09/08/2014
Conte d'été -7-
Eh oui, Jòn Gnarr le saltimbanque, le bateleur d’estrades et de plateaux télé, le Coluche* islandais, a gagné les élections avec le Meilleur Parti. Il va devenir fin juin 2010 le maire de Reykjavík, le second personnage de la république islandaise.
Parmi les membres du Meilleur Parti figure : Einar Örn qui fut le premier à monter sur scène avec Björk et qui est encore plus imprévisible qu’elle ; Óttarr Proppé, un punk incontournable et hypercultivé et Björn Blöndal, qui sont respectivement le chanteur et le bassiste de Ham, un groupe de heavy metal.
Ce sont les gens qui vont gérer Reykavik.
Une fois le dépouillement terminé, la Première ministre islandaise a déclaré que le résultat était un “choc”. Un choc pour tout le monde ou presque : pour les partis traditionnels au pouvoir parce qu’ils venaient de perdre l’élection, et pour le Meilleur parti parce qu’il venait de gagner. C’est séisme politique titrent tous les journaux de l’île le lendemain.
Les partis traditionnels pourraient s’allier contre Gnarr mais c’est finalement Jòn qui va composer et former une alliance avec les politiciens de métier. Le soir du scrutin, le Meilleur Parti pose ses conditions : pour prétendre à entrer dans la coalition, il faut avoir vu les cinq saisons de la série The Wire (en français Sur écoute). Les sociaux-démocrates acceptent l'alliance et, selon la presse locale, risquent ainsi le suicide politique. Dagur Eggertsson, le chef du parti, que ses amis et ses ennemis disent “très doué pour parler, mais moins doué pour écouter”, vient de perdre sa deuxième élection d’affilée. Il veut le pouvoir. Il emprunte donc trois saisons de The Wire à un ami.
« Au début, on s’est dit que ça tiendrait tout au plus un an, se rappelle cet élu social-démocrate. Mais, étonnamment, tout s’est très bien passé. Ils avaient de belles idées : défendre les droits de l’homme, faire de la politique une œuvre d’art, etc. C’est presque toujours Dagur qui dictait la stratégie. (...) Je crois qu’ils (ceux du meilleur parti) ne pensaient qu’à trois choses : survivre, assumer leurs responsabilités et s’amuser. C’était vraiment une époque joyeuse. »
Jòn va tenir une de ses promesses, il va réellement mettre un ours polaire au zoo de Reykjavík. Avec le réchauffement climatique, les ours blancs viennent sur les terres et les islandais les tuent sans pitié en dépit des accords internationaux. C’est le genre de truc qui révulse Jòn Gnarr. Il revendique son incompétence dans pas mal de domaines mais il a des convictions et ses engagements environnementaux en font parti. A peine élu maire il participe par exemple à la gay pride déguisé en Drag Queen. Il va même soutenir la loi en faveur du mariage pour tous en France. Hé oui ! (voir ci-dessous)
L’idée de ce conte m’a été inspiré par un excellent article du Tages-Anzeiger de Zurich, traduit et publié par Courrier International. Je compte bien vous narrer la suite et quelques anecdotes liées à Jòn. Rester branchés pour quelques épisodes…
* Devant le succès du mandat de Jòn Gnarr, on se prend à penser que... enfin peut-être que... Coluche président... Qui sait ? Mais était-ce un succès ? Vous le saurez en lisant la suite...
07:27 Publié dans Courrier International, Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
08/08/2014
Conte d'été -6-
La campagne bat son plein...
Dans les débats publics, plutôt que de batailler avec les autres candidats, Jòn préfère raconter des anecdotes . Les professionnels de la politique en sourient. Du moins jusqu’à ce que le Meilleur Parti atteigne 10 % dans les sondages. Là, le ton change. On accuse Jòn de ne prendre ni la situation ni la population au sérieux. La presse commence à ne plus trouver ça drôle du tout. L'establishment commence à s'échauffer. Le pouvoir est à eux de tradition.
Jòn se fait tailler en pièces lors d’un entretien télévisé. Interrogé sur l’aéroport [sujet sensible], il répond : “Aucun avis.” Il quitte le plateau découragé, humilié, avec le sentiment d’être un idiot. Mais à sa grande surprise le public le félicite : “Enfin un qui avoue qu'il ne sait pas !” Le Meilleur Parti atteint 20 % dans le sondage qui suit.
C’est alors qu’arrive la fameuse vidéo, peut-être la plus drôle et la plus réussie de toute l’histoire politique : une version adaptée pour les besoins de la cause de Simply the Best de Tina Turner, chantée en chœur par les candidats après une brève introduction bien tournée de Jòn, qui commence ainsi : “A vous, concitoyens, de décider maintenant du fond du cœur si vous voulez un avenir radieux avec le Meilleur Parti ou si vous voulez une ville en ruines.” “C’était facile pour nous de tourner une telle vidéo : on était tous des musiciens et des pros du clip”, expliquera plus tard un des amis de Jòn. Quoi qu’il en soit, c’est un beau clip politique : il vous met en joie pour le reste de la journée. Les gens adorent
Lors du dernier débat, Jòn monte à la tribune et déclare : “Nous, au Meilleur Parti, nous avons toujours dit que nous ferions de la politique aussi longtemps que ça nous amuserait. Tout cela est devenu désormais très sérieux. C’est pourquoi je retire ma candidature ainsi que celle du Meilleur Parti aux élections municipales.” Stupeur. Le public reste muet, les autres candidats se regardent. Et Jòn lance : “Mais non, je rigoooooole !” Pour les journaux de l’île, c’en est trop. Ils écrivent que Jón vient de lancer sa dernière blague et le Meilleur Parti de perdre toute crédibilité.
Pourtant, le 15 juin 2015, le Meilleur Parti, sept mois après sa création gagne les élections de la grande ville. Arrivé en tête des votes avec 34,7%, soient six des quinze sièges du conseil municipal. Jòn devient maire de la capitale, le deuxième personnage de l’île après le premier ministre. Il va resté maire jusqu’au bout de son mandat. Sa gestion sera considérée comme la meilleure que la ville n’ait jamais eue.
A ce stade du récit, s’il reste des lecteurs, ils se divisent en deux camps : Ceux qui ne connaissent pas l’histoire et qui se disent que vraiment ce conte d’été ne tient pas debout, qu’on ne peut pas inventer n’importe quoi, pour ceux-ci, je suis désolé de casser à la fois le suspens et vos illusions… Et puis, il y a ceux qui connaissent l’histoire parce qu’ils lisent les journaux et se tiennent au courant où qu'ils ont trouvé Jòn sur Internet. Pour ceux-ci, j’espère que cette histoire les étonne et les réjouit encore, comme elle m'étonne et me réjouit toujours.
Demain je parlerai plus en détail de Jòn Gnarr devenu maire de Rejkavik, la capitale de l’Islande.Mais écoutez, s'il vous plaît, le clip de campagne...
07:28 Publié dans Courrier International, Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
02/08/2014
Harry et les Simpsons
Avec cette émission de télé réalité orientée vers les sciences, les pays arabes avaient de quoi pavoiser, surtout par comparaison avec nos émissions du genre en occident...
On se souvient aussi que la victoire d'un Gazaoui à "Arab Idol" avait légitimement suscité la fierté des Palestiniens :
Mais depuis, selon Courrier International, la rigueur scientifique semble avoir quitté la place… Au Moyen-Orient, plus la situation se dégrade, plus on impute les échecs à des complots orchestrés par les américains et les européens :
Le site de l’opposition saoudienne Mirat Al-Jazira avance la thèse selon laquelle la brusque invasion du territoire irakien par les combattants de l’EIIL a été préparée par le régime saoudien en coordination avec le Mossad israélien et le soutien logistique d’officiers français.
Plus sérieusement, la chaîne de télévision iranienne Irinn a diffusé un court-métrage prouvant que le best-seller Harry Potter “sert à diffuser l’essence maléfique du sionisme”.
Lors des Jeux olympiques de Londres de 2012, l’agence iranienne Press TV a décelé dans le graphisme du logo des jeux le mot “Zion” (Sion), accusant les Juifs d’avoir mis la main sur les Jeux olympiques.
Plus fort encore, la télé égyptienne, elle a affirmé qu’en regardant attentivement un des épisodes des Simpson de 2001, on comprend que la guerre en Syrie et les “printemps arabes” sont le fruit d’une conspiration américaine.
De toutes façons, et selon plusieurs sources convergentes, les “printemps arabes” sont un complot occidental pour diviser les arabes.
En Egypte, les membres de chaque camp – les partisans de Sissi et ceux des Frères musulmans – s’accusent mutuellement d’être juifs et de mettre en œuvre les Protocoles des sages de Sion.
Sacrés Simpson !
09:55 Publié dans Au fil de la toile, Courrier International | Lien permanent | Commentaires (1) |
08/07/2014
Echec et Mat
Le meilleur moyen de stopper la consommation des substances nocives est de les interdire. Plus personne ne fume de cannabis, impossible de se procurer de la cocaïne, de l’ecstasy ou de l’héroïne… Même les ersatz de ces produits ne sont plus accessibles. Il suffit d’interdire une drogue pour que tout le monde arrête immédiatement de la consommer !
Idem pour les gros mots. Il suffit d’interdire de dire fuck, dick, bite, putain, cul, merde, pine et boxon pour que plus personne n’utilise ces mots tabous sauf Georges Brassens bien entendu. Enfin naguère, le pornographe du phonographe tous les samedis allait à confesse s'accuser d'avoir parlé de fesses et promettait ferme au marabout de les mettre tabou. Mais craignant, s’il n'en parlât plus, de finir à l'Armée du Salut, remettait bientôt sur le tapis les fesses impies.
Et bien figurez-vous que les anglais ont décidé d’interdire la clope aux gens nés après l'an 2000. Interdiction définitive qui un jour s'appliquera aux gens de 20 ans, puis les mêmes à 30, puis 40 etc... Les rois de la dope, les Pablo Escobar et les Al Capone de la clope british se frottent les mains.
De leur côté les russes ont décidé que, depuis le premier juillet, il est désormais interdit d’utiliser le « mat ». Le mat, en russe MAT, désigne une façon de s'exprimer argotique, grossière et obscène, basée sur un vocabulaire spécifique très cru, utilisée en Russie et dans d'autres communautés de langue slave.
Il semblerait que le mat soit très spécial. Andreï Zviaguintsev, dans la Komsomolskaïa Pravda affirme que : « Le mat est un phénomène linguistique unique, voire sacré. Il puise ses racines au plus profond de la culture traditionnelle russe. »
Sacré ? ben merde alors ! L’argot russe serait plus balaise que le notre, mieux que les insultes du capitaine, plus fort que la vulgarité de nos humoristes... j’en suis sur le cul.
Désormais, en Russie, le mat sera interdit dans les livres et dans les films. Il faudra donc se contenter de films américains pour entendre des phrases aussi inspirées de sacralité que « Don’t fuck yourself but fuck the fucking fucker before the fucking fucker fucks you »
* D'après deux articles de Courrier International.
18:12 Publié dans Courrier International | Lien permanent | Commentaires (2) |
20/05/2014
Vin gagaouze
J'ai déjà parlé ici de la Gagaouzie turcophone fortement russifiée (les confettis jaunes sur la carte). En février dernier, les gagaouzes ont voté pour une intégration dans l'Union douanière avec la... Russie.
J'y reviens suite à un article de Courrier International qui nous apprend que comme le reste de la Moldavie, la Gagaouzie est productrice de vin...
L’ancien maire, Dmitri Stamat, confirme que Tomaï, bourgade fière de son exploitation vinicole, Tomaï-Vinex, qui emploie quelque 120 villageois, se vide un petit peu plus chaque jour. Il ajoute qu’il vaudrait mieux que le village disparaisse, surtout si le pays se rapproche de l’Union européenne. “Il y a quelques années, il y avait environ 1 400 enfants, il en reste 372 aujourd’hui. Et plus qu’une seule crèche. L’école aussi est vide. Il n’y a plus de jeunes, ils partent tous. Les femmes travaillent en Turquie, les hommes à Moscou.”
J'avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi ils sont si hostiles à une entrée dans l'Europe alors qu'ils sont voisins des ukrainiens de l'ouest, ceux de la place Maïdan, qui eux semblent être très favorables à l'UE. Récemment, une délégation de la Fédération de Russie a promis d’accorder 300 bourses d’études aux enfants de Gagaouzie. Les gagaouzes sont inquiets d'une possible flambée du gaz russe en cas d'adhésion de la Moldavie en Europe...
Par ailleurs, je n'arrive pas à trouver de vin moldave en France. En fait, c'est peut-être l'explication. S'ils arrivaient à écouler leur production à l'ouest au lieu de vendre à bas prix en Russie ou au Kazakhstan, ils seraient peut-être plus enclins à nous trouver sympathiques. D'autant que ces dernières années les russes refusent leur vin au prétexte qu'il contiendrait des pesticides. Affirmation sans preuve pour punir les sympathie moldaves pour l'UE.
Bref, il faudrait aller faire un tour à Comrat et pousser jusqu'à Chisinau et Tiraspol et surtout goûter leur vin pour se rendre compte.
09:32 Publié dans Courrier International, Géographie | Lien permanent | Commentaires (5) |
15/05/2014
Saucisse
Devant la pléthore d'informations inutiles et anxiogènes, on se prend à regretter l'époque de la Gazette. La Gazette est le premier journal français créé par Théophraste Renaudot en 1631 et qui survécu jusqu’à la guerre de 14. Il paraissait le vendredi et n'avait que 4 pages à ses débuts.
En 1999, s'est créé à Moscou le journal russe Gazeta, un journal de qualité que traduit assez souvent Courrier International.Cette semaine un article savoureux sur la fameuse femme à barbe. L'article explique à quel point la victoire à l'Eurovision de Conchita Saucisse a perturbé les russes et les autorités en particulier.
La femme à barbe, ou plutôt l'homme en robe, est devenu(e) en quelques heures aux yeux des Russes un suppôt du Satan occidental au même titre que les fascistes et les bandéristes ukrainiens.
L'article se conclut par :
Pour ce qui est des vedettes locales, Boris Moisseev (danseur et chanteur gay) et les filles de TATU (duo lesbien), on les laissera tranquilles pour prouver que la Russie sait se montrer tolérante, pour dire qu'on est pas complètement obscurantistes et qu'on a nos propres trésors. Certes, nos vedettes ne sont pas beaucoup mieux que Conchita, mais au moins, elles sont russes, elles sont d'ici et elles sont si conventionnellement non-conventionnelles.
Pour ce qui est des prophètes on les préfèrent exotiques mais pour les excentriques on les aime mieux endémiques, les originaux de chez nous qu'on connaît bien. A propos de chez nous, seule la Boutin s'est vraiment offusqué de la victoire de Saucisse. L'UMP s'en prend aux lycéens qui veulent venir à l'école en jupe.
07:33 Publié dans Au fil de la toile, Courrier International | Lien permanent | Commentaires (0) |
09/05/2014
Fainéants ?
Grâce à ces perfides anglo-saxons, les chinois nous envient.
À l'origine, une info qui explique que la loi française allait forcer les managers de l'informatique et du conseil à cesser d’envoyer des courriels et autres communications professionnelles à leurs collaborateurs en dehors des heures de travail. Cette mesure allait contraindre les gens à “résister à la tentation de consulter des messages professionnels sur leur ordinateur ou sur leur smartphone pour échapper à toute intrusion malveillante pendant le temps qu’ils sont censés consacrer à ce que les Français appellent la dolce vita”.
A l'origine, pas une loi mais un simple accord de branche. Et les anglo-saxons de se gausser de ces fainéants de français qui, au passage, bossent plus qu'eux selon l'OCDE. A noter que cette mesure n’est pas sans précédent : le ministère allemand du Travail et Volkswagen sont récemment convenus de limites similaires.
Ce qui est plus curieux, c’est l’inexactitude grossière de la couverture médiatique, qui, fidèle à une longue tradition, décrit les Français comme des snobs décadents et des parasites rétrogrades, et oppose l’effet paralysant de la protection sociale au dynamisme du capitalisme à l’américaine.
Bien sûr, les même journaux anglo-saxons publient à longueur d'année des articles sur le stress, la nécessité de déconnecter, de prendre du recul, de méditer, de débrancher...
Du coup, la nouvelle est parue dans les journaux chinois qui nous ont immédiatement envié. Plus tard, le quotidien réputé Xinjing Bao a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une loi mais seulement d’un accord professionnel. “Les médias anglais ont colporté une fausse nouvelle, soit à cause d’un problème de compréhension linguistique, soit pour se moquer de la fainéantise des Français”, a souligné le journal.
Dolce vita... la traduction a bon dos !
19:55 Publié dans Courrier International | Lien permanent | Commentaires (4) |