11/12/2005
Le parfum
Au XVIIIe siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus abominables de cette époque qui pourtant ne manqua pas de génies abominables. C'est, son histoire qu'il s'agit de raconter ici. Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille et si son nom, à la différence de ceux d'autres scélérats de génie comme par exemple Sade, Saint-Just, Fouché, Bonaparte, etc., est aujourd'hui tombé dans l'oubli, ce n'est assurément pas que Grenouille fût moins bouffi d'orgueil, moins ennemi de l'humanité, moins immoral, en un mot moins impie que ces malfaisants plus illustres, mais c'est que son génie et son unique ambition se bornèrent à un domaine qui ne laisse point de traces dans l'histoire : au royaume évanescent des odeurs.
A l'époque dont nous parlons, il régnait dans les villes une puanteur à peine imaginable pour les modernes que nous sommes. Les rues puaient le fumier, les arrière-cours puaient l'urine, les cages d'escalier puaient le bois moisi et la crotte de rat, les cuisines le chou pourri et la graisse de mouton; les pièces d'habitation mal aérées puaient la poussière renfermée, les chambres à coucher puaient les draps graisseux, les courtepointes moites et le remugle âcre des pots de chambre…
Le début du Parfum - Patrick Süskind
19:50 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Littérature |
Commentaires
Un livre étonnant, de ceux que je n'oublie pas!
Écrit par : Bergamote | 11/12/2005
Ah voilà un ouvrage que j'ai adoré....pour l'originalité du sujet d'abord, parce que c'est bien écrit aussi mais également parce qu'il n'a pas le travers qu'on beaucoup de livres traitant de cette époque: la montrer plus "jolie" qu'elle n'est.
Joëlle
Écrit par : Joëlle | 12/12/2005
Un des livres qui m'a aidé à me construire. Je ne sais pas pourquoi. Mais il est gravé dans mon corps.
Écrit par : nicolas | 12/12/2005
Magnifique livre...tiens, je devrais même le relire...depuis le temps....
Écrit par : steuf42 | 12/12/2005
et ça continue...
"...Les cheminées crachaient une puanteur de soufre, les tanneries la puanteur de leurs bains corrosifs, et les abattoirs la puanteur du sang caillé. Les gens puaient la sueur et les vêtements non lavés; leurs bouches puaient les dents gâtées, leurs estomacs puaient le jus d'oignons, et leurs corps, dès qu'ils n'étaient plus tout jeunes, puaient le vieux fromage et le lait aigre et les tumeurs éruptives. Les rivières puaient, les places puaient, les églises puaient, cela puait sous les ponts et dans les palais. Le paysan puait comme le prêtre, le compagnon tout comme l'épouse de son maître artisan, la noblesse puait du haut jusqu'en bas, et le roi lui-même puait, il puait comme un fauve, et la reine comme une vieille chèvre, été comme hiver. Car en ce XVIIIe siècle, l'activité délétère des bactéries ne rencontrait encore aucune limite, aussi n'y avait-il aucune activité humaine, qu'elle fût constructive ou destructive, aucune manifestation de la vie en germe ou bien à son déclin, qui ne fût accompagnée de puanteur. Et c'est naturellement à Paris que la puanteur était la plus grande, car Paris était la plus grande ville de France. Et au sein de la capitale il était un endroit où la puanteur régnait de façon particulièrement infernale entre la rue aux Fers et la rue de la Ferronnerie, c'était le cimetière des Innocents. (...) Or c'est là, à l'endroit le plus puant de tout le royaume, que vit le jour, le 17 juillet 1738, Jean-Baptiste Grenouille. »
Écrit par : Antoine | 12/12/2005
Merci pour le souvenir... Je vais le relire,
Gildas
Écrit par : Gildas | 12/12/2005
Je viens de terminer ce livre. Un peu délice !
Écrit par : obni | 14/12/2005
Un des livres qui m'ont le plus enthousiasmé quand je l'ai lu.
Écrit par : Le garde-mots | 11/04/2007
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