30/09/2007
Peagni
[Clocher à Tiglietto]
Pas souriants les employées de mairie de Ronco mais coopératifs. Dieu sait combien ils en voient passer dei francesi, italiani, svizerri en quête de leurs racines. On m’ouvre une armoire de fer remplie de registres de naissances et de morts. C’est seulement plus tard que le secrétaire fera glisser la porte et que je verrai aussi les registres des mariages.
Pas facile de s’y retrouver dans ces grands livres. Au bout d’une demi-heure, j’ai compris la logique et je commence par mon père, puis mon grand-père, ma grand-mère et d’autres membres de la famille. Je prends des notes en toute désorganisation. C’est du boulot la généalogie. En fait je me fous de la généalogie mais je dois bien admettre que c’est assez émouvant de retrouver noir sur blanc, l’acte qui enregistre avec témoins la naissance des ces chers antenati (nés avant nous). Moment d'émotion quand je retrouve les mariages en 1909 des deux grands-pères, le mien Besso (Laurent) et Batistta, celui de mes cousins de Bons, célébrés en un beau jour (j'imagine) de Juillet.
Pour faire court, ce qui m’a frappé c’est que tous ces antenati venait d’un lieu nommé Peagni, un hameau (frazione) de Ronco. Donc après mes trois heures d’investigation, muni de ma carte au 25 millième me voilà parti pour Peagni. Après une première côte redoutable, je gare sagement la voiture et me voilà parti dans la montée. La route est goudronnée mais il ne faut pas avoir à croiser. S’ils n’avaient pas le cœurs solide les antenati, ils ne devaient pas survivre longtemps. Réserve de chasse, réserve de pêche, je croise quatre jolies biches et m’approche à cinq six mètres avant qu’elles ne me voient.
A Peagni, pas de panneau indicateur, juste quelques maisons de pierre sèches perdues dans la végétation. Impossible de savoir combien de maisons exactement tant la forêt est dense et la pente escarpée. Trop risqué de grimper dans les ruines. Une impression de belle au bois dormant, un lieu engourdi depuis un siècle. J’apprendrai un plus tard par Giuseppe, un lointain cousin, qu’il a encore habité dans une de ces maisons après la guerre.
Incroyable de penser que tous ces Giovanni, Pietro, Gian-Battistata, Paolo, Besso… toutes ces Maria, Maria Margherita, Maria Magdalena, Maria Giovanna Candida, Maria Appolinaria… tout ce monde d’avant la pilule, enseveli dans les registres de Ronco et déclarés à Peagni, a pu vivre ici dans ces quelques maisons suspendues à la montagne sous le lac de Canaussa, à côté du rio du même nom qui dévale à grandes eaux. La vanité du monde est sous mes yeux, elle me transperce,
Je poursuis ma route vers Tiglietto, un autre hameau où est née ma grand-mère, sur un petit plateau dégagé de végétation habité à temps partiel. Des jeunes qui restaurent ces belles maisons de pierre. Le temps est maussade mais j’ai envie de rester ici.
09:50 Publié dans Canavese | Lien permanent | Commentaires (17) |
28/09/2007
Mont Dolent
Mes grands-parents paternels vivaient accrochés à la montagne dans un petit hameau nommé Peagni qui dépendait du village de Ronco-Canavese. Peagni était alors un petit village d’une dizaine de maisons en pierres sèches et Ronco un gros bourg construit au bord d’une rivière dont les eaux diaphanes roulaient des pierres rondes comme des oeufs préhistoriques ;-)
Aujourd’hui Ronco est le chef-lieu sans grâce du Val Soana dans le Piemont, provincia di Torino. Sans grâce, car les constructions modernes sont laides et ont détruit la belle harmonie des maisons de pierre sans pour autant aérer l’ancien amoncellement delle case. La Soana est la rivière qui roule ces pierres rondes, gros bloc de granit dont on se demande quels géants ont pu faire ici une monstre partie de pétanque.
Si l’on suit la route on arrive à PiamPrato. Un pré plat à plus de 1500 mètres au cœur du Grand-Paradis, le paradis dei camosci (chamois) et dei stambucchi (bouquetins). A Piamprato on trouve un bar, le Bar Bu, gite d’étape proche d'un monument dédié aux stagnini-calderaio, les rügas en franco-provencal, dits aussi les magnins, ces rétameurs-chaudronniers très habiles du val Soana qui partaient gagner leur vie, qui à Milan, qui en Savoie, qui à Paris.
J’étais en vacance cette semaine et d’humeur généalogique. Alors pour commencer je suis passé à Verossaz qui est l’endroit où est né un de mes bisaïeuls côté maternel. C’est une commune en Valais près de Saint Maurice. De la vallée, il faut monter pendant vingt minutes pour arriver sur une sorte de plateau. Au pied des Dents du Midi avec la Cime de l'Est qui ressemble au Cervin. Je n’ai pas trouvé l’aïeul à l’état civil de Saint Maurice, je manquais de précisions, mais je me suis bien promis d’y revenir.
Ensuite, j’ai poursuivi mon tour du Mont Dolent (photo) en diretion de Martigny et du col du grand Saint-Bernard. Le Mont Dolent est un redoutable sommet pyramidal, non loin du Mont-Blanc, qui culmine à 3820 mètres. C'est une des dernières conquêtes majeures de l'alpinisme au XIXième (Whimper-Michel Croz) bien après le mont-Blanc, et juste avant le Cervin. A son sommet se rejoignent les trois lignes de frontière France-Italie-Suisse. Vu que je suis à moitié italien et pour le reste suisse et français, je considère le Dolent comme ma montagne personnelle bien que j’ai abandonné depuis longtemps l’idée de la gravir.
J’étais pas trop chanceux avec le temps. J’ai quand même pu monter en dessus de Piamprato et le brouillard ne m’a pas trop gâché le plaisir. Le lendemain matin j’avais de toute façon rendez-vous au municipio, la mairie, avec une belle pile de registres: extraits de naissance, de mariage et même de mort. Eh oui, ça existe : i registri di morte !
PS: (rien à voir) Au Terrier, 71, bd de la Cluse à Genève, l'acteur Jean Bruno lira : "Badonce et les créatures" d'Alexandre Vialatte. vendredi 28 septembre à 19h. samedi 29 septembre à 18h, dimanche 30 septembre à 18h., Pour réserver vos places, vous pouvez téléphoner au Terrier 022. 320.43.61 (répondeur) ou envoyer un message électronique à leterrier@bluewin.ch
17:00 Publié dans Canavese | Lien permanent | Commentaires (3) |
27/09/2007
Les Hussards
Roger Nimier, le papa tôt disparu de Marie Nimier, était un écrivain qui s’est trouvé au centre d’un mouvement littéraire dont presque tous ses membres refusèrent l’étiquette : Les Hussards. Mouvement nommé par Bernard Franck, chroniqueur littéraire à l’Obs, mort en 2006, dont l'article hebdomadaire avait le don de m’irriter. Roger Nimer avait publié un roman intitulé le « Hussard bleu ».
Les hussards étaient tous des écrivains de droite dont certain comme Nimier ou Antoine Blondin étaient royalistes, voire anarchistes. Ils ont souvent écrits dans Cahiers de la Table ronde et ils s’opposaient aux existentialistes dont l’instigateur était Sartre et la revue Les Temps Modernes. C’est bien entendu de tout cela dont parle en filigrane Marie qui dit avoir eu un peu de peine en mai 68 à assumer la filiation. Elle dit pourtant qu’elle a de grands souvenirs quand elle allait avec papa chez l’ogre de Meudon : Céline Ferdinand. Je peux imaginer.
Le prix Roger Nimier récompense un jeune (hum, Cioran en 77, Frank en 81) auteur dont l'esprit s'inscrit dans la lignée de l'oeuvre littéraire de Roger Nimier. Lire aussi l'article de Pierre Assouline: Grand style et Abjection de la droite littéraire.
Biographies de Nimier. Excusez du peu :
• Marcel Aymé, Roger Nimier, Paris, « Livres de France », février 1967.
• Yves Berger, Roger Nimier, dans Écrivains d’aujourd’hui, Paris, Grasset.
• Antoine Blondin, André Fraigneau, Roger Nimier,
• Pierre Boutang, Les Abeilles de Delphes, Paris, La Table ronde.
• Jacques Chardonne, Lettres à Roger Nimier, Paris, Grasset.
• Marc Dambre, Roger Nimier, Hussard du demi-siècle, Flammarion, 1989.
• Olivier Frébourg, Roger Nimier, trafiquant d'insolence, Les Editions du Rocher, 1989.
• Alain Sanders, Roger Nimier : hussard bleu et talon rouge, Éditions de Paris 2006.
• Christian Millau, Au galop des Hussards , Paris, Fallois, janvier 1999
17:10 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (1) |
26/09/2007
Reine du Silence
Dans le cimetière de Saint-Brieuc où repose Roger Nimier, il y a la tombe de Louis Guilloux et celle du père de Camus, dixit Marie Nimier. Il semble que Marie n’ait pas lu Le Premier Homme, le livre publié quelques années après la mort de Camus sinon elle en aurait inévitablement parlé.
Le sujet des deux romans, l’absence du père, est ce qui m’a le plus touché dans le livre de Marie. Je n’ai pas arrêté, à la lecture, de faire des comparaisons. Ce permis, que Marie rate régulièrement, m’a fait pensé à ce problème que j’ai toujours eu avec la mécanique et les bagnoles en générale. Un extrait sur ce sujet :
« Nombreux sont les écrivains qui ont vu mourir leur père alors qu'ils étaient enfants. Cette perte prématurée serait-elle une petite machine à fabriquer, alternativement, de l'écriture et du silence ? De l'écriture, dans un premier temps, pour combler le vide, puis du silence pour se faire pardonner d'avoir volé la parole paternelle, de s'en être emparé ? Tant que les écrits restent confidentiels, on s'arrange, mais dès que l'on atteint un certain degré de notoriété, les choses se compliquent. L'attention que l'on te porte n'est-elle pas usurpée ? Qui es-tu pour mériter de tels éloges ? Il faudrait établir la liste de tous ces écrivains sans père. De ces écrivains qui se retirent, se mettent à l'écart, et voir s'il y a une corrélation. Mais est-il encore écrivain, celui qui n'écrit plus.
Est-il encore romancier, celui qui n'écrit plus de romans ? La réponse est évidente. On a pu lire des livres entiers sur le sujet, des livres merveilleux sur le renoncement littéraire qui serait, pour certains, le suprême aboutissement de leur carrière artistique. Bien entendu, il reste écrivain, le lecteur »
16:00 | Lien permanent | Commentaires (2) |
24/09/2007
Bolduc
C’est un ruban fin de couleur vive qui sert à ficeler et à décorer les paquets ou les bouquets.
La fabrication du bolduc requiert un certain coup de main surtout pour coller la petite étiquette dorée comme cette fleuriste du cimetière de Saint Brieux dont parle Marie Nimier dans la Reine du Silence. Le bolduc vient de Bois-le-Duc une ville du Brabant septentrional en Hollande où l’on fabriquait ces rubans.
« …tu prends le ruban à la base, tu le coinces entre la lame d'un couteau et le plat du pouce et tu tires en remontant, plus le geste est vif, plus la frisure est moussue, et enroulée serré lorsque le geste est lent, elle sait tout ça sur le bout des doigts, la fleuriste, elle sait que très vite dans la poubelle sa belle construction, comme les pâtissiers leurs décorations en pâte d'amande sur la bûche de Noël dans l'estomac avec la farce, pêle-mêle, les huîtres et le chapon, mais peu lui importe. Elle aime le travail bien fait, il n'y a que cela qui compte pour elle : la beauté du geste, le plaisir de l'instant. Tu auras beau agiter la main en signe de dénégation (c'est pour en face, vous savez, tous ces efforts, est-ce bien la peine ?), elle ne t'écoutera pas, ne te regardera pas, continuera à passer la lame de ses ciseaux contre le ruban doré jusqu'à ce qu'il dégouline en anglaises sur le papier de Cellophane. Sa boutique est à son image. Les fleurs artificielles, les plaques gravées, les couronnes mortuaires, oui, tout est disposé gaiement, avec des anges en terre cuite qui volettent à différentes hauteurs, des bougies parfumées et la radio qui égrène les actualités : terrible accident de la route en ce premier jour du week-end… »
Ce n'est pas un hasard si la radio du fleuriste parle de terrible accident. Marie a perdu son père dans un terrible accident. Il s'appelait Roger Nimier. Il était jeune, écrivain comme Marie, bourré de talent et aussi royaliste et provocateur.
21:19 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0) |
23/09/2007
Drague
L'histoire:
Etienne, le narrateur, pantalon à grosses côtes et sac au dos, n'hésite pas à se sacrifier pour suivre le pèlerinage qui, de Vézelay à Compostelle, perpétue selon lui l'archaïsme de la pensée et la soumission au destin. Appuyé à son bâton de pèlerin, Etienne a plus d'un tour dans sa besace pour approcher au plus près les corps croyants de cette vaste communauté en marche. Le constat est hilarant : la chair est faible, on s'en doutait, mais elle est tout sauf triste...
Commentaire :
Les trois religions révélées donnent au péché de chair une grande importance. A la lecture de ce livre on ne peut que penser que c’est pour ajouter le maximum de piquant à la transgression érotique. Ces catholiques craquantes sont merveilleusement croquées par Etienne Liebig qui ne prend pas de bouillon pour nous mettre en valeur leur plus beaux Callibistrys confrontés au chibre du narrateur. Ce roman sans prétention est un roman athée, bouffeur du curé et pisseur dans le bénitier, paillard, jouisseur et jouissif. J’ai pas mal ri surtout au début. On fatigue un peu au bout d’un moment mais le souffle reprend ça et là au gré de scènes érotiques croustillantes.
Si vous êtes croyants et bien-pensants laissez tomber, ça sent le souffre et la queue de diable à dix lieues.
Etienne Liebig a aussi commis : Comment draguer la militante dans les réunions politiques
07:45 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (4) |
21/09/2007
Rires forcés
Ce matin, je me suis réveillé avec cette stupide phrase en tête:
"Quand un gendarme rit dans la gendarmerie, tous les gendarmes rient dans la gendarmerie."
Alors jai enchainé...
les potes rient, les fromages rient, les niaises rient, les connes rient,
les berges rient, les vaches rient, les sous rient et les sourds rient,
les poux rient, les aras qui rient, les potes rient, les fromages rient,
les canards rient, les verres rient, les bouches rient, les crèmes rient,
...
Par chance j'ai prêté mon dictionnaire de rimes. Si le coeur vous en dit ajoutez quelques ânes rient en commetaire.
09:25 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (10) |