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29/07/2005

Minuscule

La règle veut que l’on mettre une majuscule à Dieu. Comme je n’aime pas les règles et que je ne crois pas en Dieu, je suis tenté d’y mettre une minuscule mais alors, le lecteur se dit : « Tiens, c’est un familier de dieu ! » et je ne souhaite pas que l’on me croit proche de quelqu’un qui au mieux n’existe pas et au pire est un méchant démiurge.

(Photo: Dieu nous parle)

 

18:50 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Ecriture |

28/07/2005

Internet Romance -6-

Nicolas ne s’était pas dégonflé. Il avait fait Grenoble-Boston et retour pour assister à un spectacle d’amateurs. Et moi qui le décris comme résistant aux changements ! Il avait pris sur le pouce une décision qui allait lui coûter un mois de salaire. Contradiction ? Pas vraiment. C’est tout Nico : un homme d’habitudes doublé d’un homme de tête, de coups de tête. La décision prise, il pouvait devenir obstiné, borné… Il n’allait tout de même pas se déballonner, il ne s’agissait que de quelques jours de congé et d’un simple billet d’avion…
Julia et Nicolas avaient convenu par e-mail que ce dernier arriverait avec un petit ballon rouge à la main. On imagine la salle de la générale, les spectateurs, la famille, les copains venus en avance pour soutenir, dans cette épreuve leurs acteurs  tous très heureux et excités. La tension monte. Le trac s’empare des amis autant que des comédiens. Ces derniers donnent aux responsables de la caisse les dernières consignes pour leur famille ou leur petit ami, petite amie… C’est au milieu de tout ce beau monde très bostonien, un poil guindé, que débarque notre Nico avec son petit ballon rouge. La vieille dame mi-gênée mi-amusée vient lui faire la bise, c’est Julia cachée sous une perruque blanche. Je ne résiste pas au plaisir de citer un extrait du très long compte rendu qu’en avait fait Nicolas, dans French, de retour de Boston. On retrouve toute la verve, tout l’excès dont il peut faire preuve dans les grands moments d’exaltation :
« (…) Acteurs et chanteurs sont tous magnifiques. Pour beaucoup on croirait avoir affaire à des professionnels Les enfants débordent de vitalité. Les adultes juifs s’organisent, parfois avec les moyens du bord. La chorégraphie est belle et  précise, les voix sont bien plus que des voix Toutes les tessitures sont au rendez-vous (…) A ajouter : la musicalité de l'orchestre amateur, l’encadrement d’un professionnel, une mise en scène toute de goût et de justesse, une qualité artistique digne du meilleur Broadway, des décors alpestres fabuleux, une reconstitution de ce couvent, un couvent presque mystique, une direction d'acteurs hors pair (…) » Signé « Tonton Nico ».
Cette folie, ce panache dans ce petit texte, c’est tout lui. Pour compléter le tableau, on peut ajouter qu’il est plutôt petit, maigre, presque malingre, avec une barbe en collier très étroit. Toujours surexcité, hypernerveux, sous pression constante. Son enfance expliquait bien des choses.
S’il avait parlé de Julia actrice, il n’avait rien dit de la femme. Par French, nous savions qu’elle était divorcée, qu’elle avait des enfants, ce n’était pas ce qui pouvait arrêter tonton Nico. Entre les lignes, j’avais cru comprendre que Julia était un peu boulotte, pas trop sexy. Donc, sortie discrète de Julia et de Delphine côté cour, entrée très remarquée de Mary-Ann côté jardin. La belle Mary-Ann !

19:00 Publié dans Internet Romance | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Ecriture |

Internet Romance -5-

L’affaire n’était pas faite. Si Nicolas avait remarqué Mary-Ann dans French, il avait aussi noté Julia à Boston, Anna à Munich, Françoise à Paris, Paola à Milan et d’autres encore. Toute la force de l’imaginaire, la puissance des mots ! Et puis, il y avait Delphine.
La chance aurait pu donner un coup de pouce immédiat et nous faire gagner quelques mois. Nicolas partait pour l’Australie. Il allait accompagner Delphine, qui, elle-même, suivait sa mère, mère qui partait courir le marathon de Melbourne, catégorie vétéran. Delphine c’était son amie du moment, sa confidente peut-être, certainement une relation bizarre, probablement platonique. A la troisième bière, il m’avait avoué : « Entre Delphine et moi, c’est fini mais le voyage était arrangé de longue date. Tu sais que j’aime bien Laure, la maman de Delphine. Alors je vais aller à Melbourne. J’en profiterais pour voir Mary-Ann. »
- Tu vois Sylvie, c’est un homme à femmes le Nico !
- Justement. C’est bien la preuve, Il est homo, je te dis. Pédé comme un phoque !
Avant Mary-Ann, il y a eu Julia, une autre French-noteuse mélomane, qui avait su retenir toute son attention. La personnalité éclatante et les aventures de Mary-Ann ont tellement obscurci l’épisode de Julia que, pour en retrouver les détails, j’ai du relire French en entier. Par chance, j’en ai fait une copie avant que le forum ne meure. Je suis donc l’heureux propriétaire de neuf ans de discussion. Je l’ai sur mon l’ordinateur, celui de la maison, celui sur lequel j’écris aujourd’hui. Tous les textes, toutes les notes sont là, accessibles d’un clic de souris.
Donc, Nicolas avait décidé d’aller voir Julia à Boston. C’était avant qu’il n’inaugure sa fameuse note « En avant la musique. » La note et ses deux cent et quelque réponses, dont quatre-vingt de Nico, la plupart en réponse à sa chère Mary-Ann.
Julia était une french-noteuse américaine, passionnée de théâtre et de musique. Elle avait ouvert le sujet intitulé : « Comédies musicales. » Un débat peu suivi, sauf par Nicolas. En banlieue de Boston, elle montait, avec sa troupe d'amateur, la comédie du bonheur. Elle annonçait les dates des représentations, invitait les french-noteurs à venir et signait Julia l'amer-loque. Nicolas, tout excité, m’avait proposé de me rendre avec lui à Boston. J’étais amusé. Je ne savais pas trop de quel prétexte justifier mon refus. Il avait proposé à d’autres membres de l’équipe de l’accompagner. Le sujet avait provoqué des débats, ira, ira pas, et de franches rigolades à la cafeteria.


00:31 Publié dans Internet Romance | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ecriture |

26/07/2005

Internet Romance -4-

Totalement séduit par French, Nicolas est très vite entré dans le vif des débats. Quelques jours plus tard, il connaissait, mieux que moi, tous les protagonistes. Il avait repéré les amateurs de musique, déploré le faible niveau général en mathématique et en physique. Il me prenait à partie sans cesse comme si j’étais le grand modérateur, le démiurge responsable de la marche de French. Puis, parmi tous les participants, il a vite remarqué Mary-Ann, sans doute à cause de leur goût commun pour la musique classique. Et pour une autre raison…
Nicolas et son rapport aux filles, un sujet complexe. Peu de solution dans l’espace réel. Il y fallait French et son potentiel d’imaginaire. Malgré ses presque quarante ans, Nico est resté un grand adolescent immature. Avec les femmes, il perd tous ses moyens, il devient tout miel, gentil, obséquieux. Dans notre groupe de Divas, Nicolas était un bon sujet de conversation. Nous étions rompus aux hypothèses les plus hardies sur sa sexualité. Il y avait la théorie de Vincent, mon bras droit, qui prétendait que Nico était impuissant. Sylvie, la belle Sylvie, notre pin-up, affirmait : « C’est un homo, j’en suis certaine, un homo caché. Le genre qui n’ose même pas se l’avouer à lui-même. C’est enfoui, très profond, ça vient de l’enfance… C’est typique ces manières là. Typique, je te dis ! » Sylvie est une langue de vipère mais ses arguments étaient convaincants. Je pensais à Pierre, un très bon ami de Belle-île, notoirement homo. C’est vrai qu’avec les femmes, ils avaient des traits de comportement communs. Des manières, comme disait Sylvie.
Homo ou pas, Nico cherchait une femme à tout prix. Après deux ou trois bières, il confiait que, s’il ne trouvait pas l’âme sœur très prochainement sa vie serait ratée. Pendant ce temps, en Australie, à Sydney, une petite fille de trente ans, Mary-Ann, trouvait sa vie bien triste, elle voulait un enfant, des enfants. Trente ans, pour elle c’était la limite, si elle ne trouvais pas un homme pour satisfaire son projet, sa vie était ratée. Ces deux vies que Mary-Ann et Nicolas croyaient bientôt ratées, c’est l’histoire d’Internet Romance. Entre ces deux âmes esseulées French allait devenir un trait d’union.

20:49 Publié dans Internet Romance | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Ecriture |

25/07/2005

Internet Romance -3-

Il faut que je vous présente French. French était un forum électronique, un lieu d’échange sur Internet, aujourd’hui on dit un Blog. Un blog de la préhistoire si j’ose parler ainsi d’un outil qui, bien que déjà mort, n’a pas encore dix ans d’âge. Contrairement à beaucoup de forums actuels sur Internet celui-ci était réservé aux employés de TKN.  Total Knowledge Network, la grande multinationale des ordinateurs et du savoir, notre cher employeur. C’est moi qui ai fait connaître French à Nicolas. Ma passion du français m’avait fait découvrir cet espace virtuel, ce lieu d’échange des amoureux de notre langue, pour la plupart étrangers qui s’enorgueillissaient de la parler plus ou moins bien et quelques expatriés qui se languissaient de ne plus l’écrire.
A l’époque, j’avais lancé divers sujet : une discussion sur les patois et dialectes avait fait rage pendant plusieurs semaines. Un débat sur l’intérêt d’apprendre encore le grec et le latin au succès modéré… Quand j’ai parlé de French à Nicolas, il n’a pas percuté tout de suite. Il a fallu que je mentionne le débat sur Ludwig, son cher Ludwig. Je ne me souviens plus très bien de quoi il s’agissait. Qu’importe. Il était question de Beethoven, de son idole Beethoven. Doucement, avec French et Ludwig von, j’avais mis le doigt de Nicolas dans un engrenage qui risquait bien de changer son destin.

On pense que le monde cybernétique rend les rapports humains impersonnels, c'est faux ! Dans French, l'anonymat ne cachait pas longtemps la personnalité des auteurs. Les rapports entre les sexes surgissaient à chaque note. La curiosité, le désir, les fantasmes étaient exacerbés par le mystère que cache une signature. On sait combien, au bout du fil, une voix peut dégager de charme, alimenter de mirages sensuels. Avec l'écriture, c'est encore plus fort. Des mots bien choisis, un style simple et direct, l’émotion gagne, l'imagination vagabonde, le vêtement ne cache plus il suggère, la bretelle glisse, l’épaule apparaît, l'érotisme s'insinue.

Nicolas est intelligent, il le sait, il en est fier. Pourtant, il ne peut aborder les choses que dans l’ordre, son ordre à lui. Tout mouvement brusque le braque. Une dose de psychorigidité est un trait commun à pas mal de surdoués. Au début, cela énerve, puis, le postulat admis, la relation s’améliore. Nicolas refuse a priori d’entrer dans une matière nouvelle, difficile de le convaincre, il fait de la résistance. Je ruse, je le flatte, je lui parle de son intelligence, de l’originalité du sujet, de la nouveauté de la démarche. Parfois, c’est le miracle. La question retient son attention, mine de rien, il sort de son univers et soudain il montre une énorme soif de savoir, une boulimie de connaissance. En deux jours il apprivoise le sujet, en deux semaines le voilà spécialiste et un peu plus tard, il est déjà expert. C’est ce qui est arrivé pour French. Il a pris la lecture à la note numéro une et il a lu toutes les réponses. Il est passé au numéro deux, puis aux réponses, et ainsi de suite jusqu’à la derniere note en date.

19:33 Publié dans Internet Romance | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Ecriture |

Internet Romance -2-

A l’époque, je dirigeais une équipe… plus exactement, un groupe de consultants ou de chercheurs. Diriger, n’est d’ailleurs pas le mot exact. Pour utiliser un terme à la mode, on pourrait dire coacher comme au foot. Grosses têtes contre gros mollets, l’analogie est assez juste. Ils étaient tous mieux payés que moi. Tous plus doués pour jongler avec les algorithmes. C’était une belle bande de divas. Huit hommes, deux femmes... avec elles c’était plus facile. Chacun cultivait jalousement son registre et sa tessiture. Prises une à une, les voix étaient belles. L’ensemble tournait à la cacophonie. Ma tâche consistait à mettre un peu d’harmonie dans l’orchestre.
J’avais accepté, sans conviction, de jouer les barreurs de cette grande galère… Notre navire s’appelait MS -Management Science. Notre raison d’être : trouver des outils scientifiques pour améliorer les méthodes de gestion de nos dirigeants. Gestion qu’ils jugeaient eux-mêmes trop floue, trop intuitive, trop humaine en somme. Nous cherchions donc un supplément de rigueur… Nous le cherchions en toute fantaisie…
Je les aimais bien, mes petits protégés, Nicolas y compris. Encore qu’au début, je le trouvais un brin fourbe, dissimulé, mesquin. Puis, je l’ai mieux connu. Nous avions l’habitude de prendre un pot après le travail au Trianon. Bien des bières plus tard, j’ai compris pourquoi Nico était si méfiant. Nous sommes devenus de bons camarades, presque des amis. Son idylle avec Mary-Ann nous a rapprochés. Cette histoire d’amour me l’a rendu très sympathique, à moi et à d’autres aussi, l’amour ne fait pas craquer que les midinettes. Il arrive que les tyrans sanguinaires y perdent de leur superbe. Néron ne voulait-il pas à tout prix couronner Poppée ?

 

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24/07/2005

Internet Romance - 1 -

 

C’est plus fort que moi, j’attire les originaux. Ils me respirent à des kilomètres. Enfant déjà, je cumulais les extravagants, les voleurs de billes, tous les vilains petits canards de ma classe… et aussi les élèves modèles, les complexés, les boutonneux… Ils voulaient tous devenir mes potes.

J’ai des copains maires, préfets, chefs d’entreprise mais je suis fier d’être resté l’ami des traîne-savates, des révolutionnaires, des artistes. Il m’arrive de rendre service aux uns en questionnant les autres. C’est mon bon profil : attrape-tout de la relation insolite, archétype du bon copain… Ceux qui me connaissent, pourtant, le savent bien : je suis un modèle de normalité. Difficile d’avoir des goûts plus moyens, plus ordinaires que les miens.

Dans ma collection d’originaux, Nicolas occupe la meilleure place. La photo sur la page de garde de mon album… Au moment des faits que je me propose de condenser une dernière fois ici, Nicolas passait par une sorte d’apogée. Je ne crois pas que Nicolas, le rigoureux, aimerait cette métaphore. Il en critiquerait l’à-peu-près, le manque de précision mathématique. Sa musique, ses mathématiques ! Sa Mathématique comme il aimait qu’on l’écrive. « Musique et Mathématique sont les deux mamelles de tonton Nicolas » disait-il, avec cet air mi-pédant, mi-cocasse, les lèvres en cul de poule. Comme la vie n’est jamais parfaite, il travaillait dans l’informatique. Un microcosme peu harmonieux et pas si logique que ça. C’est dans cet univers que nous nous sommes connus.

15:35 Publié dans Internet Romance | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Ecriture |