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30/11/2012

Le grand cahier

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Je n’ai pas mis ici de notes sur Agota Krystof, si on excepte une brève nécrologie, extrait :

« Agota Krystof, hongroise émigrée à Neuchatel à l’age de 20 ans, est devenue, comme Samuel Becket ou Eugène Ionesco, un grand écrivain de langue française. Elle s’est illustrée avec une trilogie qui commence par Le Grand Cahier, un petit livre étonnant. Un regret : ne pas avoir réussi à la faire venir à St Julien au café littéraire. En remplacement, on avait eu Valérie Petitpierre qui a écrit sa thèse sur la trilogie. Un bon souvenir. »

On ne sort pas indemne du Grand Cahier et on se précipite sur les deux suites qui constituent « la trilogie des jumeaux ». Plus on avance, plus on est embrouillé. L’histoire nous trotte dans la tête des années plus tard. Des petits chapitres de deux ou trois pages. Une écriture sèche à la première personne du pluriel, le nous des deux jumeaux, Klaus et Lukas (anagramme). C’est la guerre, le monde est cruel… Bref lisez-le.

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Mais, on peut faire mieux, le voir au théâtre. Monté par Paula Giusti, une metteuse en scène argentine, élève de Mouchkine, ce roman inoubliable devient un moment d’art dramatique comme on en voit vraiment très peu. Paula a eu l’idée de dédoubler les personnages du roman. Les jumeaux sont joués par deux actrices, les deux grand-mères par deux acteurs. De plus, les jumeaux, dont le lecteur se demande s’ils sont vraiment deux, apparaissent comme des marionnettes actionnées par un troisième acteur.

Ceci semble compliqué mais Paula en a fait une sorte d’opéra très rythmé avec des sons et des pas de danse. Les paires de jumeaux fonctionnent à merveilles, qu’ils parlent ensemble ou séparément, on ne voit pas les ficelles, idem pour les marionettes... On est sous le charme. Du grand art ! Franchement, le plus beau travail de mise en scène que l’on peut voir. Par contre, je ne sais pas où on peut le voir. Pour Divonne, c’est rapé. Il y aura Bienne le 6 décembre, Noisy le Sec le 25 janvier… Je n’ai pas trouvé le site de la troupe. Juste un extrait sur Youtube pour donner une petite idée...

17:05 Publié dans Lecture, Théatre | Lien permanent | Commentaires (0) |

26/11/2012

Match nul

680866982.jpgDe la supériorité de la guerre sur la politique. 

Boris Vian disait que le vrai problème avec les militaires, c’était leur amateurisme. Il expliquait que si les militaires étaient de vrais professionnels, il n’y aurait plus de guerre… faute de combattants. Il suffirait d’une guerre bien menée, surtout avec les méthodes modernes, pour qu’il n’y ait plus du tout de survivants, partant plus de guerre possible.

Lettre à sa Magnificence le Baron Jean Mollet, Vice-Curateur du Collège de 'Pataphysique sur les truqueurs de la guerre (lien) :  "Qu'on me croie : le jour où personne ne reviendra d'une guerre, c'est qu'elle aura enfin été bien faite. Ce jour-là, on s'apercevra que toutes les tentatives avortées jusqu'ici ont été l'oeuvre de farceurs. Ce jour-là, on s'apercevra qu'il suffit d'UNE guerre pour effacer les préjugés qui s'attachent encore à ce mode de destruction. Ce jour-là, il sera, à jamais, inutile de recommencer."

Et bien c’est pareil en politique. Il suffirait de savoir bourrer les urnes avec professionnalisme et au bon moment et il n’y aurait plus de contestation possible. On peut aussi utiliser d’autres techniques : Les faux électeurs, le candidat unique, l’inflation du vote par correspondance, ou encore, soyons modernes, les machines à voter truquées version Jeff Bush en Floride…

N’importe quel dictateur africain a ses propres (ou sales) trucs et astuces… A la rigueur, on peut apprendre des choses dans l’histoire des démocraties populaires qui s’opposaient si bien aux républiques bourgeoises quand il s’agissait d’élection. Les corses peuvent aussi nous donner quelques tuyaux. Bref, comme toujours, les exemples et les théoriciens ne manquent pas, c'est la bonne pratique qui fait défaut.

ump-nucleaire.jpgOn comprendra que j'en veuille à l’UMP ! D’autant qu’ils ont un couple d’experts à la mairie du Vième et sans doute pas mal de d'authentiques spécialistes ici ou là, au moins autant, sinon plus, qu’au PS, au FN ou au Front De Gauche. Certains pensent que leur nouveau président est un grand stratège. Moi, je le dis tout net : c’est un petit joueur, et, bien sûr, son challenger c’est pire.

A moins que… A moins qu'ayant fait appel aux mêmes experts, ayant appointé les mêmes spécialistes, s'étant entouré des mêmes compétences, ils soient arrivés au... match nul.

Un scénario de nullité qui ne peut pas arriver avec la guerre, car deux armées de vrais professionnels compétents s’extermineraient à coup sûr et comme le soulignait Boris, ne laisseraient jamais un journaliste de BFMTV ou d'iTélé survivant pour en parler.

Oui, décidément la guerre est bien supérieure à la politique.   

25/11/2012

Arbres

2-r%C3%A9sineux.jpgJe suis enfin venu à bout du dernier de mes résineux. Il y aura bientôt trente ans que m’a pris cette frénésie de planter. Il faut bien dire que j’étais en âge de planter contrairement à l’octogénaire de la fable (passe encore de bâtir mais planter à cet âge). Eh bien, après avoir bâti, je plantais, oubliant que mon terrain était bien en dessous de l’hectare nécessaire à toute plantation un peu systématique.

Je plantais tant et plus. Si bien que quelques années plus tard, notre maison se retrouva au milieu de la jungle. En fait, décomptée la maison et le reste, le terrain disponible doit mesurer moins de 600 m2.

C’est joli la jungle mais c’est dangereux. On peut prendre un arbre sur la tête ou au moins des graines, certaines en forme de cône, d’autres, les pires, en forme de poussières jaunâtres. Ce serait me dit-on des milliards de générateurs de gamètes de taille micrométrique, des zillions* de fécondants mâles, des immensités infinies de cèdres du Liban en puissance, qui collent sur les dalles et jaunissent le rouge métallisé de la plus belle des voitures.

bucheron.jpgDonc, je me suis mis à couper, couper, couper… J’ai bûcheronné et brûlé le bois de ma mini propriété. Un rendement digne des meilleurs forestiers. A dire vrai, au début, je déplaçais les arbres. C’est assez rigolo le concept d’arbre nomade. Sauf exception, cela ne fait pas des spécimens très costauds mais remarquez que, dans mon cas, c'était plutôt un avantage. Mais, vint le temps où le nomadisme ne fut plus possible, l’espace manquait, les outils aussi.

Donc, j’ai commencé à couper : un saule tortueux trop avide de canalisations voisines, un pin de l’Himalaya, un bouleau, un mélèze, un pin maritime qui lui avait pourtant profité de son nomadisme, deux autres mélèzes nomades un peu rachetos mais dont la souche est encore inamovible quinze ans plus tard,  un cèdre magnifique (du moins aurait pu être… sur un hectare !) et, enfin, le dernier pin maritime dont je craignais qu’il n’écrase un jour, la maison.

J’en oublie, comme ce boulot que j’ai dû couper l’autre jour, ce lilas qui avait séché, ce tulipier des plus prometteurs, ce poirier et ce pêcher faiblards et stériles, cet abricotier fatigué, un petite haie de thuyas (une douzaine) près de la térasse, ces saletés de pyracanthas piquants et toutes ces branches de cotonéasters, de fusains, de viorne boules de neige, de viburnum viburnum, de laurier-tin, ces terribles chèvres-feuilles odorants amenés par les oiseaux, et les arbustes dont j’ai oublié le nom qui n'avaient pas assez de soleil ou qui enquiquinaient le voisinage. Eh oui, en plus, j’ai des voisins, plutôt tolérants, je dois dire.

arbusterouge.jpg[photo cri.ch] Il en reste encore, je vous assure, des arbustes mais aussi deux beaux prunus, un laurier-tin, un arbre de Judée (comme Brassens**), un magnolia aux fleurs mauves pas très dynamique, des cotonéasters, un viburnum rythidophillum, deux lilas, un magnifique cerisier et sa balançoire, un très beau et robuste érable pourpre, un mignon petit érable japonais, un liquidambar, un arbre à perruques, deux pommiers, des mahonias, un sorbier des oiseaux de belle taille, une boule de buis, une boule de laurier, trois fortitias, deux noisetiers, un prunier, le dernier boulot, un acacia frisia, le resepage (repousses) du tulipier, un cognassier à fleur, un truc très piquant aux fleurs jaunes, un cerisier du Japon très beau au printemps, une boule de troène et une d’élaéagnus, liste non exhaustive… Bref, de quoi se chauffer pour les prochains hivers.

Vous devez penser que, soit j’en rajoute, soit je suis fou, hé bien c’est la deuxième hypothèse qui est la bonne.

* En anglais le zillion est un chiffre peu dénombrable qui vient après trillion, quadrillion, quintillion… Multitude, ribambelle, tripotée, floppée, chiée,  ne rendent pas totalement l'idée... 

**

Auprès de mon arbre. par Ederza

06:02 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |

24/11/2012

Sport

4-mariages-et-un-enterrement-1-2-g.jpgUn texte de Jacques Perret piqué sur le site qui lui est consacré. Un texte dans lequel tous les sportifs conceptuels se reconnaîtront et que n'aurait pas renié Oscar Wilde qui disait  : "Le seul sport que j'ai pratiqué dans ma vie, c'est d'avoir marché derrière le corbillard de mes amis sportifs.


14983174-athletisme-lancer-du-poids-disque-marteau-et-javelot.jpg« …je ne suis pas ce qu'on appelle un sportif, au sens plein du mot. Et pourtant je suis habité par le concept du sport, un concept de classe internationale, capable de marquer un drop-goal à quatre-vingts mètres et de réussir deux cent cinquante kilos à l'arraché, sans toutefois que la performance dépasse les limites réglementaires du concept. Si vous préférez, ma sportivité serait plutôt virtuelle et mon sportisme une disposition de l'âme, une latence dans la texture de mon en-moi le plus passionnément velléitaire. Du point de vue de l'amateurisme, il est évident que mon affaire est d'une pureté remarquable. Du point de vue strictement concret, en revanche, disons que j'arrive tout doucettement à l'âge où on enlève un cent mètres en trois minutes cinquante-neuf secondes, avec une pelure d'oignon au départ et un bordeaux rouge à l'arrivée.

N'importe comment, il n'est pas nécessaire de pratiquer les sports pour en admirer les instruments. Dans un autre genre, on peut s'intéresser à la devanture d'un luthier sans être violoniste, et, pour un esprit libre, contempler une vitrine de pompes funèbres n'engage à rien ; mais quand même, vous aurez senti en vous s'ébrouer je ne sais quelle disposition ineffable à la musique ou à la mort. Devant un étalage d'articles de sport, les plus détachés de la réalité sportive se sentent parcourus de secrètes aptitudes à coiffer tous les palmarès et, personnellement, dans une musculature plutôt moyenne, je perçois le gonflement prestigieux de mon complexe athlétique avec toutes les démangeaisons et les picotements distinctifs de l'influx olympique. J'avais l'étoffe d'un champion, c'est indiscutable, et j'ai bêtement perdu ma jeunesse à différer le choix de ma spécialité en interrogeant les devantures de magasins de sport sans pouvoir me décider.

14983170-triathlon-natation-le-cyclisme-et-la-course.jpgCe qu'il aurait fallu pour satisfaire ma passion indéfinie, c'est une panoplie à la fois récapitulative et synthétique, un équipement polysport comprenant, par exemple, escarpins cyclistes, jambières de hokey, visière de tennis, lunettes sous-marines et gants de boxe, ensemble étudié pour disputer le championnat de cyclo-tennis nautique à coup de crosse en dix rounds pour le titre des stayers bantams en piscine de terre battue. Là comme ailleurs, hélas ! je suis trop en avance sur mon siècle et il n'est pas de club pour entrainer les gens comme moi, challenger de l'absolu. Comment trouver un adversaire et où trouver l'arbitre ? A la rigueur on peut se passer d'adversaire, mais l'arbitre est indispensable, surtout quand il n'y a pas d'adversaire, car, au rebours de l’opinion commune, on triche volontiers quand on court après son ombre, et le boxeur de soi-même est tenté par les coup bas.»

Le vélo, in Le Machin, Gallimard, Paris, NRF

(Le Machin est la source du vistemboir sans e.)

crédits Images

21/11/2012

Contradiction

M.Chatterly_Sculpture_AgainstTheCrowd.jpgOn connaît tous quelqu’un, et même quelques plusieurs, qui fonctionnent à l’esprit de contradiction. L’esprit de contradiction est un esprit très ancien et très puissant. Il frappe souvent à la fin des repas quand le maître de maison sort une bouteille d’esprit de vin et que la conversation s'engage sur la politique… mais pas seulement.

contrarian_trollcat.jpgIl y a des esprits contrariants qui frappent à n’importe quel moment de la journée sur des individus bien choisis que nous appellerons donc des « contrariants ».  Faciles à reconnaiître, ils ont pour opinion, le contraire de celle que vous venez d'émettre. Eh bien, figurez-vous que ces contrariants sont en train de prendre la démocratie en otage. C’est du moins ce qu’affirme depuis 2004, Serge Galam.

 

200px-Serge_Galam.jpg

Attention Serge Galam ne l’annonce pas au hasard. Serge Galam est un physicien enseignant au CREA de l’école polytechnique, qui connaît bien la mathématique du chaos (vous savez, l’aile du papillon australien qui provoque un cyclone américain). À partir de son modèle de contrariants, il a prévu, dés 2004, que les élections à 50/50 étaient sur le point de se produire fréquemment dans les démocraties occidentales.


Tout a commencé par l’élection volée, en Floride, de W Bush sur Al Gore en 2000 (bien vu Galam). Et ensuite ce qui a été prévu s'est produit. Les élections à 50/50 se sont répétées contre toute attente, en 2005 en Allemagne, en 2006 en Italie, en 2006 au Mexique et en Tchéquie. Au PS, on a eu les 42 voix en faveur de Martine, à l’UMP, 98 voix pour la défense du pain au chocolat.

OPINION.jpegLa théorie démocratique consiste à considérer des individus rationnels qui se font chacun leur opinion en fonction de leurs croyances, leurs cultures, leur vision de la société, et de toutes les informations qu’ils reçoivent aussi bien par les médias que par toute sorte de support. Ensuite, ils valident leur opinion en essayant d’en convaincre les autres lors de discussions en petits groupes avec leurs connaissances et rencontres. Mais c'est sans compter avec les contrariants.

La théorie de Galam, c’est que, dans les démocraties occidentales, la population aurait au moins 15% de contrariants (vérifiez dans votre entourage). Par définition l’opinion des contrariants varie en fonction du résultat annoncé. Plus on annonce Fillon vainqueur, plus les contrariants décident de voter Copé. Du coup, sondage après sondage, débat après débat, les contrariants se contrarient de plus en plus pour aboutir au plus près des 50/50 nous dit la théorie du chaos, version "contrariants".

Finalement, ce sont les petites erreurs de comptage (et parfois les petites triches*), normalement sans effet, qui font les élections rendant le système parfaitement injuste. Je ne sais pas vous, mais moi je trouve ceci parfaitement… contrariant.

* les grandes triches donnent des résultats indiscutables.

18/11/2012

éloge

AH.jpgLes notes du garde-mots me manquent.

Ses petits textes pour illustrer un mot, et plus souvent un ensemble de mots plus ou moins synonymes, étaient à la fois indispensables, instructifs et ludiques. Bref, je me fais volontiers ici son thuriféraire. L’encens n’est pas si cher pour l’encenseur. L’éloge est à la fois nécessaire et flatteur comme on dit au Figaro.

Bien sûr, je n’irai pas jusqu’à l’hagiographie, encore que... Louangeur, laudateur, complimenteur, loueur, adulateur à la rigueur mais pas flagorneur, ni complaisant, encore moins courtisan, obséquieux, génuflecteur, frotte-manche, lèche-cul, fayot, lèche-bottes ou caudataire.

Non, je ne fais pas dans la reptation, la basse complaisance ni, bien sûr dans l’hypocrisie. Si mon panégyrique tombe dans le dithyrambe, sachez qu’il est néanmoins sincère. Mon adulation est réelle, mes glorifications méritées. Je suis totalement encomiastique et simplement élogieux pour le blog du Gardien des mots, sans être trop emphatique… Quoique !

Bref, le garde-mots me manque.

Caudataire Officier ou serviteur qui porte la queue (cauda) du manteau du Pape, d’un cardinal ou d’un prélat.

Thuriféraire  Clerc qui, dans les cérémonies de l’église, a la fonction de porter l’encensoir.

Hypocrite Du latin hypocrita, issu du grec ὑποκριτής (hypokritếs) « mimique ». Se disait des souffleurs ou des acteurs qui officiaient dans les théâtres à l’époque antique.

Hagiographie Du grec άγιος, agios (« saint ») et γράφειν, graphein, écrire. La biographie d'un saint.

Panégyrique Du latin panegyricus, emprunté au grec ancien πανηγυρικός, panêgurikos (« éloge public »)

Encomiastique Du latin encomium (« éloge »), du grec ἐγκωμιάζω (« louer »).

Dithyrambe Du grec ancien διθύραμβος, dithúrambos. Le mot s’appliquait à Dionysos/Bacchus, qui, sorti du sein de Sémélé puis de la cuisse de Jupiter, était entré dans la vie par deux portes.

Eloge Eu – bon – Logos – discours, raisonnement – Aussi du latin eulogia (« bénédiction, eucharistie »).

A noter tous les mots en lien avec la religion, hagiographie, génuflecteur, encenseur, caudataire, thuriféraire et eulogie. Onfray a raison.

Si j’obtiens des nouvelles d’Alain, je les posterai ici en commentaire. Voir commentaire.

17/11/2012

Je me souviens

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Quand j'ai vu l'affiche, je me suis dis "Chouette, Perec !". Sur ce blog, je me suis laissé aller à quelques "je me souviens" à la manière de Perec qui en a écrit 480, c'est par ici 1 - ici 2 - ici 3. (Pas terrible à la relecture)

En fait, l'autre soir à St Julien, ce n'était pas les souvenirs de Perec mais ceux de Jérome Rouger. Eh bien, même moi, qui suis très perequien, je n'ai pas été déçu (ou alors déçu en bien).  

Jérome Rouger a transposé les "Je me souviens" à son enfance dans le bourg de Terves, une commune associée à la ville de Bressuire, sous-préfecture des Deux-Sèvres. Des "je me souviens" très locaux donc et pourtant, Jérome touche à l'universel. C'est aussi un très bon comédien et les personnages qu'il campe nous deviennent très présents et familiers. On les a déjà rencontré quelque part. Un délicieux spectacle qui commence comme ça...

Je ne me souviens plus du début. 

Je me souviens que j’habitais à Terves, juste à côté de Bressuire, dans les Deux-Sèvres.

Je me souviens que je n’aurais voulu habiter nul part ailleurs qu’à Terves.

Je me souviens que quand j’allais en vacances, quand on me demandait d’où je venais, je disais des Deux-Sèvres, et personne ne savait jamais où c’était.

Je me souviens qu’en arrivant dans le centre de Terves, depuis Bressuire, il y a le château d’eau, en face, le champ de mon grand-père, plus bas, la salle des fêtes à gauche, la place de l’église, l’église ; en face les deux cafés, le café Jourdain, tenu par les sœurs Jourdain, Marie et Yvonne, et le café des sports, tenu par Louis Revaud et sa femme Marie Gabrielle, la cordonnerie d’Abel Niort à droite de chez Revaud, un peu plus loin, les Carlos, Jacky Poupart au fond de l’impasse, et à droite des Carlos, la maison de Marie Charruault et devant la maison, le banc. Le banc public de Terves.

Je me souviens que Marie Charruault était une veille dame, et que c’était une des seules personnes de Terves que je connaissais qui avait une bibliothèque. Je me souviens qu’elle était souvent assise sur le banc en train de lire, et que quand je passais en vélo, je m’arrêtais régulièrement pour lui parler.

Je me souviens qu’à chaque fois qu’on rentrait de vacances, notre voisin, Pierrot Billy, venait nous voir à la maison et nous demandait « Alors, vous êtes plus avancés maintenant ? ».

Je me souviens qu’on faisait de la barque sur le lac de Terves et qu’il y avait une petite île au milieu du lac d’où le comité des fêtes lançait le feu d''artifice pendant l’assemblée du village.

Je me souviens qu''une année, le lac de Terves était entièrement gelé, et on avait fait du vélo et du foot dessus.

Je me souviens qu’à sa naissance, les médecins ont dit aux parents de mon copain Gilles Colin qu’il était déficient mentalement, et qu’au bout de trois ans, on leur a dit « non, finalement, il sera normal ».

Je me souviens que Chiché est un village qui se situe à 15 kilomètres de Terves et qu’on disait tout le temps quand on voulait se moquer de quelqu’un « tu serais pas de Chiché toi ? », et que j’ai longtemps cru qu’à Chiché, on était différent et plus bête qu’ailleurs.

Je me souviens que le 10 mai 1981, mon père, qui ne manifeste jamais ses émotions, s''est levé de la chaise et a crié « ouais » lorsque le portrait de Mitterrand est apparu à la télévision.

Je me souviens que Valéry Giscard d’Estaing n’a accordé la grâce à aucun condamné à mort quand il était président.

Je me souviens que, juste avant que je rentre au collège, une petite supérette Spar s’est ouverte juste à côté du séchoir à tabac de mon grand-père, tenue par Marie Roux, la mère de celui qui distribue le fuel dans le canton.

« Un bon petit diable à la fleur de l''âge La jambe légère et l''œil polisson Et la bouche pleine de joyeux ramages Allait à la chasse aux papillons ».

Je me souviens des vinyles de Georges Brassens sur le tourne disques de la maison. « Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part …».

10:26 Publié dans Théatre | Lien permanent | Commentaires (2) |