15/11/2006
Henri Cueco
J'ai hésité à vous passer la bio de Cueco, peintre reconnu, muséifié et précieux comparse des papous dans la tête. Finalement j'ai opté pour des extraits d'un texte que vous pouvez trouver ici. Un lumineuse réflexion sur peinture et jubilation.
« "Je vais prendre un exemple de délectation dans mon propre travail. Je voulais essayer de peindre un objet simple. Je souhaitais réaliser le portrait d’une pomme de terre.(…) J’ai placé une pomme de terre sur mon bureau et j’ai fait 180 petits tableaux que j’ai appelé des portraits de pomme de terre. J’ai travaillé comme une bête ces tous petits, très petits tableaux en essayant d’ « aller le plus loin possible » mais sans savoir ce que cela signifie. Je ne le sais pas plus aujourd’hui (...) J’ai passé un an et demi à ce travail, en éprouvant de temps en temps un plaisir manifeste mais aussi une difficulté telle que j’ai dû écrire un livre en même temps dans lequel j’ai raconté au jour le jour — Journal d’une pomme de terre -— l’expérience de ce rapport à un objet banal. Au final, je suis plutôt content de ce travail que je peux appeler « Comment réussir à ne peindre une pomme de terre ».
« Ce combat sous une autre forme, en un autre temps se voit dans Les demoiselles d’Avignon. Picasso commence à transformer les traces cézaniennes de son point de départ en faisant référence aux Ibères, à l’art nègre… Il se retrouve un jour dans son atelier avec une toile composite qu’il doit apprendre à voir, qu’il garde et qui se terminera toute seule. C’est de cette disparité, de ces éclats qui se sont produits dans cette peinture évolutive à jamais ratée mais porteuse d’une énergie fantastique que va se déterminer le travail de Picasso. Il va devenir un peintre qui saura articuler des décalages, des différences, des contradictions. Il ne se croira pas obligé comme dans la peinture classique de réduire son œuvre à une unité formelle, et voilà une toile « ratée » qui deviendra une œuvre majeure du début du siècle.
« En Hollande, un élève, à qui j’avais montré que chez Vermeer il y avait une structure géométrique qu’on pouvait isoler, dessiner, une ossature de type Mondrian, m’a dit « ça ne marche pas ce que vous nous racontez, parce que ce n’est ni tout à fait vertical ni tout à fait horizontal ». J’ai compris alors qu’au contraire d’une structure rigide ça fonctionnait parce que c’était monté comme une chaise ancienne ; ce n’étaient pas des articulations bloquées. Les articulations fixées, vous vous asseyez dessus et quand vous avez pris un peu de poids la chaise casse. Et puis vous prenez ces vieilles chaises qui sont montées avec des articulations souples et la chaise bouge et encaisse les poids par ses articulations.
« L’élève avait trouvé ça dans Vermeer ; c’était beaucoup plus intéressant que la rigidité parce que l’œil utilisait cette souplesse articulaire. C’est un élève qui avait trouvé cela et j’étais heureux. Voilà un exemple de jubilation d’un enseignant !
00:05 Publié dans Papous | Lien permanent | Commentaires (3) |
Commentaires
Un lumineuse réflexion sur peinture, jubilation et ENSEIGNEMENT. Leçon de modestie dont peuvent s'inspirer tous les pédagogues.
Écrit par : JPaul | 16/11/2006
Plutôt une remarque: des mots en mémoire depuis si longtemps... 20 ans, 25 ans? "Des Papous dans la tête" je crois, et Henri CUECO disant ce jour-là vouloir "consoler la veuve Pinochet... et le plus tôt que possible"! C'était voilà 20 ans, 25 ans... Depuis, j'ai vu des expos - notamment Galerie Louis Carré - trouvé une litho, "L'usinage des roses", et salué l'artiste dont la patience a fini par être consolante. Bien à vous, cordialement. Pierre AZAMA
* Au fait, y a-t'il seulement une veuve Pinochet?
Écrit par : Pierre AZAMA | 11/12/2006
Merci Pierre, il a malheureusement fallu longtemps pour qu'elle devienne veuve...
Je trouve sur Wikipedia:
María Lucía Hiriart Rodríguez (1922-) fue primera dama de Chile entre 1974 y 1990, durante el régimen militar dictatorial de Augusto Pinochet.
(...)
Famosa por ser una mujer fuerte y dominante, confidente y mano derecha del ex presidente, la ex primera dama habría sido, en palabras del mismísimo general Augusto Pinochet, una de las personas que más influyeron en en su decisión de liderar el golpe de estado al presidente Salvador Allende el 11 de septiembre de 1973
Voilà ce qu'on trouve derrière un dictateur. Pas sûr que Cueco aurait vraiment aimé la consoler.
Je déguste "Dialogue avec mon jardinier". Plus que 10 page et c'est un crève-coeur. J'en parlerai ici.
Écrit par : Joël | 11/12/2006
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