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09/04/2006

La tentation des armes à feu

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La tentation des armes à feu
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de Patrick Deville
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(Seuil)

 

Selection Livre Inter

 

Aie ! Pas facile de décrire cette histoire. D’ailleurs, il n’y a pas d’histoire. Il y a un narrateur qui a la bougeotte et nous emmène dans ses bagages. Il n’a y pas d’ailleurs que ces voyages qu’il nous fait partager. Il nous fait participer à son intérêt pour Baltasar Brum dont il a trouvé une photo le jour de son quasi suicide deux pistolets Smith et Wesson chromés à la main. Vous ne connaissez pas Brum ? Pourtant il a été président de l’Urugay de 1919 à 1923 !  On ne découvre pas que Brum… il y a aussi une femme brune, son Infante de Castille, son amour impossible, et puis une jeune anglaise qui lui a fait découvrir Après le feu d'artifice d'Aldous Huxley.

Et ce n’est pas fini, on part du côté de l’ex URRS, on parle d’Essenine, à qui Kirov prêta sa maison près de Bakou, de Lermontov et de Pouchkine, morts en duel à quelques années d’intervalle, de Maïakovski, né en Géorgie, qui se tira une balle dans le coeur. Des destins que l’auteur évoque dans un récit qui prend des formes de poupées russes. On y parle même, et pourquoi pas, de la Lada une voiture  mythique et dont j’ai même possédé un exemplaire jaune...

Et on continue de partager la curiosité de l’auteur, on se penche sur la fin de Topaz (l’étau en français) ce film de Hitchcock sur la crise des fusées de Cuba, boudé par les plus fanatiques des hicthcockiens et particulièrement sur le souvenir de la main de Michel Piccoli, «qui plane, un instant, au-dessus d'un tiroir ouvert», dans lequel traîne probablement un funeste instrument.  L’auteur parle du mcguffin d'Alfred.
 
Puis on retrouve en France, la fameuse «Grande Infante de Castille», le fil rouge de ce roman, celle qui fait le pont entre toutes les histoires. Avec malice Patrick Deville nous fait voyager avec ses fantômes et les armes à feu qui sont  « comme l'alcool, des promesses de paradis qu'on implore quand rien ne va plus mais aussi quand trop de bonheur vous submerge.»

Le tout fait 150 pages, et encore, il y a les photos et même la musique d’une longue chanson qui ne m’a personnellement guère inspirée. Pourtant le patchwork fonctionne, les couleurs s’harmonisent, on ne sait pas pourquoi on s’est fait envoûter, on aimerait en savoir plus et on se dit que là, pour le coup, cela pourrait devenir vite barbant.

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05/04/2006

J'étais derrière toi

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J'étais derrière toi
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Nicolas Fargues
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(P.O.L)

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Selection du Livre Inter

Le narrateur, français, blanc, très beau (comme Nicolas), la trentaine, deux enfants, une femme superbe et noire. Un malheureux jour, il baisouille avec une chanteuse, noire elle aussi, et il raconte sa mini frasque à sa femme le couple se dérègle et se met à fonctionner en mode sado-maso. Elle part pour trois semaines à Kodong et couche avec un beau noir, un mobalien. Le narrateur lit son journal intime et commence à raconter à un ami (virtuel) ses aventures sentimentales.

Le narrateur plaît aux filles au point qu'elles lui filent leur numéro de téléphone dans les restos, c’est précisément ce qui se passe à Romanze, en Italie où il est venu rendre visite à son père pour deux jours. Notre héros ne fait ni une ni deux, il téléphone à la fille une superbe gonzesse, vingt ans, la classe italienne et tout et tout… Rentrés à la maison il va bien sûr avouer à sa femme son aventure, enfin pas tout de suite mais presque, et la relation sado-maso repart de plus belle… Bon, je vous raconte pas la fin.

C’est écrit dans une langue moderne et simplifiée, pleine de choses, de trucs, de machins, de "bref" qui annoncent de très longues phrases à la ponctuation alléatoire. « Tu vois ce que je veux dire », « OK, je sais que c’est un cliché mais c’est vrai », « Qu’est-ce que je disais déjà ? Je me justifiais sur un truc. C’était quoi ? Ah oui… » De longues listes d'adjectifs, de questions, pas de chapitre… Moderne quoi !


Cette une histoire dans l’air du temps, plus de sexe que de psychologie, plus ado qu’adulte, plus parlée qu’écrite, on se prend pas la tête, on aime les trucs simples, les machins fastoches, les choses qu’on comprend du premier coup. C’est comme l’équipe d’Italie, y pas autant de noirs que chez nous et puis les couples blancs et noir c’est peut-être pas une bonne idée, après tout. Mais je m’égare… Peut-être… « et ma lucidité me fera paraître démoniaque en comparaison du mec lambda qui dira merde à sa meuf quand il pensera merde, qui la baisera quand il aura envie de la baiser. (…) On est tous les même faut pas croire. Et puis merde, je ne suis pas si mauvais que ça, c’est pas vrai. »  
Voilà, elle était derrière lui la meuf.

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04/04/2006

Villes

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Voilà comment Alexandre Vialatte voyait les villes et leur histoire :

[source]

 

Quand, pour la première fois du monde, l'homme se dressa sur ses pattes de derrière, encore tout chiffonné du plissement hercynien, et jeta un œil hébété sur la nature environnante,il commença par bâtir ses villes à la campagne pour être plus près des lapins, des mammouths, des ours blancs et autres mammifères dont il était obligé de se nourrir. Il n'y avait, en effet, si loin qu'il regardât, ni marchand de vin, ni charcutier ; pas une boulangerie pâtisserie, pas une boucherie hippophagique. Aucune de ces commodités, comme la vespasienne à tourelle, qui devaient devenir si courantes par la suite. Il s'établit au fond des bois, dans des abris couverts de feuilles de latanier, ou dans des grottes creusées au coeur de la falaise, comme il s'en voit encore en pays tourangeau, parce que le vin s'y bonifie plus rapidement ment et se tient plus frais. L'homme montait la garde à l'entrée avec une massue de cent kilos.

Plus tard, il se logea loin des bois pour éviter la morsure des loups ; il bâtit ses maisons en ville, et même sur l'eau, pour être plus à l'abri, comme on le voit encore à Venise, à Stockholm ou à Amsterdam. Ou par l'exemple des châteaux forts. On les entourait de larges douves. Malheureusement, les grenouilles s'y mirent. Elles empêchaient les gens de dormir. Il fallait toute la nuit les battre avec une perche. Les paysans du Moyen Âge passèrent leur vie à guider la charrue d'une main en battant les grenouilles de l'autre, ce qui limitait la surface des champs. J'ai longtemps cru (la jeunesse est frivole) que les cités s'étaient bâties près des points d'eau, pour les commodités de la table, de la navigation, de l'hygiène et des transports, ou sur des pics autour des châteaux forts pour pouvoir surveiller et repousser l'ennemi. Erreur profonde, m'apprennent des revues scientifiques : les villes ont poussé au hasard.

Il n'y a d'ailleurs qu'à voir une carte : les unes sont en Turquie, les autres en Amérique, en Australie, en Argentine. On en trouve même dans la banlieue de Paris. D'autres sont bâties autour des plus beaux sites : la baie de Sidney, la baie de Rio et celle de Diégo-Suarez. D'autres sur de plats marécages, dans des trous infestés de moustiques et de malarias. Aucun plan dans tout cela, aucun programme sérieux. Un esprit méthodique eût certainement choisi de bâtir dans un pays riche, en Suisse ou aux États-Unis. Mais on agit, malheureusement au petit bonheur.

Il en résulta un fouillis, compliqué de dispersions affreuses. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. A l'intérieur des villes, même anarchie foncière, même surréaliste délire. Des labyrinthes de ruelles et d'avenues en zigzags. De loin en loin, un réverbère pour la commodité des chiens. Même anarchie dans les devantures et les enseignes : le boucher expose des bœufs entiers fendus en long, le pharmacien des boules de gomme et des peaux de chat, des vipères en bocaux, des bocaux verts et rouges. Dans les faubourgs pluvieux s'installent des merceries qui accroissent encore la confusion. De vieilles dames y vendent des épingles et des lacets de corset marron. Nul souci d'unité. Les maisons prolifèrent, se compliquent d'ajoutures. On compartimente les greniers pour en faire des chambres de bonne ; on y ajoute pour l'hygiène une cuvette en émail. On creuse des caves pour y loger le charbon, le fromage, le vin, les araignées. Répétons-le, c'est l'anarchie. On en arrive au bout du compte à vivre chacun pour soi, pour son propre plaisir.

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03/04/2006

J'ai renvoyé Marta

J'ai renvoyé Marta
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de Nathalie Kuperman

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(Gallimard)

 

Selection Livre Inter

Sandra a pris une femme de ménage. Elle s’appelle Marta comme sa grand-mère, elle est polonaise comme l’était sa grand-mère. Pour tout compliquer Sandra à une fille, un bébé qui s’appelle aussi Marta. Sandra nous décrit par la menu sa vie au quotidien. C’est une femme heureuse, une bonne bourgeoise qui a un bon mari, un bel appartement, les deux fils d’un premier mariage de son mari, Jules et Emile, avec qui elle s’entend plutôt bien et sa petite fille Marta. Au début on se dit qu’avec tout ce conformisme, le mari va avoir une aventure avec Marta, la femme de ménage, et puis non !

L’histoire tourne autour de la névrose de Sandra qui trouve un exutoire à travers Marta qu’elle se met à espionner, à imaginer au travail, à tenter en exposant sa bague de fiançailles, elle lui explique à l’envie les problèmes de porte qui ferme mal, elle lui explique la succession des éponges de couleur et leur utilisation en fonction de leur degré d’usure, elle imagine de refourguer à Marta un vieux fauteuil vert puis une de ces anciennes robes, noire, très belle…  Bref Marta est devenue le centre de sa vie, son obsession. Le reste de la famille compte peu.

Par la magie de l’écriture l’auteure nous fait entré dans la tête de Sandra et on réussi même à s’intéresser à cette vie un peu creuse. Marta est le mcguffin d’une histoire racontée d’une écriture classique avec assez peu de dialogues. On pense forcément à Madame Bovary et on se dit qu’il est plutôt bien que, depuis Flaubert, le nombre de pages des livres ait été réduit d’un facteur deux ou trois. Essayez de relire madame Bovary, vous verrez de quoi je parle, sinon c’est que vous êtes encore plus cinglé de littérature que moi et là je dis chapeau !  

Nathalie Kuperman vit et travaille à Paris. J'ai renvoyé Marta est son quatrième roman

Extrait:

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01/04/2006

S. Benchetrit

medium_benchetrit.jpgChroniques de l’Asphalte

Samuel Benchetrit

Julliard

Candidat au prix du Livre Inter

Premier tome des cinq que Benchetrit a décidé de consacrer à son enfance. Une auto-fiction qui se passe dans une HLM de banlieue. Une banlieue plus riante que celle de la téloche, mais la téloche ne nous montre que les trucs qui foirent. Ses amis s’appellent André, le fils de l’éboueur, Karim un beur, Riton et Daniel… ils ont dix, douze, treize ans, tous un peu margoulins. Samuel ne parle guère de lui dont on peut penser qu’il est le plus futé e la bande.

La structure en une quinzaine d’anecdotes qui se passent d’étage en étage jusqu’au douzième et même jusqu’au toit en terrasse est une construction simple qui marche plutôt bien. Au milieu et vers la fin des souvenirs plus personnel et nostalgiques, au douzième un cosmonaute arrive sur le toit. J’ai beaucoup aimé la petit Mina qui va voir X fois les Nuits Fauves. Karim qui contemple ses chaussures neuves et roule le flic venu lui acheté du haschich…
 
Une écriture simple, décontractée et efficace, une mise en scène à l’intérieur des chapitres bien faite, je me suis laissé emporter par la fraîcheur de ces petites histoires, l’atmosphère du quartier.

Aux dernières nouvelles le numéro deux est prévu pour la fin de l’année. Samuel tiendra-t-il la route ? La démarche fait penser à Michel Tremblay et ses Chroniques du Plateau Mont-Royal, la grosse femme d'à côté est enceinte, le premier quartier de lune, un objet de beauté… plein d’autres et mon préféré : Un ange cornu avec des ailes de tôle. Cette comparaison pourrait faire plaisir à Benchetrit mais atteindre la force de Tremblay n’est pas à la portée du premier surdoué venu.

Extrait:

Au début, la famille Bouteillé habitait au neuvième. Et puis la mère, je crois qu'elle s'appelait Suzanne, enfin madame Bouteillé, elle a eu une sclérose en plaques. Alors plus sa maladie avançait et plus ils descendaient d'étage dans l'immeuble. (,,,) Quand Jojo (le père)jetait un coup d'oeil dans son rétro, il pouvait voir Titi et Neness, ses jumeaux, charger la benne à ordures, pendant que Marco, son aîné, restait accroché au camion, occupé à faire marcher le broyeur.
Nous, on les voyait tous les matins à l'école. C'est pas qu'on les croisait pendant leur tournée. Non. Ils déposaient Dédé, un de mes meilleurs amis, le dernier des Bouteillé, encore trop jeune pour travailler sur le camion. Quand Dédé descendait de la benne, il était plutôt gêné, faut dire que tout le monde se foutait de sa gueule. Et comme sa seule façon de s'en tirer c'était la dignité, il nous disait à chaque fois : Ca va... Y a pas de honte.

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30/03/2006

Le boléro

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Mais  qui donc a composé le boléro de Ravel ?

 

Après un premier article sur le dernier livre de Jean Echenoz et en attendant la suite des notes de lecture, c'est avec grand plaisir que j'accueille sur ce blog un texte de Jean Perrenoud à paraître dans le Passe-Muraille numéro 70.

Jean  est juriste et documentaliste à l'Université de Neuchâtel (Suisse). Comme moi, il collabore depuis peu au Passe-Muraille, périodique littéraire de Suisse romande.

[Mais  qui donc a composé le boléro de Ravel ?]

Mélomane amateur, j’ai trouvé la réponse à cette question fondamentale dans le nouveau roman de Jean Echenoz. J’y ai surtout découvert les 10 dernières années du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937). Alors que d’autres écrivains, en cette année d’anniversaire, vous balancent des fadaises et des inepties sur Mozart, Jean Echenoz, avec brio, anticipe d’une bonne année l’anniversaire des 70 ans de la mort de Ravel, ou alors, avec une bonne année de retard, publie un hommage pour les 130 ans de la naissance de l’artiste. Après Au piano (2003), roman dans lequel il décrivait finement un pianiste professionnel confronté à l’enfer de la vie et… de la mort, Echenoz poursuit son exploration de l’univers musical en évoquant, avec pudeur et ironie la vie d’un compositeur, à cheval entre deux siècles, connu de tous pour une œuvre « tantrique » jouée jusqu’à l’écoeurement, mais si méconnu dans sa vie intime, dans sa solitude, ses insomnies et, surtout, dans l’effilochement terrible de ses facultés intellectuelles à la fin de sa vie.

Pierre Lepape, qui offre un portrait très sensible d’Echenoz dans le Dictionnaire des écrivains de langue française (Paris, Larousse, 2001, p. 585) parle de légèreté pour l’écriture de cet auteur discret et il a raison. Je savoure encore les trois premières phrases, intrigantes, de son roman : On s’en veut quelquefois de sortir de son bain. D’abord il est dommage d’abandonner l’eau tiède et savonneuse, où les cheveux perdus enlacent des bulles parmi les cellules de peau frictionnée, pour l’air brutal d’une maison mal chauffée. Ensuite, pour peu qu’on soit de petite taille et que soit élevé le bord de cette baignoire montée sur pieds de griffon, c’est toujours une affaire de l’enjamber pour aller chercher, d’un orteil hésitant, le carreau dérapant de la salle de bains. Il convient de procéder avec prudence pour ne pas se heurter l’entrejambe ni risquer en glissant de faire une mauvaise chute.
Les lieux, les animaux, les objets, et notamment les moyens de transport, deviennent des personnages à part entière du roman et prennent ainsi une part active au devenir de notre compositeur. J’ ai croisé aussi, pêle-mêle, Satie, Bartók, Stravinsky et Gershwin, mais aussi Sacco et Vanzetti, Gerry Mulligan ( !), Ida Rubinstein, Canetti, Véronal, Nembutal et Prominal ainsi que quelques techniques plus ou moins imparables pour endormir les grands insomniaques.

Il y a de belles inventions dans l’écriture d’Echenoz. Ainsi du boléro : Voilà : il est en train de composer quelque chose qui relève du travail à la chaîne. Et plus loin : Voilà qu’il vient de finir ce petit truc en ut majeur dont il ignore qu’il fera sa gloire, quand on le fait venir à Oxford. Celles-ci font avancer la narration, poussent plus loin, toujours plus loin, ajoutent au suspens.

Ces 123 pages tiennent en haleine, font plonger dans l’univers du compositeur. Par moment, on se croit dans la tête de Maurice Ravel comme d’autres l’ont été dans la peau de John Malkovich. J’ai été pour ma part transporté par ce texte foisonnant :
De retour à Montfort-l’Amaury, c’est un printemps français classique et tempéré qui change des excentricités américaines. Avant même que Ravel ait ouvert la porte de sa maison, au-dessus de lui des bandes d’oiseaux l’accueillent qui mettent au point leurs récitals. Du rouge-gorge des murailles à la nonnette mésange, un tas de petits types s’égosillent ainsi dans les arbres, lançant leurs chants que Ravel connaît sur le bout des doigts, sous l’étroite surveillance de ses deux chats siamois.
Tout y est : l’atmosphère limpide des nouveaux jours, la joie de vivre, mais aussi la menace, à peine voilée, d’un coup de griffes qui peut blesser à tout instant.

Jean Perrenoud

Jean Echenoz, Ravel : roman, Paris, Editions de Minuit, 2006.

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29/03/2006

F. Bégaudeau

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Entre les murs

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François Bégaudeau

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Editions Verticales

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Une année scolaire (2004 ?) dans un collège parisien (19ième arrondissement) black-blanc-beurre ou plutôt black-yellow-beurre. Une classe de troisième. Un prof narrateur plutôt malicieux et plein d'humour.

Les communautés chinoises et maghrébines s’affrontent dans un français très approximatif et assez amusant. La narration lâche (on est perdu pendant les premières 40 à 50 pages) tente de reproduire l’enchaînement des jours dans les salles de classe alternées de salle des profs. Des profs souvent aussi gamins que leurs élèves et qui se battent avec les 50 centimes qu’exige la machine à café.

On finit par mémoriser les noms des quelques élèves que l’on n'arrive pas vraiment à suivre à l’exception de Dico, la tête de turc du narrateur. Dico visite chaque jour le bureau du directeur et il le cherche bien. Il est tannant Dico, achalant comme on dit au Québec. On en repère quelques autres, la belle Hinda qui pourrait faire craquer son prof de français et qui ressemble à qui, à qui… « Vous trouvez pas monsieur qu’elle ressemble à Jennifer de la Star-ac, Hinda ? » Ah oui, bien sûr, à Jennifer… et en mieux. Un récit parfois décousu et semé de perles du langage djeune. « Je sais pas c’est quoi, monsieur, l’invraisemblance » dialogue bien (re)construit, travail sur le langage, sur ce vocabulaire de base qui semble manquer à ces jeunes qui se noyent dans le verlan et les constructions approximatives.

Quelques paragraphes un peu inutiles dans un livre plutôt sympa et agréable à lire, une fois passé le premier agacement des manques de repères. Livre qui s'apprécie au fil des pages et qui donne une agréable sensation de former une oeuvre. « Entre les murs » a reçu le prix Télérama / France Culture. 

Aura-t-il le prix du livre Inter ?

Extrait :

À la craie j'ai écrit laxiste = permissif. Alyssa a copié sur un bout de carnet.
- En ce moment par exemple, on se demande si l'école est pas un peu permissive, si elle devrait pas punir plus, par exemple des gens comme Mezut qui se retournent dix fois par heure, hein Mezut ?
- C'est parce que y'a un truc j'comprends pas. _ Ah?
- J'sais pas c'est quoi un gène, m'sieur.
- Ben quand même... Je viens d'expliquer... Washington DC, Bien-Aimé savait.
- C'est quand on a envie de tuer et qu'on peut pas s'en empêcher.
- Attention, le gène est pas forcément du crime. Et je répète que le gène du crime, actuellement personne ne l'a trouvé. ,
Alyssa avait commencé à noircir une feuille, Mezut n'avait toujours pas compris, Fayad riait de je ne sais quoi, les boucles d'oreilles en plastique d'Hadia frétillaient à l'unisson de son cerveau.

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