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02/05/2019

Mai

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ALLÉGRESSES DU MOIS DE MAI

 

 

 

Le mois de mai n'est qu'une suite d'allégresses.

L'homme y fête le Travail, Jeanne d'Arc et la Victoire, sans compter sa propre maman. Le 1er Mai, il honore le Travail dans le repos. S'il a de la chance, il réussit à arracher avec les ongles à l'asphalte des bois de la banlieue parisienne un brin de muguet qu'il perd à l'entrée du métro.

À midi, en famille, il mange un oiseau mort et boit du raisin fermenté. L'agriculteur sérieux coupe la queue de ses agneaux, et les sorcières se réunissent dans une clairière de Loir-et-Cher pour le sabbat. On y mange tout sans sel (aliment du baptême). Ces festins d’urémique sont à déconseiller.

Le 30, l'enfant célèbre sa mère. (Puisque tu aimes ta maman, reprends-en », dit un proverbe du Centre-Afrique réservé aux usages locaux.)

Dires étonnants des astrologues, p.27.

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02/01/2019

Agapes

 

7776002277_preparez-un-bouillon-pour-le-lendemain-du-repas-de-noel.jpgLe début de l'année a été marqué par la routine des indigestions habituelles. L'homme, en effet, au début du solstice, fête l'hiver en ruinant son foie. L'oie traîne le sien comme un fardeau. Le financier aisé le déguste avec des truffes dans une porcelaine de grand prix. Le financier moins aisé, comme le facteur rural, le marchand de singes ou le poète lyrique, le mange avec des « pommes salade» dans une assiette d'un moindre prix. Sous une forme atténuée, telle que le fromage de tête.

bouillon-poulet-bio.jpgCes excès épaississent le sang et figent la bile dans le canal cholédoque. On prendra des bouillons légers et des pharmacies décapantes pour écouvillonner les coudes de l'intestin. Un jeûne léger, des musiques douces et des rêves optimistes chasseront petit à petit le plus gros du délire. Les urines deviendront plus claires. L'épouse se promènera dans tout l'appartement en agitant du papier d'Arménie. Les amis auront le droit d'apporter des oranges, des proverbes, des mandarines. Le médecin présentera sa note.

mini-gratins-de-homard-au-fenouil.jpegOn fêtera la convalescence en chantant des chansons à boire autour d'un homard Thermidor suivi d'une choucroute mitonnée couronnée de saucissons de Morteau. Le gigot sera tendre et les fromages intéressants. On reprendra des boissons. De 23 heures à 5 heures on mettra une sourdine pour ne pas réveiller les voisins. Le lendemain on tirera les rois. Une maîtresse de maison pratique utilisera les bouteilles vides qu'elle découvrira sous les tables, dans le couloir et la salle de bains, pour nettoyer la dentelle noire ; enroulez la dentelle autour de la bouteille et baignez-la dans la bière.

Vialatte - La Montagne, 2 janvier 1962.

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01/01/2019

Nouvel an d'antan

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Pour la nouvelle année un peu de Vialatte...

Il était longtemps d’usage, le matin du 1er janvier, que le grand-père, vêtu d’un bonnet grec et d’une robe de chambre à ramages, s’asseye au coin d’un feu de bois dans une bergère Louis XIV pour recevoir les compliments et les vœux de ses petits-enfants. (…)

 

 

masque-grand-pere-latex-adulte_1.jpg?u=http%3A%2F%2Fwww.feezia.com%2Fmedia%2Fcatalog%2Fproduct%2Fcache%2F1%2Fimage%2F1200x1200%2F9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95%2Fm%2Fa%2Fmasque-grand-pere-latex-adulte_1.jpg&q=0&b=1&p=0&a=1Les dangers du feu de bois, le prix de la bûche de chêne, le mépris de la poésie, les progrès de l’industrie électroménagère et les conquêtes de la médecine dans la gérontologie ont fait abandonner ces rites et modifié la physionomie du jour de l’an.

Il arrivait fréquemment en effet que le grand-père, qui était nécessairement un civil ou un militaire, fût affligé d’une jambe de bois par suite des guerres ou des accidents du travail. Il ne pouvait se chauffer les pieds ni somnoler au coin du feu sans enflammer sa jambe artificielle ; d’autant plus qu’elle était très sèche et terminée par une rondelle de caoutchouc, matière extrêmement inflammable. Il arrivait aussi qu’un héritier pressé rapprochât trop de la cheminée le fauteuil où sommeillait l’aïeul ; sans parler des grands-pères terribles qui cherchaient à camoufler un affreux suicide en accident.

Alexandre, almanach des quatre saisons, p.20-21.

En tant que papy moderne, je suis bien content que ces coutumes soient définitivement révolues. 

Encore une louche de Vialatte comme étrennes

(sait-on encore ce qu'étaient les étrennes ?) 

Le premier de l’an date de la plus haute antiquité. Si loin qu’on remonte dans l’histoire de la Terre, les années ont toujours fini et recommencé. Si bien que le premier de l’an date de bien avant l’homme. Il en a pris une majesté considérable. Il ne cessera que le jour où la Terre, qui tourne à une vitesse terrible, sera usée par le frottement. Son rayon diminue chaque jour. Chaque jour rapproche donc l’homme du centre de la terre. Le dernier jour, n’ayant plus de support, il tournera autour de ses pieds.Finalement, il mourra de vertige.

« Chronique découragée du premier jour de l’an ». La Montagne, 31 décembre 1967.

10:00 Publié dans Blog, Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |

23/11/2018

Vialattons un peu

J'ai trouvé le texte ci-dessous chez les amis de Vialatte sur Facebook. Ceci me permet de tirer mon chapeau à René de Obaldia qui fait partie de mon Panthéon littéraire avec Le vent dans les branches de sassafras et surtout Innocentines, madame Croche, le zizi de Zaza, et le petit Gengis Khan inventeur de la mondialisation. Je lui tire mon chapeau, car René vient d'entamer son second siècle frais comme un gardon. Chapeau bas donc !  

(Cliquez, puis cliquez sur le petit triangle, cliquez encore si nécessaire. 

Alexandre le coruscant*

Le crépuscule enveloppe la Beauce. Il fait cependant assez clair pour que, installé dans le jardin de ma maison de campagne, à l’ombre de la cathédrale de Chartres (une trentaine de kilomètres à vol de vanneau), je puisse encore lire. Je lis. Entendez, je ne regarde pas la télévision. Je lis Vialatte.


La Beauce, qui a résisté d’une manière spectaculaire au plissement hercynien, n’est pas un pays de marins, comme la Bretagne, ou de montagnards, comme l’Auvergne, l’Auvergne tant chantée pour notre auteur qu’on eût pu croire qu’il y naquit. C’est en Haute-Vienne qu’il consentit à se joindre à nous, en 1901, à Magnac-Laval exactement, issu d’une mère délicate et d’un père rigide (...)

J’ai eu, en effet, le bonheur de connaître personnellement Vialatte. Pas assez. On ne connaît jamais assez ceux que l’on connaît – ou que trop.

De taille moyenne, fort supérieure, cependant, à celle des Beaucerons, il faisait usage d’un corps « solidement charpenté » comme aurait écrit Paul Bourget. Mais la charpente n’est pas tout, l’os ne fait pas le moine. Ce qui me frappa lors de notre première rencontre, ce fut son visage. Son visage qui démentait...

Qui démentait quoi ? Je ne saurais dire. De là, je crois, l’ambiguïté du personnage : une part d’ombre qu’il préservait jalousement. Visage en partie camouflé par des lunettes et qui évoqua pour moi celui d’un mandarin chinois.


Soudain, ce fut évident : avec simplicité, il ressemblait au grand poète Tou-Chao-Ling, appelé communément Tou-Fou, l’heureux rival de Li-Po. Ce qui, bien sûr, me plongea dans l’étonnement. D’autant que nous ne trouvons trace d’aucun dessin, portrait, encore moins photographie de l’auteur de la chanson du toit de chaume abîmé par le vent d’automne (712-770) (...)

Où eut lieu cette première rencontre ? Je crois que ce fut, il y a bien vingt-cinq ans, au « Buisson Ardent », un bistrot misérable et joyeux rue Vieille-du-Temple, attenant à l’échoppe d’un tailleur juif, dans lequel Jean Paulhan m’avait entraîné. Paulhan, autre mandarin, dernier survivant d’une dynastie guerrière et appliquée.


Un après-midi, alors que je me trouvais dans son bureau de la N.R.F. – il venait de refuser deux manuscrits, l’un parce qu’il le jugeait trop épais, trop joufflu, l’autre parce que trop maigrelet -, l’éminent Tarbais, opérant une curieuse volte-face, me souffla à brûle-pourpoint : -vous devriez connaître Vialatte.


Certes, je connaissais Vialatte par ses traductions de Nietzsche et de Kafka. Mais je venais de découvrir une de ses chroniques de La Montagne dans laquelle il discourait sur ma dernière pièce : Du vent dans les branches de Sassafras (...).

Prenons le temps en si docte et plaisante compagnie. Le temps d’aller et venir entre les lignes, ou de revenir à telle page, le temps de flâner, de rêver, de jubiler, de vialatter.


Prenons même le temps de le perdre (le temps, ce grand maigre) ; il nous sera rendu au centuple(...)

René de Obaldia – Préface à « antiquité du grand chosier »

* Coruscant - Vif, étincelant, brillant

17:45 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |

11/10/2018

Automne 2

creteuil-fauteuil-de-relaxation-electrique-cuir.jpgL’automne est là. Voici les premiers froids.


L’homme reste au coin de son radiateur sur son fauteuil en tubes de nickel. Il se rappelle avec horreur les grands feux de bûches qui salissaient toute la maison, la braise brûlante qui sautait sur le tapis, la flamme dangereuse qui venait lécher la jambe de bois du grand-oncle Emile, le fauteuil rigide dont la pauvre grand-mère finissait par prendre la forme.


Aujourd’hui, au contraire, l’homme presse sur un bouton, un ressort joue et le fauteuil s’incline ; si bien que l’homme peut vivre sa vie obliquement par rapport au sol, tantôt à quarante-cinq degrés, tantôt à cinquante-six, tantôt même à soixante.


radiateur-vertical-a-eau-chaude-aachen-raccord-central-3-largeurs-schulte-P-272965-4513428_1.jpgIl en profite, il en abuse, il en tire une grande volupté. Son œil caresse avec amour le petit radiateur à eau chaude. Quel progrès sur la vieille cheminée du grand-père, qui rôtissait les jambes quand on était tout près, mais devant laquelle on se gelait à deux mètres !


Le petit radiateur, au contraire, chauffera doucement toute la maison. Dès les froids officiels. Dès le 24 ou le 25. Dès que le syndic en aura donné l’ordre, après la réunion des copropriétaires. L’homme, d’avance, en frémit de plaisir.

(Sauve qui peut – La Montagne – 13 octobre 1964)

00:45 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (3) |

09/10/2018

Automne

sticker-feuille-d-automne-.jpgVoici déjà l’arrière-saison. La lumière se fait plus jaune. Le soleil est dans la Balance. Les enfants qui naissent sous ce signe ressemblent à Louis-Philippe et à Marguerite de Navarre. C’est le moment de faire son hydromel (n’oubliez pas de faire bouillir très légèrement jusqu’à ce qu’un œuf reste en surface, en demi enfoncé dans le sirop.)

L’horticulteur sérieux rentre ses chrysanthèmes dans la petite pièce attenante au poulailler. On mettra les personnes âgées à l’hivernage, dans un endroit qui sera bien sec et aéré, sur de grands fauteuils à oreillettes en reps vert ou en velours grenat. Il s’en fait de très pratiques, avec des roues dorées.

La Montagne, 6 octobre 1964.

01:32 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (0) |

07/10/2018

Châteaux

1200px-Chateau_de_Landreville_-_Mai_2007_-_facade_sud-ouest_-_piccola.jpgVialatte connaissait bien la vie de château au moyen-âge. Après avoir vanté les avantage de vivre dans un châteac : beaucoup de place, panorama sans fin, potager immense, une cheminée pour se chauffer les pieds en écoutant les ménestrels etc...

En quelques lignes il en récapitule les inconvénients qui feraient regretter son HLM. 

Tout n'y était pas également rose: il fallait rendre la justice, attendrir la viande du faucon, tuer Jean sans Peur, faire chauffer l'huile bouillante pour arroser les assaillants, nounir les perroquets, réparer les échelles, se coiffer de plumes d'autruche certains jours de tournoi, manger du cygne (qui est très dur), et faire taire les grenouilles qui criaient dans les douves, souvent même boire avec excès. Les armures, par temps de pluie, se rouillaient sur le corps. Leurs articulations grippaient. Il fallait les ouvrir avec des tournevis, des leviers, des coins, des clefs anglaises. Dans des endroits mal éclairés, par des vitraux de couleur foncée, rares et peu efficaces dans ces murs de trois mètres. Si bien qu'une grande partie du temps les hommes les plus considérables vivaient, dans un jour glauque, comme dans un aquarium, une espèce de vie de poissons rouges, ornés, par leurs vêtements de l'époque, de nageoires, de crêtes d'urodèles, de queues de lézard, d'oreilles de caniche, d'uniformes de batracien. Ces ténèbres du Moyen Âge ne permettaient que de vivre à tâtons. Ce fut ainsi que le roi Dagobert fut amené par I'obscurité à mettre sa culotte à l'envers. Sans le grand saint Éloi, qui veillait à toute chose, il se fût couvert de ridicule.

La Montagne, 29 octobre 1963

08:17 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (2) |