28/12/2005
Oeil serein -1-
Oui, j’ai cru que j’avais un but, monsieur Brul… et je n’avais rien… J’avançais dans un couloir sans commencement, sans fin, à la remorque d’imbéciles, précédant d’autres imbéciles. On roule la vie dans des peaux d’ânes. Comme on met dans des cachets les poudres amères, pour vous les faire avaler sans peine… mais voyez-vous, monsieur Brul, je sais maintenant que j’aurais aimé le goût de la vie.
Boris Vian – L’herbe rouge
D’un œil serein et contemplatif.
Moi qui me croyais si malin, et même d’une intelligence supérieure, j’ai mis des années pour m’apercevoir que je n’étais pas celui que je croyais être. Ça rend modeste. Et la modestie dans ma position actuelle c’est bien utile, indispensable même. Ce parcours de débile, c’est à mon caractère faible que je le dois… Et pourtant… vers quinze ou seize ans, je pensais bien être un leader, un vrai chef. Maintenant que j’ai tout mon temps pour y penser, je me rends compte que mes copains, ceux qui me suivaient, à l’époque, s’accrochaient à moi comme les gamins escortent le clown Paillasse, celui qui annonce le spectacle du soir en zigzaguant dans la rue. « Qu’est-ce qu’il est drôle avec son nez rouge et ses grandes godasses, t’as vu, il distribue des billets gratuits ! » Un vrai chef, c’est autre chose, il y faut du caractère… du charisme comme ils disent chez TKN.
Moi un leader ? Tu parles ! Pourtant, même papa-maman se sont pris au jeu. Pensez, un fils prodige ! Un fils qui, à quinze ans, manipule les ordinateurs comme Radiguet touillait ses petites histoires d’amour égocentriques ! Ils avaient de quoi être fiers. Pas manchot à l’école, deux ans d’avance, bon en tout, l’oreille musicienne, sportif, rapide, champion départemental sur soixante mètres à treize ans. Pas vraiment sports collectifs, pas super adroit au foot, un peu trop perso. « Non, il a pas l’esprit d’équipe le petit Frédéric Dubé. » On ne peut pas tout avoir. Muni de toutes ces qualités, je me suis retrouvé vite fait à l’X, la prestigieuse école polytechnique qui forme nos élites. Elève brillant, toujours brillant, douzième de sa promotion. Ça vous pose un homme.
Pendant les classes de prépa, j’ai douté un peu. Faut pas me prendre pour un chien savant, il y a des limites. Il y a eu un ou deux grains de sables dans cette montée en puissance. Tant mieux ! L’oncle Lucien, par exemple, le frère de maman. L’original de la tribu, célibataire, blagueur, pas très sociable. Un excentrique comme il en faut dans toutes les bonnes familles. Le grand truc de Lulu, c’est la pêche. Toutes les formes de pêches. Il possède la plus belle bibliothèque sur les poissons et les manières de les attraper qu’on puisse imaginer. Pas collectionneur, non, il les prête volontiers, les disperse dans un souci d’élargir la culture halieutique de son petit monde d’amis. Halieutique, un adjectif spécial pour Lulu, c’est lui qui me l’a appris, je devais avoir neuf ou dix ans, ça veut dire « qui concerne la pêche ». Pour moi c’est « qui concerne l’oncle Lucien ». La pêche pour Lulu, ça lui tient de tout, de loisir, de colonne vertébrale, de fil à plombs, de métaphysique. Je l’aime bien mon oncle halieutique.
Même aujourd’hui, dans cette position pas facile, le simple fait de penser à Lulu et aux plombs bien serrés sur nos bas de ligne, ça me remonte le moral. Quand Lucien m’emmenait taquiner la truite au Rhône, Maman n’aimait pas ça. Pour moi c’était le bonheur. Voilà où se trouvait le grain de sable… De retour de la pêche, je n’avais plus envie de rien. Je vouais mes profs et toutes leurs salades aux gémonies. Papa-maman étaient inquiets. Ça me durait quelques jours, puis c’était le retour au calme. Un garçon obéissant, comme avant.
Maman ne pouvait pas comprendre que l’on puisse passer tout son temps à attendre qu’un fil bouge, alors que la vie peut être si riche d’activités. La mienne de vie, à l’époque, riche et active, elle l’était bougrement. On profitait de mes facilités à l’école pour me bourrer de musique, de théâtre, de tous les sports… La musique, c’était parce que papa avait la nostalgie de ses années de violon. Le théâtre, parce que maman avait une vocation rentrée de comédienne. Les sports, c’était la totale. Je les ai tous essayés : du foot, du basket, du hand, du judo, de l'escrime, l’inévitable tennis, la course à pied, le ski de descente, le ski de fond, la natation, même du base-ball… Et j’en passe. J’ai compté, de six à quinze ans, ça fait vingt-deux en tout. Ah oui, avec papa, je faisais du ski de randonnée, un peu de golf et Dieu sait quoi… Pas un qui ne me convienne. Ils auraient dû y voir un signe. J’aurais dû avoir la puce à l’oreille.
Finalement, y’a que les ordinateurs qui ne m’ont pas lâché. Ils sont restés fidèles au poste. Papa est un vrai convaincu du progrès, alors il ne lésinait pas : 33 mégahertzs, puis 66, 100, 133, 166, 300 et ainsi de suite… Les disques idem : mégas, gigas… rien de trop beau pour un fils unique promis à un si bel avenir. On suivait la loi de Moore. C’est simple comme loi : la puissance des ordinateurs double toutes les années et demie. C’est comme les grains de riz sur l’échiquier, en 3 ans : 4 fois plus vite, 6 ans : 16 fois plus haut, 9 ans : 64 fois plus fort. Entre treize et vingt-quatre, ça doit donner du 120 fois plus costaud, plus rapide, plus performant… Deux minutes concentrées en une seule seconde. Pas mal ! Non ? Contrairement à ce qu’on croit c’est plutôt facile à maîtriser ces engins. En cas de vrai problème, il y a toujours le Alt/Ctrl/Del. C’est l’interrupteur spécial Microsoft, on efface tout et on recommence… Aujourd’hui… dans cette position désagréable… à trente-trois ans… rien que d’y penser, ça me donne la nausée.
Je préfère revenir sur Lucien. Avec lui, je pense aux bords du Rhône, aux sangliers, aux hérons cendrés, mon souffle s’apaise. Alors que ces machines… quelle horreur ! Oui, je veux revoir Lucien. C’est le seul qui a compris ma vraie nature contemplative. J’aurais dû mieux écouter sa petite musique… Peut-être que j’aurais évité TKN… pas rencontré ces clowns de la startuferie. Je veux revoir l’oncle Lucien, il me parlera de truites énormes, des heures d’attente à rêver au fil de l’eau, de cette seconde de ferrage si décisive, de cette bière tant méritée… Oui c’est de lui dont j’ai besoin. Maman saura le convaincre de venir ici. Besoin de lui et aussi de Mario, l’italien fou, le bel artiste plus sidérrraaaaal que le grand Dali lui-même.
- à suivre -
18:57 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ecriture |
27/12/2005
Zoubika, le blog
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Fiche signalétique
Nom du joueb : Zoubika
Titre : Carnets intimes..rendez vous manqués
Date de création : 22 Novembre 2004
Auteur : Pacco
Points forts : Un blog qui a du poil: décoiffant – ébouriffant – échevelant, hérissant et même horripilant.
Liens : Ce blog est sur le site des blogs du Nouvel Obs, un hébergeur bourré de pub et qui n’a pas l’air d’offrir beaucoup de facilités au génie de Pacco.
Parmi les dernières notes :
Les notes n’ont pas de titre. Ce ne sont que les aventures de Pacco, de Vanessa et des ses amis. Pacco est un personnage attachant qui ressemble comme deux gouttes d’eaux à un célèbre rocker savoyard du groupe des Marcel Mazout. Il serait de la même famille que cela ne surprendrait pas.
Extrait : « Et puis Zamer a envoyé une autre photo où il explique qu’il a passé de belles vacances en Martinique mais qu’il s’est fait piquer au nez par une moustique femelle et que ce sont les plus mauvaises . Il dit qu’il a connu une grande douleur . Vanessa m’a pris par le cou . Elle chante toujours Papa Noël . »
Enigme : Le blog à été suspendu du 11 Novembre au 5 décembre 2005. Qu’a fait Pacco pendant cette longue absence ? Cela reste un mystère. Il se peut qu’un séjour à la Santé… Il a parlé de trois semaines de pénitence, on en sait pas plus. Si un lecteur avait des infos, surtout qu’il nous en fasse part.
Subjectif
Sans conteste le blog le plus innovant de toute la blogosphère française et au-delà. Lemeur à côté de ça, c’est du resucé fadasse. On déplorera, mais je l’ai déjà dis, la pauvreté de l’interface du site du Nouvel Obs. Cette pauvreté, est-elle une caractéristique d’un journal de gauche ? Je ne sais pas. Le coup de l'Obs, c'est peut-être un volonté farouche de Pacco de se mettre une contrainte supplémentaire pour qu'éclate enfin son génie. J'en suis de plus en plus convaicu.
12:53 Publié dans Portrait de blog | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : Ecriture |
19/12/2005
Machinima
20:40 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Ecriture |
05/12/2005
Paris culturels
Scuplture de Ron Mueck exposée dans l’expo Mélancolie.
Il y a en plus une expo Ron Mueck à la fondation Cartier.
Incroyable richesse du mois de décembre à Paris. Deux heures de queue pour Klimt... une heure à Orsay... Vitrines des magasins avec enfants émerveillés... Acheteuses frénétiques... Grandes coupoles toujours aussi magnifiques...
Week-end culturel. Mélancolie au Grand Palais. Dada à Beaubourg. Willy Ronis à l’hôtel de ville, un photographe de Paris à la maière de Doisneau. Soirées théâtre. J’ai terminé l’affaire homme de Romain Gary dont c’était le 25ième anniversaire de la mort. Un grand bonhomme ce Gary, un homme libre, il n’y en a pas tant que ça.
A propos de Dada, saviez-vous que le fameux urinoir de Duchamp peut-être vu comme un petit bouddha de salle de bain ? C’est passionnant de voir comment ces artistes ont dynamité l’art en quelques années. Sur cette base nette, on peut parfois se demander ce qui s’est reconstruit depuis 80 ans. Gary en parle un peu.
Allez faire un tour sur mon blog de ZDNet, je parle d'archtecture... On ne plaît pas à tous le monde... Il y a des gens sérieux, qu'y faire?
21:25 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ecriture |
24/11/2005
Orgyie pudibonde
Je voulais parler du noeud papillon de la toile signalé par Jean mais le sujet est trop complexe. Peut-être sur ZDnet.
Il arrive que les mots réservent des surprises comme cette orgyie pudibonde qui est une superbe chenille qui donne naissance à un bien triste papillon.
Une autre définition d'orgyie.
22:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ecriture |
20/11/2005
Langage
Balade au Môle
Au sommet, en parlant de la vue une dame disait « C’est sompteux ! » Erreur madame ! Il suffit de grimper deux heures pour voir le Bargy, le Jalouvre, la Pointe-percée, la point d’Areu, la Chaîne du Mont-Blanc, les vallées de l’Arve et du Giffre, le lac Léman, le Salève, le Jura et tout cela pour pas un rond. C'est magnifique !
Le langage
Au début était le verbe…
ça c’est passé tout simplement
Eve dit à Adam
« Si ma pomme te plaît tu croques »
elle était mignonne, il a croqué
…le langage était né !
Avec le temps les langues se sont déliées,
croisées, multipliées… parfois heurtées
et d’un bout à l’autre de la planète
on parle… on parle… on parle…
le monde n’arrête pas de parler
il y a les boutefeux qui crient « En avant »
tout en restant en arrière
les prêchi-prêcha de l’orthodoxie
ceux qui ont la langue bien pendue
et pratique la langue de bois
ceux qui parlent trop et s’en morde la langue
les langues de vipères qui répandent les ragots
le monde n’arrête pas de parler
il y a ceux qui parle sur l’oreiller
ceux qui donnent leur langue au chat
les m’as-tu-vu, les je-sais-tout, les verbeux
qui parlent pour pas grand-chose
de discours en commissions
de tables rondes en séminaires
de congrès en assemblées
le monde n’arrête pas de parler
Tout ça parce qu’un jour
Eve dit à Adam
« Si ma pomme te plaît tu croques »
et qu’il a croqué
Si Eve n’avait pas parlé
Si Adam n’avait pas croqué
le monde aurait été…
…enfin, je dis ça, entre nous
c’est juste histoire d’en causer.
Texte de Henri Mercier dit BB.
17:10 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Ecriture |
08/11/2005
Vieille canaille
Si vous n’avez pas entendu Alain Rey stigmatiser le langage musclé de Sarko, allez donc faire un tour sur France-Inter.
De mémoire :
« Soi-disant renforcer le discours en affichant une force non prouvée s’appelle roulez les mécaniques. Voyou vient de voie qui a aussi donné vagabond, il a pris le sens d’illégal et de nuisible. Monsieur le ministre veut nettoyer les voies au jet, pas très malin de faire une pub gratuite pour un nettoyeur haute pression de marque allemande. Encore moins raffiné dans la bouche du ministre : racaille qui sonne comme canaille, bande de chiens, caillera en verlan, sale type, rascaille qui a donné rascal en anglais et que Gainsbar a traduit par vieille canaille. Cela vient de raclure, rognure, on voit à quelle hauteur on place les valeurs humaines et quel étrange modèle social le ministre a en tête. »
Ce matin, il parlait de couvre-feu bien sûr et de tous les sens du mot feu, foyer, les feus de la colère, calmer le feu qui couve pour éviter de tout mettre à feu et à sang, coups de feu, contre-feu...
Inutile de préciser que, déjà inconditionnel d'Alain Rey et de son dictionnaire historique, j'ai été très touché par cette note d'humanité chez Alain.
22:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Ecriture |