16/11/2006
Hervé Le Tellier
La dispartion de perek
un poulpe
par Hervé Le Tellier
Hervé Le Tellier est entré à l’Oulipo en 1992. Après des études de mathématique puis de journalistisme, il a d’abord été journaliste scientifique, avant de publier ses deux premiers livres chez Seghers (Sonates de Bar et le Voleur de nostalgie), dont Paul Fournel était le directeur. Collaborateur de l’émission de France-Culture « Les Papous dans la tête », il est l’un des membres fondateurs des Amis de Jean-Baptiste Botul (1896-1947). Docteur en linguistique, auteur d’un essai sur l’esthétique de l’Oulipo, il enseigne également le journalisme à Paris III et les pratiques rédactionnelles à Paris V.
La plupart de ses travaux oulipiens et de ses publications (Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable, Joconde jusqu’à cent) se situent dans le domaine du texte court, voire très court.
Ses derniers livres, Cités de mémoire, et La Chapelle Sextine, sont illustrés par Xavier Gorce, son comparse dans le mégalomaniaque projet Inzemoon (voir aussi le site Inzemoon), et au Monde.fr, où, depuis début 2002, il écrit un billet quotidien pour la micro-édition matinale du journal, la « check-list », réservée aux abonnés.
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15/11/2006
Henri Cueco
J'ai hésité à vous passer la bio de Cueco, peintre reconnu, muséifié et précieux comparse des papous dans la tête. Finalement j'ai opté pour des extraits d'un texte que vous pouvez trouver ici. Un lumineuse réflexion sur peinture et jubilation.
« "Je vais prendre un exemple de délectation dans mon propre travail. Je voulais essayer de peindre un objet simple. Je souhaitais réaliser le portrait d’une pomme de terre.(…) J’ai placé une pomme de terre sur mon bureau et j’ai fait 180 petits tableaux que j’ai appelé des portraits de pomme de terre. J’ai travaillé comme une bête ces tous petits, très petits tableaux en essayant d’ « aller le plus loin possible » mais sans savoir ce que cela signifie. Je ne le sais pas plus aujourd’hui (...) J’ai passé un an et demi à ce travail, en éprouvant de temps en temps un plaisir manifeste mais aussi une difficulté telle que j’ai dû écrire un livre en même temps dans lequel j’ai raconté au jour le jour — Journal d’une pomme de terre -— l’expérience de ce rapport à un objet banal. Au final, je suis plutôt content de ce travail que je peux appeler « Comment réussir à ne peindre une pomme de terre ».
« Ce combat sous une autre forme, en un autre temps se voit dans Les demoiselles d’Avignon. Picasso commence à transformer les traces cézaniennes de son point de départ en faisant référence aux Ibères, à l’art nègre… Il se retrouve un jour dans son atelier avec une toile composite qu’il doit apprendre à voir, qu’il garde et qui se terminera toute seule. C’est de cette disparité, de ces éclats qui se sont produits dans cette peinture évolutive à jamais ratée mais porteuse d’une énergie fantastique que va se déterminer le travail de Picasso. Il va devenir un peintre qui saura articuler des décalages, des différences, des contradictions. Il ne se croira pas obligé comme dans la peinture classique de réduire son œuvre à une unité formelle, et voilà une toile « ratée » qui deviendra une œuvre majeure du début du siècle.
« En Hollande, un élève, à qui j’avais montré que chez Vermeer il y avait une structure géométrique qu’on pouvait isoler, dessiner, une ossature de type Mondrian, m’a dit « ça ne marche pas ce que vous nous racontez, parce que ce n’est ni tout à fait vertical ni tout à fait horizontal ». J’ai compris alors qu’au contraire d’une structure rigide ça fonctionnait parce que c’était monté comme une chaise ancienne ; ce n’étaient pas des articulations bloquées. Les articulations fixées, vous vous asseyez dessus et quand vous avez pris un peu de poids la chaise casse. Et puis vous prenez ces vieilles chaises qui sont montées avec des articulations souples et la chaise bouge et encaisse les poids par ses articulations.
« L’élève avait trouvé ça dans Vermeer ; c’était beaucoup plus intéressant que la rigidité parce que l’œil utilisait cette souplesse articulaire. C’est un élève qui avait trouvé cela et j’étais heureux. Voilà un exemple de jubilation d’un enseignant !
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14/11/2006
Papous lyonnais
Samedi les papous sont lyonnais à 19 H, à l'Ecole Normale Supérieure
Je l’ai déjà dit, j’ai un papou dans la tête. Il loge là depuis pas mal de temps et depuis quelques années il fait des petits qui ont commencé à me manger une partie de plus en plus grande de cette tête qui leur sert de case.
Les symptômes sont sachaguitriens ou encore perecoulipiens. Il me prend des envies irrépressibles de faire des jeux de mots aux homophonies approximatives, des lipogrammes, des contrepèteries et autres calembours. Je suis pris de l’envie soudaine d’écrire une lettre de l’Agneau à Lafontaine, de Lafontaine au Loup, du Loup à l’Agneau ou à son frère, du Fromage au Corbeau puis au Renard, de la Cigale à la Fourmi. Que sais-je ? Ou encore l’idée d’envoyer un curriculum vitae pour postuler au job de charpentier de marine sur le chantier du Titanic, éventuellement celle de répondre à ce même CV ou celle de réécrire un morceau du journal de Gide en vacances à Djerba. De raconter les aventures d’un espion de banlieue parti au hasard en Moldavie ou en Moravie, sans savoir…
Ces papous me bouffent la tête alors chaque semaine j’écoute France-Culture ou je télécharge le podcast car grâce à la technologie, chère à Apple et à monsieur Loïc Le Meur, je peux désormais alimenter mes papous avec plus de régularité. Le lundi soir, je charge cette nourriture de l’esprit dans iTunes, un soft gratuit, et je peux me l’écouter quand je veux toute la semaine, deux ou trois fois si je veux. C’est une heure et quart de pur bonheur avec Patrick Besnier, Hélène Delavault, Nelly Kaplan, François Caradec, Henri Cueco, Serge Joncour, Jacques Jouet, Gérard Mordillat, Jean-Bernard Pouy et autres grands nourrisseurs de papous.
Alors si, comme moi, votre papou vous gratte l’intérieur de la tête. N’hésitez pas.
Samedi il n’y aura pas Henri Cueco. Demain je vous parlerai de Cueco, un grand artiste.
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12/11/2006
PdJ
Lorsque j'étais alors peintre, j'étais peintre en bâtiment ; Liu Sian, lui, était peintre, vraiment peintre. D'ailleurs, je suis aussi peintre, vraiment peintre, enfin, pas uniquement peintre en bâtiment, non je peins, comme on dit.
Mais à l'époque, je peignais peu. Enfin sur toile. Parce que je peignais beaucoup, enfin suffisamment pour vivre, pour nous faire vivre ma femme et moi, encore que je devrais écrire mon ancienne femme et moi - c'est toujours ce que dit ma femme d'ailleurs -ton ancienne femme- encore qu'à l'époque, elle n'était pas mon ancienne femme, pas même ma femme, bref, c'était surtout de la peinture alimentaire, comme on dit, sauf que quand on dit peinture alimentaire, le plus souvent on pense quand même à la vraie peinture, enfin la peinture sur toile ; c'est en général ce que font les peintres en matière de peinture alimentaire. Liu Sian m'avait souvent dit que pour une hypothétique exposition de mes toiles au Canada qu'il comptait organiser lui-même, il faudrait faire des choses en bleu pour qu'elles se vendent. Sauf que, moi, j'avais surtout pensé que l'exposition au Canada serait l'occasion rêvée de montrer mes nouvelles toiles. Et j'étais davantage dans une période rouge. Encore que si effectivement le rouge qualifiait le mieux ma peinture du moment, pour ce qui était du reste de mon existence, je traversais surtout une période noire.
17:55 Publié dans Au fil de la toile | Lien permanent | Commentaires (7) |
11/11/2006
Con-solation
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Pour compenser le manque d’épaisseur d’une vie conditionnée et qui concorde si peu à nos rêves on consomme.
On se console comme on peut, on convoque les vendeurs, on compare les prix d’objets dont on a pas besoin, on concocte des plans de vacances, on conduit une grosse voiture, on remplit le congélateur, on conjure le sort en grattant des tickets convertibles, on condimente notre vie d’achats compulsifs et continuels. Tout ceci ne serait-il pas un peu… idiot.
10:45 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (2) |
10/11/2006
Dyadique
Psychanalyse
et
oeil d'Horus
Dyadique
synonyme de binaire
On était donc simpliste, binaire ou manichéen, désormais, on se doit d'être dyadique.
Les Psys de toutes obédiences qui adorent utiliser un mot nouveau pour désigner un concept antique l'ont cuisiné a toutes sortes de sauces. Une partie de jambes en l'air à deux devient donc une sauterie dyadique. Il existe une version tryadique voire plus si affinités...
Le Dr Tronick parle d'état de conscience dyadique mère-enfant c'est-à-dire de l'émergence d'un état de conscience singulier créé dans l'échange interactif mère-enfant.
Les mathématiciens se sont aussi emparés du mot, on parle de fractions dyadiques dont le dénominateur et une puissance de 2. Les fonctions dyadiques forment un groupe, un anneau et même peut-être un corps surréel, ou 2 corps, faut voir... Ces fractions nous amènent à l'Egypte qui mesurait déjà en dyadique.
D'après le mythe, Horus, fils d'Isis et d'Osiris, aurait perdu un œil dans le combat mené contre son oncle Seth pour venger son père que ce dernier avait assassiné. Au cours du combat, Seth lui arracha l'œil gauche, le découpa (en six morceaux, d'après une version de la légende) et jeta les morceaux dans le Nil. À l'aide d'un filet, Thot, le dieu de la connaissance, repêcha tous les morceaux sauf un. Il suppléa miraculeusement le 64e fragment manquant pour permettre à l'œil de fonctionner de nouveau, rendant ainsi à Horus son intégrité physique.
En arithmétique égyptienne, les parties constituantes de l'Oudjat (signe ci-dessus, simplification de l'oeil d'Horus), servaient à écrire les fractions ayant 64 comme dénominateur commun. L'oudjat est un mélange dyadique d'oeil de faucon et d'oeil d'homme (vraicon).
Hiéroglyphe Signification >> Valeur
L'addition des six fractions, 32/64 + 16/64 + 8/64 + 4/64 + 2/64 + 1/64, donne 63/64, la fraction manquante étant sans doute ajoutée magiquement par Thot.
Cette notation était employée pour indiquer les fractions du boisseau, le heqat, mesure de capacité des céréales.
Exemple:
orge heqat 1/2 + 1/4 + 1/32 ( = 25/32 boisseaux d'orge).
Le heqat valait environ 4 litres et demi ce qui est mieux que le gallon américain et plus ou moins égal au gallon impérial.
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08/11/2006
Messie
Mais si... c'est...
La création du monde
par Jean
D’Ormesson
chez
Robert Laffont
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Dieu a mis sept jours pour créer le monde, Jean d’O. n’en met qu’un de plus, un assez bel exploit. Pour cela, il convoque 4 amis qui se réunissent chaque année sur une île grecque. L’un deux a amené deux petits cahiers qui contiennent un texte fondateur : la rencontre de Simon Laquedem et de Dieu. Simon est le nouveau prophète, après Bouddha, Moïse ou Mahomet, que Dieu a choisi, signe des temps, pour son insignifiance de petit archiviste-paléographe un peu terne.
Cette divine révélation permet à Jean d’O de faire un petit bilan de l’histoire du monde et des connaissances essentielles de l’honnête homme du XXIième. Ce n’est pas trop pédant, l’histoire d’Alamut et des assassins par exemple qui vient un peu comme un cheveu sur la soupe (primitive comme il se doit) est très, trop connue. Non, ce n’est pas le style de Jean d’O d’écraser de sa culture.
L’académicien sautillant balaie simplement une quinzaine de milliard d’années racontées par un Dieu patelin et débonnaire qui peine parfois un peu à croire en lui-même. Un jour pour la naissance de l’univers, un autre pour le système solaire, un pour la vie, la vaste question du temps et de l’espace… Tout y passe, le big-bang, les nombres, l’air, l’eau, la pensée… et puis bien sûr Dieu parle de l’homme, le seul sujet qui l’intéresse vraiment. Il avoue même que l’homme l’a épaté avec la théorie de la relativité et la physique quantique. L’homme va-t-il s’affranchir de lui ? Et pour tomber dans quelle turpitude ?
Les huit jours de vacances se terminent et Jean d’O nous offre une double chute, un double saut périlleux arrière. À son âge, 80 passés, il est resté drôlement agile notre immortel.
17:55 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (3) |