14/11/2014
Marie Heurtin
Gros succès au Rouge et Noir pour le dernier film de Jean-Pierre Améris « Marie Heurtin » en sortie nationale. Aujourd’hui, c’était la venue de la toute jeune Ariana Rivoire pour deux séances suivies d’échange avec l’actrice via deux interprètes pour le langage des signes. La communauté sourde des environs était venue en force de France et de Suisse. Tout le monde est ressorti enthousiasmé par le film.
Une histoire inspirée de faits réels qui se sont déroulés en France à la fin du 19ème siècle. Née sourde et aveugle, Marie Heurtin, âgée de 14 ans, est incapable de communiquer avec le reste du monde. Son père, modeste artisan, ne peut se résoudre à la faire interner dans un asile comme le lui conseille un médecin qui la juge « débile ».
En désespoir de cause, il se rend à l’institut de Larnay, près de Poitiers, où des religieuses prennent en charge des jeunes filles sourdes. Malgré le scepticisme de la Mère supérieure, une jeune religieuse, Sœur Marguerite, se fait fort de s’occuper du « petit animal sauvage » qu’est Marie et de tout faire pour la sortir de sa nuit...
Sœur Marguerite est superbement jouée par Isabelle Carré qui jouait déjà dans les émotifs anonymes le précédent film de Jean-Pierre Améris et qui joue aussi dans Respire, film à voir bientôt. Marie est donc joué par Ariana Rivoire, venue pour répondre à nos questions. Ariana est sourde mais pas aveugle et elle fait preuve d'un bel entrain quand elle parle du film. Un film plein de sensibilité et de poésie sous titré spécialement avec plusieurs couleurs à l'intention des personnes sourdes.
Après le film les spectateurs sourds et malentendants ont montré qu’ils pouvaient être aussi bavards sinon plus que les entendants. Ils ont signé très longtemps dans la salle des 400 coups pour finir une soirée bien sympathique. A noter que cette semaine le Rouge et Noir fête son 200'000 ième spectateur en sept ans. Pas mal pour un ciné à une seule salle.
17:47 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) |
11/11/2014
Commémoration
Ce n’est pas le 100ième anniversaire de la grande guerre, seulement la centième de sa déclaration. Une déclaration de guerre pour quatre ans de souffrance et des millions de morts, de vies brisées. Cérémonie à St Julien, comme dans toutes les communes de France. Plutôt de bonne tenue.
Avec les lettres de poilus dites par Josy et Jean, cela a duré une bonne heure. Le temps de la messe du dimanche que l’on trouvait bien longuette, il est vrai.
Et partout, on en rajoute sur la patrie, sur le sacrifice de nos héroïques soldats et autres conneries. César parle de mythe, le mythe de la nation française… Sans doute.
Et on a donné des noms de rue à Foch, Joffre, Clemenceau et même pour ce boucher de Nivelle [image], généralissime et commandant en chef, qui a envoyé au casse-pipe tellement de jeunes hommes avant que Pétain ne prenne la relève comme chef boucher. A part Pétain, ils sont tous inhumés aux Invalides.
Parmi les huiles civiles ou militaires de l'époque, le seul qui s’en soit bien tiré, c’est Jaurès. Il a su se faire assassiner au bon moment pour éviter d’être complice de la boucherie. Car tout ces soi-disant grands hommes, de quelque pays qu’ils soient sont responsables de ce massacre absurde qu’en bonne logique humaniste ils auraient dû stopper C'est le problème, enkysté dans la démocratie, des élites incapables et qui finalement font le jeu des nationalismes féroces et des populistes. Le XXième siècle est plein d'exemples, celui-ci en prend bien le chemin.
Pour moi le 11 novembre, je suis encore le petit garçon que son grand-père emmenait avec lui au bistrot à Abondance le dimanche après la messe. Il était italien le grand père Laurent né Besso. Chaque semaine, avec André de Miolène et quelques autres poilus abondanciers rescapés de Verdun, ils refaisaient leur guerre dans une version édulcorée, pudeur oblige. Le 11 novembre, jour de gloire, ils allaient à leur banquet offert par la mairie, banquet où même le rital était accepté. Lui, il avait fait la guerre dans la Haut Adige avec crampons, cordes et piolets contre les autrichiens.
En souvenir de Besso, un bout de film de Francesco Rosi Uomini contro (1970) avec Gian Maria Volontè. La scene dans laquelle l’obtus général Leone (Alain Cuny) envoie à la mort des soldats revêtus d’absurdes cuirasses (le famoze corazze) et malgré l’échec de la manœuvre envoie le reste des soldats à l’attaque. Un film tiré du livre d’Emilio Lussu sur ce thème qui avait trouvé son apogée en 57 dans Les Sentiers de la Gloire.
À noter qu'avec 2 800 soldats fusillés pour mutinerie, abandon de poste, mutilation volontaire ou désertion, l'Italie détient le record de 14-18 (Grande Bretagne 1 800, France 2 500 condamnations dont 600 exécutées).
15:38 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (4) |
10/11/2014
Censure
Hier, je tombe sur une nouvelle qui n’est pas tout fait fraîche puisqu’elle date d’une année. Un juge a censuré un livre de Léon Bloy, publié il y a 121 ans, maintes fois réédité, « Le Salut par les Juifs. »
Ceci est arrivé suite à une plainte de la LICRA, ligue qui se veut contre le racisme mais qui semble bien plutôt être un lobby pro-israélien. La Licra avait porté plainte contre Soral qui s’est mis en tête de publier des écrits sur le sionisme et le judaïsme. Pour ce faire, il a créé une maison d’édition Kontre Kulture.
La démarche de Soral est un peu conne mais pourquoi demander la censure alors que le mépris suffirait largement.
Ce qui est réellement étonnant, c’est qu’un juge, en 2013, ait censuré un écrit vieux de plus d’un siècle et qui n’est pas vraiment antisémite, pire qui se défend de l’être. Un texte que l'on peut trouver sur le NET. J’ai donc parcouru Le salut par les juifs » en diagonale et j’y ai surtout trouvé une apologie du christianisme assez insupportable à lire.
Franz Kafka écrivait:
«Je connais, de Léon Bloy, un livre contre l'antisémitisme: Le Salut par les Juifs. Un chrétien y défend les Juifs comme on défend des parents pauvres. C'est très intéressant. Et puis, Bloy sait manier l'invective. Ce n'est pas banal. Il possède une flamme qui rappelle l'ardeur des prophètes. Que dis-je, il invective beaucoup mieux. Cela s'explique facilement, car sa flamme est alimentée par tout le fumier de l'époque moderne.»
Lire l'article défense de Léon Bloy par son arrière petit-fils Alexis Galpérine.
Bloy est considéré par certain comme un des plus grands écrivain français. J’essaye de me faire une opinion en lisant le désespéré (version Kindle gratuite sur Amazon) mais j’avoue que ce n’est pas facile de trouver des pépites dans un tel limon de christianisme mystique.
Soral a fait appel du jugement. Espérons que le jugement d'appel soit un peu plus... réfléchi.
Fin de la préface écrite par Bloy :
À part l’inspiration surnaturelle, on peut dire que le Salut par les Juifs est, sans aucun doute, le témoignage chrétien le plus énergique & le plus pressant en faveur de la Race Aînée, depuis l’onzième chapitre de saint Paul aux Romains.
« Si leur faute, dit cet apôtre, est la richesse du monde & leur diminution la richesse des nations, que sera-ce de leur plénitude ?
« Si leur perte est la réconciliation du monde, quelle sera leur assomption, sinon la vie d’entre les morts ? »
Le Salut par les Juifs, qu’on croirait une paraphrase de ce chapitre de saint Paul, fait observer, dès la première ligne, que le Sang qui fut versé sur la Croix pour la Rédemption du genre humain, de même que celui qui est versé invisiblement, chaque jour, dans le Calice du Sacrement de l’Autel, est naturellement & surnaturellement du sang juif, — l’immense fleuve du Sang Hébreu dont la source est en Abraham & l’embouchure aux Cinq Plaies du Christ.
Et c’est tout. Il n’y a plus rien à savoir. Le monde juif apercevra-t-il enfin ce livre qui l’honore au delà de toute espérance & qui ne lui a rien coûté ?
PS : Ah, comme j'aurais aimé parlé de ça avec l'ami Trystan en buvant un Spritz ! Il me manque énormément.
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09/11/2014
Le sel de la terre
Quand on découvre dans un film de Wim Wenders un photographe aussi fabuleux que Sebastiao Salgado, on se dit que l’on n’est pas si cultivé que l’on pensait. Ce film est un documentaire atypique sur la vie et l’œuvre du génial photographe brésilien. Beaucoup de ses plus belles photos en noir et blanc.
Le film commence par des photos incroyables de la mine brésilienne de Serra Pelada non loin de l’embouchure de l’Amazone. C’est une fourmilière dans laquelle grouille des chercheurs d’or, on parle de 100'000 personnes. Photos magnifiques comme toutes celles présentée dans le film. Puis, on passe en indonésie, sur la banquise… Salgado est allé partout. Pour la partie bio, on voit son père, paysan du Minas Gerais déploré l’aridité de sa terre qu’il a, semble-t-il, contribué à déboiser… Entretien entre son fils Juliano, coréalisateur du film avec Wim Wenders, et son grand-père…
Ensuite se succède des photos de l’Afrique, Sahel, Ethiopie, Ruanda… Des photos insoutenables que l’on a déjà vu et qui sont aussi belles qu’atroces, ce qui a provoqué pas mal de polémiques sur la nécessité de les faire. Je me souviens des polémiques, pas de Salgado mais visiblement il était une des cibles.
Après cette série qui permet de douter que l’homme soit vraiment le sel de la terre*, ou encore de penser que ce sel a vraiment perdu de sa saveur, la dernière partie du film nous parle de l’idée de sa femme Lélia qui a voulu que le domaine familial que Salgado possède au Brésil, soir rendu à la nature en régénérant des terres épuisées par des années d'exploitation. Ils ont planté des milliers d'arbres et ont réussi en quelques années à recréer un lieu agréable à vivre en régénérant la forêt tropicale atlantique. Cette propriété a été donné à l’institut Terra pour en faire une opération pilote.
*Matthieu 5:1 « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la salera-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes »
12:03 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (5) |
05/11/2014
Suite géothermie
Une belle assistance pour le débat sur la géothermie du 30 octobre à St Julien en Genevois organisé par La Ville est à Vous et la MJC...
- Propos unanimes et plutôt rassurants sur la technologie (certes, y’a des risques mais on sait faire, on maîtrise…. Fonroche c’est pas des rigolos, ils ont déjà une bonne expérience en Allemagne, un projet en cours à Strasbourg… ils sont solides financièrement et on a la chance d’avoir une expérience pilote en France à Soulz sous forêts)
- Notre région a géologiquement du potentiel mais dur de l’évaluer tant qu’on n’a pas exploré -et on peut avoir des surprises vers le bas, ça s’est déjà vu...
- Vives critiques sur la manière de procéder avec une enquête en catimini et à l’arrache
Elle souhaite aussi des éclaircissements sur le projet industriel (production de chaleur pour qui, dans quelles conditions...) afin d’évaluer la pertinence de l’investissement à long terme et notamment de le confronter aux nuisances et risques potentiels ;
17:25 Publié dans St Julien | Lien permanent | Commentaires (3) |
l'intégrisme du marché
Petit retour sur l’œuvre de Karl Polanyi, La Grande Transformation. Le lien avec l’œuvre de Duboin est évidente.
L'idéal de Polanyi est celui d'un socialisme démocratique où les activités seraient soumises à une réglementation politique de la société conformément aux exigences de la « Liberté dans une société complexe ». Les marchés y auraient toute leur place pour les produits, mais non pour la détermination des revenus liés au travail ou à la terre; la prétendue autorégulation de l'économie de marché serait remplacée par une combinaison plus équilibrée de la redistribution, de la réciprocité et de l'échange.
Extrait de Wikipedia: « La Grande Transformation apparaît en somme comme la critique la plus radicale qui soit du capitalisme libéral. Encore faut-il préciser : ce n’est pas une critique de l’industrie, mais de l’idéologie, et la critique est radicale parce qu’objective, anthropologique. ». Polanyi ne reniait pas le recours au marché pour l’allocation de certains biens et services mais il condamnait l’élévation du « marché auto-régulateur » en principe dominant d’organisation de nos sociétés. « C’est à l’intégrisme de marché qu’il s’opposait véritablement »
Liberté et démocratie
La Liberté est une valeur première pour Karl Polanyi mais il reconnait que suivre uniquement cette logique jusqu’au bout amène «à l’absurde ou à l’intolérable », comme dans le cas du libéralisme économique. La défense invétérée de la liberté individuelle dans le cadre d’une société de marché génère de profondes inégalités, mais l’imposition de l’égalité par l’autorité politique mène à la suppression de la liberté. Ces deux modèles : libéralisme et communisme, ont remis en question la démocratie au cours du XXe s.
Dans La grande Transformation, Polanyi montre que la démocratie peut et doit se passer du capitalisme. En effet, le capitalisme généralisé s’oppose à la démocratie car il poursuit ses objectifs propres avant ceux du contrat social.
11:28 Publié dans Duboin | Lien permanent | Commentaires (0) |
04/11/2014
Karl Polanyi
Sur les conseils de Cyprien, j’ai regardé une partie des épisodes de la série qu’Arte a consacré au Capitalisme et j’ai découvert Karl Polanyi (photo) et son œuvre majeure sur le socialisme démocratique « La grand transformation. » Polanyi est mort en 1964, c’était un précurseur dans sa vision de l’économie et aussi un érudit de haut vol.
Du coup, j’ai pensé à Duboin et j’ai tenté de voir s’il y avait association entre les deux. Plusieurs sites mentionnent les deux noms sans liaisons particulières. J’ai trouvé sur l'excellent blog de Paul Jorion un article dû à Michel Loetscher intitulé « Aux sources du revenu d’existence pour tous » que je vous encourage vivement à lire. Il part de loin… et associe les deux hommes dans une large perspective sur le revenu d'existence.
Extraits :
Le 6 mai 1795, en des temps de grande détresse, les juges du Berkshire se réunissent à l’auberge du Pélican, à Speenhamland et décident d’accorder aux pauvres des compléments (subsidies in aid of wages) selon un barème indexé sur le prix du pain. Il s’agit de la reconnaissance d’un « droit de vivre » afin de garantir la survie des exclus et d’éviter la désagrégation de la société par l’octroi d’un revenu minimum, versé indépendamment de toute « activité productive »… Le gouvernement de Sa Majesté étend ce système en faisant voter la « loi Speenhamland » – avec l’arrière-pensée d’écarter le risque de contagion révolutionnaire qui a balayé la France…
Le système des allocations de Speenhamland revient en fait à utiliser des ressources publiques pour… subventionner les employeurs, prompts à embaucher les bénéficiaires d’un secours public auxquels ils pourraient verser un salaire bien inférieur au minimum vital – et à « faire baisser les salaires au-dessous du niveau de subsistance » comme l’analyse Karl Polanyi (1887-1964) : « Le système de Speenhamland était un fossé édifié pour la défense de l’organisation rurale traditionnelle, alors que la tourmente du changement balayait les campagnes, et faisait d’ailleurs de l’agriculture une industrie précaire » (1). Cette expérience de « salariat social » s’effondre à cause de son effet paradoxal : la généralisation de la pauvreté
(...)
Seul, Jacques Duboin en défend l’idée avec constance depuis l’entre-deux-guerres jusqu’aux « trente glorieuses ». Depuis Rareté et abondance (1944), l’évidence demeure : « Plus la production est scientifiquement organisée, moins elle distribue de revenus ». La question centrale est moins que jamais celle de la production que celle de sa répartition et de sa distribution.
17:57 Publié dans Au fil de la toile, Duboin | Lien permanent | Commentaires (0) |