de mygales velues deux fois plus grosses que la tortue. Visiblement, elle n’aime pas les araignées. Elle recule au fond de la pièce et me demande de fermer la valise. Je la sens tendue mais, elle reprend vite ses esprits. Elle me remercie pour cette belle démonstration de spécimens, mais elle n’est pas là pour ça. Ah bon, je croyais.
Je lui explique que j’ai l’intention de reprendre le business de Julius, qu’il me faut beaucoup d’argent pour faire libérer mon oncle. Par chance, il m’a laissé tous ses contacts sur les cinq continents. Ces reptiles et ces araignées ne sont qu’une mise en bouche. Je peux, si c’est ce qu’on souhaite, lui procurer un éléphant ou un hippopotame. Cependant, il serait plus facile de se contenter de NAC ordinaires, des nouveaux animaux de compagnie de taille plus modeste. Disons, boas, pythons, iguanes, scorpions, moufettes, marmottes, mygales… Faites votre marché, chère Gaëlle ! Communs ou rares, autorisés ou interdits… Question de délais et de prix. Pour certains, si nécessaire, je peux même procurer des permis, disons, quasi légaux.
Je crois que la belle s’attendait à autre chose. Elle me pose sans conviction quelques questions un peu indiscrètes sur mes sources, je botte en touche. Elle sait qu’elle ne doit pas me poser ce genre de question… Essayé, pas pu ! Elle revient sur mes conditions de vie dans cette cité. Je lui explique à nouveau que c’était ici que Julius s’était installé, que c’est un endroit favorable pour passer inaperçu, les flics n’osent plus venir par ici. Trop dangereux ! J’y suis donc incognito.
Elle m’explique que, finalement, elle est venue pour un premier contact, qu’elle doit en référer à ses amis, que j’aurai sans doute des nouvelles bientôt. Pourtant, elle avait parlé de commande. Je suis déçu. Elle enfile ses gants, je l’aide à remettre son soyeux manteau de fourrure. Elle me fait un grand sourire. Si l’on n’était pas en affaire, j’aurais tenté ma chance… J’ai repéré un petit restau en frontière de ces immeubles et je déteste manger seul quand le restaurant est bon.
Du coup, je vais me préparer un petit encas pour midi puis je me replongerai dans Cents ans de solitude. Le loueur avait parlé d’un grille-pain parmi les avantages mirobolants de ce studio meublé. L’engin est bien là sur le plan de travail défoncé. Il n’est pas tout neuf. Marchera, marchera pas ? Je l’essaye à vide. Le ressort arrache un bruit aigu de ferraille fatiguée… Il a l’air de chauffer. Très bien, je vais pouvoir me faire un club-sandwich.
Le père Nicanor Reyna arrive à Macondo pour célébrer le mariage entre Aureliano Buendia et Remedios Moscote. Il découvre que le village vit dans le péché et décide de rester pour les évangéliser. Il fait construire un temple et pour attirer les fidèles, il propose des spectacles de lévitation. Le secret de sa lévitation repose sur une intense consommation de chocolat. Du coup, je suis pris d’une furieuse envie de manger du chocolat… Je n’en ai pas acheté. Tant pis ! Je mets en branle mon club sandwich, poulet, salade, fromage à raclette et sauce BBQ entre deux tranches de pain complet grillées. Je me sers un verre de Saint-Estèphe. Cet après-midi, je ramènerai les bestioles en essayant de raser les murs. Ensuite, il n’y aura plus qu’à attendre l’appel de la belle Gaëlle…
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16/06/2012
Bestial Business 2
Lisez d'abord l'épisode 1
Ma visiteuse a une trentaine d’années. Brune, élancée, avec ses talons elle est aussi grande que moi. Une poitrine avantageuse. Une belle cambrure de reins. Elle se fait appeler Gaëlle Petros. Elle veut bien voir mes échantillons mais d’abord, elle a quelques questions à me poser. Je suis archi-prêt. Je pourrais faire les questions et les réponses du tac au tac :
Pourquoi ne me suis-je pas manifester plus tôt ?
Eh bien ! Depuis que mon cousin Julius s’est fait alpaguer par l’armée bolivienne, j’ai eu la trouille et je me suis planqué.
Depuis quand j’habite ici ?
Depuis que Julius m’a trouvé ce petit studio tout près du sien.
Quel travail je faisais pour Julius ?
Uniquement des petits boulots, toujours en France. Mais j’étais au courant de ses petits arrangements au cas où… J’ai son carnet d’adresses. C’est pour ça que j’ai repris contact pour écouler de la marchandise.
Est-ce que j’ai approché d’autres acheteurs ?
Non. J’ai suivi à la lettre les instructions de Julius.
Je crois que j’ai passé le test. La belle Gaëlle semble satisfaite. Néanmoins, je dois rester sur mes gardes. Elle veut voir les échantillons et si possible passer commande. Les choses se déroulent comme prévu.
Je sors la valise de sous le lit et l’ouvre avec une extrême prudence en gardant la belle dans le coin de mon œil gauche. Elle semble inquiète. Elle ne se doute probablement pas de ce que j’ai amené avec moi. Cette valise est un vivarium super bien organisé. A l’intérieur, trois sortes de serpents, des tortues et quelques araignées. Que des espèces rares. Des tortues de Muhlenberg, minuscules et si sympathiques. J’en mets une dans la main de la belle. La main est petite et fine mais la tortue miniature tient au creux de la paume. Elle a un instant d’hésitation puis elle retire son masque et esquisse un sourire.
J’ai prudemment refermé la valise. La suite sera plus rude. Dans un autre compartiment, il y a trois petites bombes : une vipère heurtante, un manba vert et un serpent corail albinos. Trois juvéniles, entre trente et quarante centimètres, tous trois redoutables et magnifiques. Je prends le corail avec précaution derrière la tête. La belle Gaëlle me dit qu’on dirait un collier. Il est très beau en effet. Je lui déconseille néanmoins de le mettre autour du cou. Elle recule. Je le remets dans sa boite et sors le manba. Magnifique serpent d’un beau vert métallique que Gaëlle regarde avec méfiance. La vipère heurtante semble fade, à comparer. J’explique que c’est sans doute elle qui est responsable du plus grand nombre de morts par morsure dans les champs africains. Je remets la vipère en place.
Est-ce qu’elle souhaite aussi voir mes araignées ? Elle hésite. Je sors un couple de mygales velues deux fois plus grosses que la tortue. Visiblement, elle n’aime pas les araignées. Elle recule au fond de la pièce et me demande de fermer la valise. Je la sens tendue mais, elle reprend vite ses esprits. Elle me remercie pour cette belle démonstration de spécimens, mais elle n’est pas là pour ça. Ah bon, je croyais.
19:46 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
15/06/2012
Bestial business 1
Une petite nouvelle pour attendre les vacances… quatre épisodes, un chaque deux jours... à lire à rebrousse poil sur le blog.
Bestial Business
Une veste en cuir achetée d’occasion, un vieux pull informe, une casquette de base-ball, un jean deux tailles de trop et troué aux genoux, de vieilles pompes qui n’ont jamais vu de cirage, pas rasé de trois jours, cheveux longs, poil hirsute, c’est mon nouveau look. Si vous m’avez rencontré dans une vie antérieure, vous ne pouvez pas me reconnaître.
Peu probable que mes amis viennent traîner leur costard-cravate dans ce coin de la ville. Hier je peaufinais le cuir de mes escarpins en veau retourné, ce matin, j’ai éculé les talons de mes groles, déjà bien entamés… Le sens du détail. Bon, assez de vantardises. Je ne suis pas venu habiter cette barre d’HLM pour mon plaisir. D’ailleurs ce ne sont pas des HLM. Ici, c’est de l’immeuble de rendement : maxi spéculation, délabrement et punaises de lit. 600 euros pour un studio pourri de 25 mètres carrés, loué par un bailleur écorcheur de la peau des poux.
Je ne suis pas là non plus pour jouer les sociologues ni les redresseurs de tort. Je suis là pour les bestioles. Je vais dormir ici ce soir comme si j’y avais passé toute ma vie. J’ai posé mes deux valises, vidé la première en rangeant mes vêtements dans l’armoire, planqué la seconde en sécurité sous le lit. Ensuite j’ai fait le lit au carré. Je me prépare un petit frichti sympa. Ma recette de Spaghetti à la carbonara à laquelle j’ajoute un oignon et une pointe de muscade. Par dessus deux verres de Saint-Estèphe. Après le repas, je relirai quelques pages de Cents Ans de Solitude avant de m’endormir. Demain, ce sera la rencontre décisive. Quelqu’un devrait sonner à neuf heures à ma nouvelle adresse.
Lever sept heures vingt. Deux tartines beurre et confiture, un grand café noir. Je débarrasse la table et me replonge dans la Solitude ; la pluie tombe sur Macondo depuis quatre ans, onze mois et deux jours ; La vieille Ursula attend la fin du déluge pour mourir. Neuf heures et quart, personne… Neuf heures vingt-cinq, on sonne. D’après les échanges par Internet, j’avais deviné que ce serait une femme mais je ne m’attendais pas à une telle beauté. Elle est telle que j’imagine Remedios la belle, la petite fille d’Ursula qui fait mourir tous les hommes qui tentent de la conquérir et qui restera vierge avant de monter directement au ciel. Belle, naïve et… vénéneuse sans le vouloir.
Ma visiteuse a une trentaine d’années. Brune, élancée, avec ses talons elle est aussi grande que moi. Une poitrine avantageuse. Une belle cambrure de reins. Elle se fait appeler Gaëlle Petros. Elle veut bien voir mes échantillons mais d’abord, elle a quelques questions à me poser. Je suis archi-prêt. Je pourrais faire les questions et les réponses du tac au tac :
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