25/11/2012
Arbres
Je suis enfin venu à bout du dernier de mes résineux. Il y aura bientôt trente ans que m’a pris cette frénésie de planter. Il faut bien dire que j’étais en âge de planter contrairement à l’octogénaire de la fable (passe encore de bâtir mais planter à cet âge). Eh bien, après avoir bâti, je plantais, oubliant que mon terrain était bien en dessous de l’hectare nécessaire à toute plantation un peu systématique.
Je plantais tant et plus. Si bien que quelques années plus tard, notre maison se retrouva au milieu de la jungle. En fait, décomptée la maison et le reste, le terrain disponible doit mesurer moins de 600 m2.
C’est joli la jungle mais c’est dangereux. On peut prendre un arbre sur la tête ou au moins des graines, certaines en forme de cône, d’autres, les pires, en forme de poussières jaunâtres. Ce serait me dit-on des milliards de générateurs de gamètes de taille micrométrique, des zillions* de fécondants mâles, des immensités infinies de cèdres du Liban en puissance, qui collent sur les dalles et jaunissent le rouge métallisé de la plus belle des voitures.
Donc, je me suis mis à couper, couper, couper… J’ai bûcheronné et brûlé le bois de ma mini propriété. Un rendement digne des meilleurs forestiers. A dire vrai, au début, je déplaçais les arbres. C’est assez rigolo le concept d’arbre nomade. Sauf exception, cela ne fait pas des spécimens très costauds mais remarquez que, dans mon cas, c'était plutôt un avantage. Mais, vint le temps où le nomadisme ne fut plus possible, l’espace manquait, les outils aussi.
Donc, j’ai commencé à couper : un saule tortueux trop avide de canalisations voisines, un pin de l’Himalaya, un bouleau, un mélèze, un pin maritime qui lui avait pourtant profité de son nomadisme, deux autres mélèzes nomades un peu rachetos mais dont la souche est encore inamovible quinze ans plus tard, un cèdre magnifique (du moins aurait pu être… sur un hectare !) et, enfin, le dernier pin maritime dont je craignais qu’il n’écrase un jour, la maison.
J’en oublie, comme ce boulot que j’ai dû couper l’autre jour, ce lilas qui avait séché, ce tulipier des plus prometteurs, ce poirier et ce pêcher faiblards et stériles, cet abricotier fatigué, un petite haie de thuyas (une douzaine) près de la térasse, ces saletés de pyracanthas piquants et toutes ces branches de cotonéasters, de fusains, de viorne boules de neige, de viburnum viburnum, de laurier-tin, ces terribles chèvres-feuilles odorants amenés par les oiseaux, et les arbustes dont j’ai oublié le nom qui n'avaient pas assez de soleil ou qui enquiquinaient le voisinage. Eh oui, en plus, j’ai des voisins, plutôt tolérants, je dois dire.
[photo cri.ch] Il en reste encore, je vous assure, des arbustes mais aussi deux beaux prunus, un laurier-tin, un arbre de Judée (comme Brassens**), un magnolia aux fleurs mauves pas très dynamique, des cotonéasters, un viburnum rythidophillum, deux lilas, un magnifique cerisier et sa balançoire, un très beau et robuste érable pourpre, un mignon petit érable japonais, un liquidambar, un arbre à perruques, deux pommiers, des mahonias, un sorbier des oiseaux de belle taille, une boule de buis, une boule de laurier, trois fortitias, deux noisetiers, un prunier, le dernier boulot, un acacia frisia, le resepage (repousses) du tulipier, un cognassier à fleur, un truc très piquant aux fleurs jaunes, un cerisier du Japon très beau au printemps, une boule de troène et une d’élaéagnus, liste non exhaustive… Bref, de quoi se chauffer pour les prochains hivers.
Vous devez penser que, soit j’en rajoute, soit je suis fou, hé bien c’est la deuxième hypothèse qui est la bonne.
* En anglais le zillion est un chiffre peu dénombrable qui vient après trillion, quadrillion, quintillion… Multitude, ribambelle, tripotée, floppée, chiée, ne rendent pas totalement l'idée...
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