21/05/2011
Sidération
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Anatomie d'un arrêt cardiorespiratoire (temporaire ?)
La toile bruisse de sidération. Une certaine affaire arrivée dans un Sofitel de New-York sidère les Français. La dernière utilisation de ce verbe date de PPDA se disant sidéré par les accusations de plagiat portées à son encontre.
Pourquoi avoir choisi sidéré plutôt que surpris, étonné, ébahi, affecté, abasourdi, troublé, bouleversé, médusé, stupéfié, interloqué, fasciné, estomaqué, hébété, ahuri, consterné, atterré, terrassé, abruti, affligé, foudroyé, accablé, attristé, abattu, démoralisé… Un problème d’étoiles sans doute.
Il est clair que l’événement va changer le cours de l’histoire, pas besoin de lire dans les astres pour le comprendre. Retour à une politique plus droitière au FMI, candidature plus à gauche au PS… Si on croit que les hommes changent l’histoire, on peut penser que ce coup va influencer notre destin.
Cela tombe bien car sidéré comme sidéral nous vient des étoiles. Du latin siderare, subir l’action funeste des astres. Sidus – sideris en latin constellation en parlant de l’influence sur la destinée. C’est un petit peu de cela dont il s’agit dans l’inconscient collectif de ces français sidérés qui pensent qu’un homme peut faire pencher le destin de tous.
Les gens de gauche sont particulierement touchés au cœur mais ils s’en remettront comme un banal myocarde sidéré qui, comme chacun sait, est une atteinte du myocarde réversible, se caractérisant par un mauvais fonctionnement du ventricule gauche survenant spontanément et dû à une diminution de la circulation sanguine qui fait suite à une fermeture du calibre des vaisseaux.
08:53 Publié dans Au fil de la toile, Mots | Lien permanent | Commentaires (2) |
17/05/2011
L'heur de l'heure
Le mot heure vient du latin hora, lui-même emprunté au grec hôra qui désigne un moment qui revient de façon cyclique (les jours, les saisons, le petit déjeuner…)
En français, ce peut-être un temps précis (à quelle heure ?) ou une durée (on s’est emm.. pendant deux heures). Dans ce cas l’heure est d'ailleurs égale à la plombe qui peut parfois durer assez longtemps, une grande heure, ou d'autres fois pas très longtemps, une petite heure, une heurette, et puis une lurette, une petite heure, qui qualifiée de belle devient une très grande heure. Il y a belle lurette.
Attention de ne pas manger à toute heure, mauvais pour le régime. A la bonheur, vous n’êtes pas des grignot'heurs. On peut se lever à la première heure mais on ne sait jamais quelle est notre dernière heure. Pas moyen de mettre le réveil, même si notre heure a déjà sonnée car de toute façon on ne s’en réveillera plus. Depuis Giscard l’heure s’estive, elle prend ses quartiers d’été. Mitterrand donnait du temps au temps, sans nous dire combien il y a d’heures dans le temps ? Depuis Sarko l’heure légale est devenue supplémentaire et même défiscalisée.
En vrac le grec hôra à donné horodateur, heure, heurette, lurette, d’ores et déjà, dorénavant, désormais, lors, lorsque, encore, horaire, horloge (de Morez ou de Morbier), horloger et même horoscope (qui examine votre heure).
En italien on demande "Che ore sono ?" après deux heures mais "Che ora è ?" si on pense qu'il est une heure environ, mais alors pourquoi poser la question ? Pour les minutes sans doutes. Du latin minutus, de minuere, diminuer. Les heures croissent (plus), les minutes décroissent (minus). Ainsi va la vie.
Quant au bon-heur, je l’ai déjà écrit c’est de vivre l’instant présent sans se soucier de l’horloge, de l’heure, des minutes, ni de lors ni de désormais et encore moins de dorénavant ou dorénarierre. Le bonheur comme l’heure peut être fuyant, cyclique et même cyclothymique. Il est dans le pré, courts-y vite, cours-y vite, il va filer.
14:21 Publié dans Au fil de la toile, Mots | Lien permanent | Commentaires (2) |
10/05/2011
Dardanaires
Je ne retrouve pas mon exemplaire de Kou l’ahuri que j’ai dû prêter. J'en avais parlé ici.
[le dessin de couverture représente un économiste barbu monté sur une vieille vache rossinante et brandissant l'étendard de la Saint économie.]
Heureusement le PDF est sur la toile...
...et je relis donc le livre de Jacques Duboin. Un petit livre mais grand par le talent ! Je relis donc quelques unes des lettres que Kou, notre mandchou qui visite la France, envoie à son père resté au pays. En voyant fonctionner la France des années 30, Kou est totalement ahuri par ce qu’il constate: dans le pays de l'abondance les économistes libéraux ont crée la pénurie au nom du profit. Il relate une conversation avec un jeune chercheur en pharmacie :
— Kou, croyez-vous que ce soit de gaieté de coeur et vraiment pour empoisonner les gens que l'on fabrique tant d'alcools variés et avariés ? Lorsqu'on entreprend de fabriquer quelque chose, on se demande rarement si elle est utile. On pose la question : est-ce payant ? et l'on se décide en conséquence. Or les choses payantes sont souvent nuisibles et les choses utiles ne sont pas toujours payantes.
On pense bien sûr au Médiator. En lisant le livre on pense que, après la guerre et l’impasse des 30 glorieuses, le monde que découvre Kou est le notre sauf que le phénomène qu'il décrit est devenu mondial. Les dogmes de l’économie libérale (la Sainte Economie) sévissent toujours et pour le profit d’un petit nombre, on truque la société d’abondance. En plus, depuis Duboin, on a l’alibi de la rareté des matières premières pour faire le beurre des dardanaires (un vieux mot d'origine latine pour monopoleurs et spéculateurs qui créent la rareté à leur seul profit. Mot qui semble utilisé en allemand)
Un sujet d’actualité quand on entend les propositions honteuses de Laurent Wauquiez qui veut emmerder encore un peu plus les receveurs du RSA qui déjà ne trouvent pas de boulot et doivent survivre avec des sommes si minces alors que d’autres se gavent par millions au nom de la soi-disant rareté de leur soi-disant compétences. Suivez mon regard côté Renault, Nissan et autres banquiers ou traders divers.
14:39 Publié dans Duboin, Mots | Lien permanent | Commentaires (0) |
18/04/2011
Entendre
D’abord, j’entends un son, ensuite j’écoute attentivement, ce sont bien des mots que j’entends, oui, des mots mais que veulent-ils dire exactement ? Ce discours paraît bizarre…
Dans un premier temps, j’entends bien, puis j’écoute attentivement mais finalement je n’y entends goutte. Faut-il être entendu pour être écouté ou alors être écouté pour être entendu ?
Les deux mon capitaine. Ce petit exemple montre bien la difficulté de la traduction automatique. N’importe quel élève de collège (enfin presque) est en mesure de mettre à propos le verbe entendre ou écouter dans une phrase à trous mais allez expliquer ça à un ordinateur.
Quant à la serveuse du Pralet à Chaumont, elle était incapable de recompter l’addition à la main. Du coup, elle blâmait les informaticiens qui font des machines qui ne savent pas compter. Résultat des courses, par gain de paix mais un peu à contrecœur, on lui a laissé un royal pourboire de 20%.
12:37 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (1) |
30/03/2011
Appétence
Hier soir au CA du collège, on avait des élèves qui n’avaient pas d’appétence pour les études.
Que peut-on faire ?
Peu de chose, semble-t-il.
On constate l’inappétence comme plus tard on déplorera leur incompétence voire leur impotence face à l’existence. Rebelles à la compétition, ils seront dans l’intermittence. En d’autres temps, ils auraient dû faire pénitence sous peine dune grave sentence ou même de finir sur la potence.
Appétence, comme appétit vient du latin appetitus, désir et petere, se diriger vers qui à donné répéter, compétition, pétition, pétulant, impétueux. Cicéron l’emploie pour traduire la grec hormê, pulsion, désir. Des désirs qui peuvent être libidineux mais pour cela Freud a carrément piqué le mot latin de libido, un désir à fort caractère sexuel.
Saint Augustin distinguait trois types de désirs, la libido sciendi, désir de connaissances, la libido sentiendi, désir sensuel au sens large, et la libido dominandi, désir de dominer. A chacun (sa chacune) sa libido.
23:17 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (2) |
26/03/2011
Alibi libyen
Site antique de Sabratha en Tripolitaine :
Quand on parle de la Libye, j’entends parfois « l'alibi ». Alors je me demande de quel alibi est la Lybie, je veux dire : quel alibi pour la guerre en Libye ?
En regardant Arrêt sur image, je constate que l’on ne sait pas vraiment qui sont ces gens que l’on appelle les insurgés libyens. On nous dit qu’ils combattent à mains nues, hors on apprend qu’ils ont descendu leur propre avion. Ils ont donc des avions et les moyens de les descendre.
G.W.. Bush s’est servi de la guerre en Irak comme d’un alibi pour cacher sa mauvaise gestion. Il voulait remonter une cote de popularité qui n’était pas très bonne. Qu’en est-il de cette attaque de la Libye ? Est un sarko-alibi ? Peut-être pas. Difficile de démèler les intérêts du véritable altruisme.
Altruisme, on rigole ? Le radical alter proche parent de alius. Car Alibi vient du latin « alius » qui veut dire autre, étranger et qui a donné ailleurs. On nous dit donc : « Pouvoir d’achat ? Chomage ? Circulez, il n’y a rien à voir. Regardez donc ailleurs ! » Le mot a la même origine que le peu sympathique (et fou) aliéné et aussi que le mot alien en anglais. C’est donc la faute à l’autre comme dirait Marine. Chassons-le !
C’est toujours Alain Rey qui m’inspire. Dans son dico historique, Il cite un autre mot sorti d’usage : Alibiforain qui signifiait mauvaise excuse, échappatoire. Un mot pléonasme car forain veut dire étranger, même racine que le foreign anglais. Les forains sont des gens venus d’ailleurs dans notre village gaulois... et parfois ils piquent nos poules. Chassont-les !
Le mot suivant est aliboron, l'âne de La Fontaine personnage ignorant et stupide... mais je ne vais pas faire tout le dico d'Alain. Ce sera pour une autre fois.
18:45 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (4) |
21/03/2011
Chaland
Etre élu local mène à tout. L’autre jour, j’ai dû m’intéresser aux zones de chalandise, moi qui serais plutôt un non-chaland.
Je connaissais ce mot « chaland » grâce aux Stances à un cambrioleur de Georges Brassens qui se terminent par ce PS :
Post-Scriptum. Si le vol est l'art que tu préfères,
Ta seule vocation, ton unique talent,
Prends donc pigeon sur rue, mets-toi dans les affaires,
Et tu auras les flics même comme chalands.
Donc chaland veut dire client et chalandise clientèle. A noter que chalandise rime richement avec marchandise, friandise ou gourmandise et un peu moins richement avec jobardise, gueulardise, ringardise, bâtardise, pochardise, couardise ou flémardise… Les rimes en dise nous disent donc beaucoup sur les qualités du chaland.
Je découvre dans mon Alain Rey (l’historique des mots) que mon jeu de mot du début sur non-chaland et nonchalant n’en est pas vraiment un. En effet, chaland vient du verbe latin calere qui a donné le verbe chaloir qui nous a laissé son participe dans l’expression « Peu me chaut », qui veut dire : je m’en fout, je m’en tape... Le chaland est donc celui qui se souvcie, s’inquiète. Ironie orthographique, calere veut dire en latin « être chaud ». On dit être sur des charbons ardents quand on s’inquiète beaucoup.
Et donc ce calere à aussi donné le verbe nonchaloir dont ne subsiste que le participe présent nonchalant, en gros celui qui ne s’inquiète pas et surtout pas pour des marchandises plus ou moins bien achalandées. Car achalandé aussi vient de calere et à pris des sens diffèrents mais toujours liés aux clients. Tous ces mots ont eu des destins amusants à travers les siècles. Voyez donc l’Alain Rey.
Pour ma part, quand j’ai du temps libre, plutôt que de jouer les chalands dans la zone de chalandise, j’aime mieux soigner ma nonchalance. Peu me chaut que les rayons des magasins soient ou non bien achalandés puisque je me promène nonchalamment au bord de la rivière sous les seuls rayons... du soleil.
13:51 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (3) |