Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/01/2006

Fataliste

medium_diderot.2.jpgComment s’étaient-ils rencontrés?

Par hasard, comme tout le monde.

Comment s’appelaient-ils?

Que vous importe?

D’où venaient-ils?

Du lieu le plus prochain.

Où allaient-ils?

Est-ce que l’on sait où l’on va?

Que disaient-ils?

Le maître ne disait rien; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. 

Denis Diderot - incipit de Jacques le fataliste - 1773-1775

22:15 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature |

14/01/2006

la môme néant

medium_momeneant.jpgQuoi qu'a dit ? - A dit rin.
Quoi qu'a fait ? - A fait rin.
A quoi qu'a pense ? - A pense à rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?

- A' xiste pas.

Jean Tardieu in Monsieur Monsieur, 1951
(masque de Werner Strub)

Allez sur ce site merveilleux consacré aux poètes de l'humour noir et de l'absurde et qui contient des aphorismes profonds:

J’ai bien souvent remarqué que j’ai mal à la tête quand je me suis longtemps contemplé dans un miroir concave.

La jeune fille avait une belle paire de mains de pécheresse.

09:45 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Littérature |

13/01/2006

Stendhal

medium_stendhal1.jpg

 

Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan, à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi et d’apprendre au monde qu’après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur.

 

Les miracles de bravoure et de génie dont l'Italie fut témoin en quelques mois réveillèrent un peuple endormi; huit jours encore avant l'arrivée des Français, les Milanais ne voyaient en eux qu'un ramassis de brigands, habitués à fuir toujours devant les troupes de Sa Majesté Impériale et Royale: c'était du moins ce que leur répétait trois fois la semaine un petit journal grand comme la main, imprimé sur du papier sale.

La Chartreuse de Parme (un début comme on en rêve)

22:05 Publié dans Incipit | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Littérature |

06/01/2006

Mario Rigoni Stern

medium_stern.jpgC'est Raymonde qui un fois de plus m'a fait découvrir Mario Rigoni Stern, l'homme des montagnes de Vénétie, l'homme qui préfère l'hiver à l'été à cause du calme, de la neige et du silence. Un ami de Primo Levi, "Si c'est unhomme". Dans ses livres, Mario raconte sa guerre, sa captivité et son village de Vénétie. L'autre soir, ja'i lu quelques textes du vin de la vie. (photo Télérama)

Comble du bonheur, dans le vin de la vie, je suis tombé sur la période heureuse de sa vie comme chasseur alpin dans la vallée où est né mon père, le val Soana dans la région du Canavese en dessus d'Ivrea, la face sud du Gran Paradiso. En écrivant "Face sud du grand paradis" je me dis que parfois les mots traduisent bien certains paysages...

Lisez Rigoni Stern, c'est un antidote à la mesquinerie et à la bêtise. C'est un éloge de la beauté. Lisez le Vin de la vie. J'ai eu de la peine à fermer le livre pour prendre en cours les tonton flingueurs en pleine beuverie et me dilater la rate.

Juillet 2008 - Mario Rigoni Stern est mort le 16 juin, à Asiago (province de Vicenza, au nord de l'Italie), où il était né le 1er novembre 1921. Son premier livre, Le Sergent dans la neige (1953, traduction française 10/18), dans lequel il évoque la retraite de Russie durant la seconde guerre mondiale, est publié par Elio Vittorini, grand découvreur de talents de ces années-là, défenseur d'une littérature humaniste.

La guerre et les mises à l'épreuve des élans fraternels seront au centre de cette oeuvre, considérée par son contemporain Primo Levi comme l'une des plus déterminantes du XXe siècle. Souvent traduits en français, les récits de Rigoni Stern n'ont pas eu à travers le monde le retentissement de ceux de Levi, malgré leurs qualités de style et leur profonde générosité : les événements dont ils témoignent ne relèvent pas de la même tragédie destructrice, mais mettent en cause toute forme d'agressivité et de dégradation humaine.

... 

Rigoni Stern élève alors l'inspiration régionaliste et écologique à un niveau universel, en poète attentif à la beauté du monde. Cette beauté, géographique et humaine, sera du reste toujours présente dans les histoires de guerre qui constituent le reste de son oeuvre.

Article du Monde ici 

17:40 Publié dans Canavese | Lien permanent | Commentaires (35) | Tags : Littérature |

18/12/2005

Les neiges d'antan

medium_loup.jpgQui saurait dire, exhaustivement, pourquoi il aime la tour Eiffel ?

Peut-être Marcel Proust. Et encore, en plusieurs volumes.

<...>

On voit, au nom de demain, se battre, de nos jours, des géants qui combattent pour un art d'avant-garde composé de rêves d'avant-hier, en luttant contre des tabous de l'époque du président Fallières, qu'ils nous présentent comme des carcans de l'art d'aujourd'hui. Ils se battent contre une opinion qui a disparu depuis cinquante ans. Comme des pionniers ! Avec des œuvres poussiéreuses dont on était lassé en 1928. Au nom d'un irrespect farouche qui respecte n'importe quoi : l'obscénité, la réclame, les voyantes, la démence, et surtout l'argent. Ils se battent sous le drapeau de l'originalité pour composer tous la même chose. En exaltant une immoralité qui n'a jamais gêné les peintres d'aucun temps.

<…> De toute façon, tout le monde sait qu'au vieux temps la neige était plus blanche et le loup plus hirsute, les étoiles plus brillantes et la forêt plus noire, les bandits plus hardis, les vieilles femmes plus cassées et les bonnets plus tuyautés ; le savetier plus gai, l'usurier plus avare ; les haillonneux, les stropiats, les goitreux formaient des grappes épaisses autour du bénitier, et on allait à la messe de Noël avec des lanternes de corne.

<…> Notre époque n'est pas moins fertile en merveilles et en cataclysmes. Nous n'avons plus besoin, pour aller dans la Lune, de la fève de Jean de la Fève. Nous apprenons par les journaux qu'un jeune garçon s'est brûlé vif plutôt que de se faire couper les cheveux. Que deux millions de Pakistanais sont anéantis d'un seul coup par le typhon et le choléra, et qu'à en croire des Mémoires de Khrouchtchev (très probablement apocryphes), des paysans, privés de leurs bons de ravitaillement par une ordonnance de Staline, ont mangé leurs propres enfants. C'est ce qu'on appelle des faits divers. (On les montre en photographies. Elles sont noires et nous font horreur.)
Et c'est ainsi qu'Allah est grand.

A. Vialatte - La Montagne - 29 novembre 1970

18:20 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature |

16/12/2005

Python

medium_python.jpg

Emil Ajar - Début de Gros Calin.

Je vais entrer ici dans le vif du sujet, sans, autre forme de procès.  L'Assistant, au Jardin d'Acclimatation, qui s'intéresse aux pythons, m'avait dit :


- Je vous encourage fermement à continuer, Cousin.  Mettez tout cela par écrit, sans rien cacher, car rien n'est plus émouvant que l'expérience vécue et l'observation directe.  Evitez surtout toute littérature, car le sujet en vaut la peine.

Il convient également de rappeler qu'une grande partie de l'Afrique est francophone et que les travaux illustres des savants ont montré que les pythons sont venus de là. Je dois donc m'excuser de certaines mutilations, mal-emplois, sauts de carpe, entorses, refus d'obéissance, arabismes, strabismes et immigrations sauvages du langage, syntaxe et vocabulaire. Il se pose là une question d'espoir, d'autre chose et d'ailleurs, à des cris défiant toute concurrence.  Il me serait très pénible si on me demandait avec sommation d'employer des mots et des formes qui ont déjà beaucoup couru, dans le sens courant, sans trouver de sortie. Le problème des pythons, surtout dans l'agglomérat du grand Paris, exige un renouveau très important dans les rapports, et je tiens donc à donner au langage employé dans le présent traitement une certaine indépendance et une chance de se composer autrement que chez les usagés. L’espoir exige que le vocabulaire ne soit pas condamné au définitif pour cause d’échec.

09:35 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Littérature |

11/12/2005

Le parfum

medium_parfum.jpgAu XVIIIe siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus abominables de cette époque qui pourtant ne manqua pas de génies abominables.  C'est, son histoire qu'il s'agit de raconter ici.  Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille et si son nom, à la différence de ceux d'autres scélérats de génie comme par exemple Sade, Saint-Just, Fouché, Bonaparte, etc., est aujourd'hui tombé dans l'oubli, ce n'est assurément pas que Grenouille fût moins bouffi d'orgueil, moins ennemi de l'humanité, moins immoral, en un mot moins impie que ces malfaisants plus illustres, mais c'est que son génie et son unique ambition se bornèrent à un domaine qui ne laisse point de traces dans l'histoire : au royaume évanescent des odeurs.
A l'époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes.  Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l'urine, les cages d'escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton; les pièces d'habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle âcre des pots de chambre…

Le début du Parfum - Patrick Süskind

19:50 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Littérature |