02/08/2019
Circé
Grâce à mon ami François et à un arrêt à Ajon dans sa maison de campagne au pied de la pointe de Miribel, où l’on jouit d’une vue imprenable sur le Mont-blanc, je découvre que l’Achéron existe vraiment. On se souvient des animaux malades de la peste :
Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste puisqu'il faut l'appeler par son nom
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
J’étais persuadé que ce fleuve n’existait que dans les enfers. Eh bien non, il existe en Epire et se jette sur la côte au sud de Corfou et au nord d’Ithaque. Il charrie des eaux froides et noires, très rafraîchissantes en période de canicule.
Ithaque est une petite île de 96 km2. D’après Homère c’était l’île dont Ulysse était le roi. Il se peut que l’antique Ithaque (tic-tac) était l’île toute proche de Céphalonie, l'île de Solal et de Mangeclous, bien plus grande que sa voisine.
Mais qu’apprends-je ? On a retrouvé la grotte secrète de Circé la magicienne amoureuse d’Ulysse (qui était moins fidèle que sa Pénélope) dans… Le parc de Circé, Parco di Circeo, au sud de Rome. Cela collerait parfaitement avec la description qu’en fait Homère. Si vous lisez l’italien, c’est ici
Circé offrant une coupe à Ulysse, v. 490-480 av. J.-C., Musée national archéologique d'Athènes.
Circé avait transformé les compagnons d'Ulysse en cochons... mais pas spider
11:30 Publié dans Chroniques Italiennes | Lien permanent | Commentaires (0) |
12/02/2019
Lutte des classes
Je suis tombé sur un livre du sociologue italien Luciano Gallino, un des plus éminents sociologues italiens de l’après guerre, mort en 2015. La liste de ses publications est ici, malheureusement pas traduites en français. Sa biographie en italien est ici.
Il a commencé à travailler dans les années 60 chez Olivetti à Ivrea, il connaissait donc bien le monde du travail et en particulier les nouvelles technologies.
(Olivetti aurait pu être avec Bull et Siemens et d'autres le fondement d'un groupe européen d'informatique rivalisant avec IBM. Mais nous, plus malins, on avait le Plan Calcul, un plan bien français et on l'a eu dans le calCul...)
Je vous traduis la 4ième de couverture de sa dernière parution intitulée :
« La lutte des classes après la lutte des classes »
La caractéristique saillante de la lutte des classes à notre époque est celle-ci : La classe que l’on peut définir comme celle des vainqueurs, conduit une lutte tenace contre la classe des perdants.
Depuis les années quatre-vingts la lutte conduite par la base pour améliorer sa vie a cédé la place a une lutte du haut pour récupérer les privilèges, les profits et surtout le pouvoir qui s’était d’une certaine manière érodé dans les trente années précédentes.
Ainsi est le monde du travail au XXIième siècle, ainsi a changé la physionomie des classes sociales, ainsi sont les normes et les lois voulues par la classe dominante pour renforcer sa position et défendre ses intérêts.
L’armature idéologique qui est derrière ces politiques est celle du néolibéralisme, une théorie générale qui a donné un grand coup de pouce à la financiarisation du monde et qui a maintenu une pression ininterrompue malgré les bruyants démentis auxquels la réalité l’a soumise.
La compétitivité que cette théorie invoque et les coûts que cette compétitivité impose aux travailleurs constituent une des formes assumées de la lutte des classes de nos jours. Les conséquences sont sous les yeux de tous : augmentation des inégalités, redistribution des revenus du bas vers le haut, politique d’austérité qui minent les bases du modèle social européen.
L'entretien qui a précédé le livre est ici. Ce n'est pas très original mais c'est un bon résumé des causes des certains mouvements.
06:22 Publié dans Chroniques Italiennes, Modernité moderne | Lien permanent | Commentaires (0) |
10/12/2018
Replumé
En février je vous ai parlé du « déplumé » l’arbre de Noël 2017 de la ville de Rome coupé en morceaux. Il était sur la place Venezia devant l’Autel de la Patrie.
Luigi Di Maio n’était alors que le remplaçant de Beppe Grillo, le comique créateur du Mouvement Cinque Stelle (M5S) auquel on compare le mouvement des Gilets Jaunes. Di Maio ne maîtrisait pas bien le subjonctif et il n’avait dit que quelques centaines d’âneries seulement. Depuis il est vice-premier et il en a dit plusieurs milliers chaque mois en se contredisant sans cesse, on a perdu le compte.
En 2018 Virginia Raggi , la mairesse de Rome issue de M5S a fait venir un nouveau déplumé des montagnes du nord (ci-dessous).
Il ne semblait pas en grande forme mais décoré correctement il a meilleure allure. Particularité : il parle (…con particolari effetti "da abete parlante") on ne sait pas encore s’il maîtrise ce foutu subjonctif mais il répond à la Raggi dans un italien métallique : ("Bene signori sono tornato. Benvenuta sindaca"). Il dit qu’il est revenu en tant que déplumé donc.
L’inauguration a eu lieu en présence de Beppe Grillo qui joue les papas Noël de la république depuis qu’il a passé la main à son jeune copain. Et attention, l’arbre est sponsorisé par Netflix*. I denari sono i denari, car l'argent va couler à flot pour Netflix qui innonde l'Europe de ses séries et ses films américains souvent de bonne qualité d'ailleurs. Sauf que les films Netflix ne peuvent pas passer dans les petites salles de cinéma indépendantes.
* Netflix est le N de NATU : les nouveaux champions de la disruption, un mot typiquement macronien qu’affectionne mon ami Aredius J
Surfant et capitalisant sur les services créés par les GAFA (Google-Apple-Facebook-Amazon), une nouvelle génération d’entreprises exploite la digitalisation pour développer de nouveaux modèles économiques disruptifs. À leur tour, ils rendent obsolètes les règles de fonctionnement de leur marché : la construction automobile pour Tesla, l’hôtellerie pour AirBnB, l’usage de la télévision pour Netflix et les transports pour Uber.
GAFA-NATU... on peut penser que ces acronymes sont importants à connaitre. Mais qui, à part Aredius et moi, se souvient du BUNCH ? y a-t-il quelqu'un, sans passer par Google, pour donner les 5 entreprises de la préhistoire (les années 70 du siècle passé) qui se cachent derrière ces lettres ?
10:38 Publié dans Chroniques Italiennes, Société | Lien permanent | Commentaires (1) |
15/05/2018
Commedia
En Italie, ce mardi, la composition du gouvernement semble virer à la farce tellement les deux partis vainqueurs ne s'entendent sur rien. A propos de Cinque Stelle et de la Lega, le Financial Times parle de "Barbares dans la ville". Référence aux goths, francs et autres peuplades barbares qui firent tomber la Rome antique vers le cinquième siècle. Je prendrai d'autres références.
La farce, normal me direz-vous, au pays qui a inventé « La commedia dell’arte. » Dans la distribution des rôles, qui sont Pulcinella ? Scapino ? Pagliaccio ? Pantalone ? Scaramuccia ?
Bon, on sait que le premier ministre ce sera Arlequino, ceci en référence à la pièce de Carlo Goldoni « Arlequin, serviteur de deux maîtres », compte tenu qu’il devra obéir à di Maio et à Salvini. Deux maîtres qui ne s’entendent guère, à tel point que ce premier (qui sera donc au mieux troisième) joue les arlésiennes.
Pour filer la métaphore littéraire, on citera une phrase de Salvini, le petit Mussolini du Nord, à propos des tractations : « Avec M5S, on ne s’occupe pas de nommer les sous-secrétaires d’état, on travaille pour le peuple italien ». Il paraît que son nez s’est allongé comme celui du pantin de bois d’un autre Carlo.
15:30 Publié dans Chroniques Italiennes | Lien permanent | Commentaires (0) |
28/03/2018
La mafia
Traduction par mes soins de l'amaca (le hamac) de Michele Serra publiée dans la Reppublica du 18 novembre 2017.
La mafia n'est rien, un rien organisé pour voler, imtimider et racketter celui qui est quelque chose, qui fait quelque chose, qui produit quelque chose.
La SICILE sans la mafia, sans les mafieux, sans la mentalité mafieuse, serait l'un des pays les plus agréables et les plus riches du monde. Ce serait un endroit où vous pourriez commercer, faire des affaires et cultiver la terre sans les parasites des différents gangs, faire de la politique sans le trafic médiéval des paquets de votes, être des citoyens sans avoir à embrasser les mains de vieillards oisifs.
La Sicile sans mafia, pourrait être un pays moderne, où compterait qui vous êtes et non de qui vous êtes le compère, de qui vous êtes serviteur. Un pays intelligent et spirituel, brillant et ancien, cultivé et sensuel, enfin libéré de cette énorme sangsue monstrueuse qu'est la mafia, parasite du travail des autres, producteur de rien, exploiteur d'énergies pas les siennes, de talents pas les siens, des travaux des travailleurs qui doivent supporter cette bête de somme, ce prélèvement injurieux.
"La mafia est une montagne de merde", a déclaré Peppino Impastato. Mais peut-être que c'est bien moins que ça: la mafia n'est rien, un rien organisé pour voler, intimider et racketter celui qui est quelque chose, qui fait quelque chose, qui produit quelque chose".
10:38 Publié dans Chroniques Italiennes | Lien permanent | Commentaires (0) |
26/03/2018
Un popolo così
Michele Serra est un chroniqueur très apprécié en Italie. Il écrit un papier chaque jour dans la Repubblica, chronique intitulée « Amaca », Hamac. L'amaca est courte, simple et souvent amusante.
Traduction par mes soins de l'amaca du 19 novembre 2017, quelques mois avant les élections qui ont amené les partis populistes en tête. J'aime bien la chute.
Hier matin, le caissier du supermarché était furieux.
Il disait à haute voix que “maintenant on allait tous les renvoyer à la maison, « ces cochons ». Il le disait à une paire de collègues avec force voix et regards devant quelques clients atterrés – comme s’ils n’étaient pas là d’ailleurs - et les collègues répondaient par un crépitement de gros mots utilisés comme ponctuation, « bien sûr, renvoyons les à la maison. Les Cinque Stelle vont arriver et on les renvoie tous à la maison. »
J’ai pensé à l’explosion, brutale mais légitime, d'un homme de 40 ans qui gagne un salaire de misère pour un horaire infernal, avec un petit job en CDD. J’ai pensé à la frustration économique, j’ai pensé, en fait, à la politique. Toujours respectable la politique, même quand elle prend les manières brusques de ce garçon terne qu'on a rendu méchant.
Je me trompais. En sortant, j’ai vu le caissier prendre une amende sur le pare-brise de sa voiture mal garée (très mal garée) et la secouer furibond. La raison de sa furie était donc que « ces cochons » (le flic, le gouvernement, l’Etat, le Maire, l’Italie, le Pouvoir, peut importe qui ou qu’est-ce) avaient osé lui coller une prune parce que mal garé.
Il n’y a pas de parti (Cinquestelle, Gauche, Droite) en capacité de gérer un tel peuple.
16:15 Publié dans Chroniques Italiennes | Lien permanent | Commentaires (2) |
06/10/2008
Bourse
Billet d’humeur posté par Massimo Gramellini dans La Stampa du 24 septembre sous le titre Wall Street expliquée au enfants. Traduction plus ou moins libre (et plus ou moins précise).
Il était une fois une mère qui disait à son fils : si tu m'aides à laver la vaisselle je t’achèterai une glace. Le fils détestait laver la vaisselle, mais l’idée de la glace lui donnait du courage. Mais un jour le vendeur de glaces, qui se décarcassait pour vendre plus (NdT : et gagner plus), suggéra un changement de stratégie à la mère. La femme vint vers son fils un cornet à la main, « tu ne devras plus te fatiguer, promet moi juste que ce soir tu feras la vaisselle. » L’enfant promis. Le jour suivant, il obtint deux glaces en échange d’une promesse de laver les assiettes deux soirs de ligne. Le premier soir il les a lavées, le second il a dit qu'il était fatigué et qu’ils les laverait demain.
Un vieil oncle expliqua à sa mère que cette nouvelle stratégie rendait la glace moins désirable et les vaisselles successives plus lourdes à supporter. « On travaille plus volontiers pour atteindre un objectif qu’en payant la dette d’un objectif déjà réalisé » Tous dirent qu’il avait raison mais personne ne l’écouta. Le vendeur de glace, pour qui la volonté de s’enrichir était devenu maladive, commença à mettre de la poudre dans les cônes pour les rendre plus gonflés.
L’enfant fit une indigestion qui le mit hors d’état de laver la vaisselle. Sa mère, effrayé, hurla au vendeur de glaces: Je ne viendrai plus chez toi. Ainsi, le vendeur ferma boutique et la mère pensa que c’en était fini des glaces. Mais quelques temps plus tard un nouveau vendeur est arrivé qui faisait des cônes excellentissimes… La mère a attendu que son enfant ait fini de laver la vaisselle et lui dit : allez, je vais t’acheter une glace. Je ne vois pas l’heure, maman.
“La mamma aspettò che il bambino avesse finito di lavare i piatti e gli disse: andiamo, ti comprerò un gelato. Non vedo l'ora, mamma.”
La fable est amusante mais je n’a n’ai pas compris la fin, si quelqu’un peu me l’expliquer. Quoiqu’il en soit, je la crois trop optimiste. En fait, comme dit un commentateur c’est : “La gelateria è chiusa e il gelataio sta scappando.” La boutique est fermée et le glacier s’en est enfuit.
08:00 Publié dans Chroniques Italiennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gelati, bourse, enfants, fable |