07/06/2007
Avec le pouce!
Encore un texte
de Jack Rollan,
vite fait sur le pouce.
Paru dans le
journal La Suisse.
Toujours vers l'année septante.
.
Donc, étant parvenu à faire ça sans ouvrir la braguette de sa combinaison spatiale (pour la première raison qu'il n'y en a point), l'Homme est en droit de se dire que la Créature du Créateur est véritablement faite à son image, comme il fut dit au sixième bonjour.
Je croyais tout cela jusqu'à hier. Et vous aussi.
Tous, nous avons cru que plus rien n'était impossible à cette poignée de poussière à laquelle le doigt de Dieu a donné la vie, 1a raison, la parole et le droit de donner des conseils au Conseil fédéral.
Mais hier, je me suis foulé le pouce...
Et je vous dis, mes amis, que sans son pouce, et malgré le doigt de Dieu, la merveille de la Création, eh ! bien, c'est plus rien !! Sans pouce, mon pauvre vieux, tu peux même pas presser ton tube de dentifrice!- Quoi? de l'autre main?... De l'autre main, hi baleine ! tu dois tenir ta brosse ! Rien, vous dis-je, rien n'est plus possible.
Sans même parler de 1a sonate ni des jeux olympiques, le geste le plus simple est interdit Tiens ! Essayez d'ouvrir « La Suisse » sans le pouce... L'écouteur du téléphone, la fourchette, le dictionnaire (pour voir comment s'écrit « Neandertal » !), la cravate, le trousseau de clefs, 1e moindre objet quotidien vous pose un problème insoluble.
Soulever ses lunettes pour regarder de près, se pincer les narines pour avoir l'air de réfléchir, déboucher le beaujolais, allumer 1e transistor, ouvrir le frigo, fermer les rideaux, boutonner sa chemisé chercher sa monnaie, tout, tout, tout, oui TOUT SE FAIT AVEC LE POUCE - et si vous ricanez, malheureux, c'est parce que vous n'avez jamais été privé du vôtre !
Mais patience. Le jour ou ça vous arrivera, vous comprendrez alors pourquoi je disais que l'Homme avait atteint le sommet de 1a civilisation dans le Cosmos...
Parce que, quand il faut faire ÇA ici-bas, et sans son pouce on en vient à se dire que c'est vraiment là que le doigt de Dieu devrait faire un miracle...
18:40 Publié dans Jack Rollan | Lien permanent | Commentaires (1) |
06/06/2007
Modernité
Tout le monde a lu ces derniers jours l’histoire du cheminot polonais, Jan Grzebski, tombé dans le coma à la suite d'un accident en 1988, et qui s'est réveillé au bout de 19 ans.
Comme l'héroïne de "Good bye Lenin", Jan Grzebski est tombé dans le coma à l'époque communiste, au temps des magasins vides et de toutes les pénuries.
On imagine facilement la surprise de Jan confronté aux téléphones portables et à tous ces gens pressés qui courent on ne sait où. Cette histoire m’a rappelé un petit texte que j'avais écrit et qui racontait le retour de mon grand père maternel. Je n’ai pas connu mon grand-père maternel qui après avoir fait Verdun en 1916 et respiré quelques gaz délétères en est finalement mort vers la fin des années 30. Il aura tenu jusqu'à la naissance de ma mère donc, et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai.
Depuis il n’a pas donné signe de vie, ce j’ai toujours trouvé très regrettable. J’ai pu m’entretenir avec mon autre grand-père, Lorenzo, des joies du front Austro-Italien, des cacciatori alpini guerroyant dans les névés tyroliens, mais avec Augustin, rien ! Pas un mot du moral des troupes dans la tranchée, des connards d’officiers, des déserteurs… que dalle !
J’ai recherché ce texte (la lettre à Gustin)… en vain. Une preuve que je ne garde pas tous mes fonds de tiroirs (qui a dit, c’est une bonne chose ?) Bref Le Gustin, non seulement il ne m’aura pas connu moi, le plus torturé de ses petits enfants, mais il n’a rien su de la résistance, du Général de Gaule, de Pompidou, de Giscard, de Chirac et encore moins de Sarkozy. Rien de la télé, de TF1, du PAF, de Vivement Dimanche, des Beatles, de Johnny et de ses soucis fiscaux, de Coluche et des restos du cœur, de Paris Hilton, des CD-ROM, du DVD, de l’ordinateur et même rien de la 2CV…
Lui qui était boulanger, il n’aura jamais vu de sa vie un pain industriel (c’est peut-être une bonne chose, on est d’accord). Il faisait son jardin à la bêche sans savoir que Botanic vendrait des plantons et des fleurs tous prêts à des prix astronomiques. Il mangeait ses tranches de lard bien épaisses sans souci de son cholestérol. Bref, je vous la fais courte mais je trouve que, dans le fond, ce cheminot polonais n’a finalement pas raté grand-chose si l’on songe que quand il est tombé dans le coma, Jean-Paul II était déjà pape depuis une bonne dizaine d’années.
01:25 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) |
04/06/2007
John Cowper Powys
Je n'ai encore rien lu de
John Cowper Powys
mais en me promenant sur des sites de ci de là, je retrouve son nom. En cherchant, j'ai aussi trouvé un site dédié à la famille Powys, des écrivains qui méritent d'être connus.
On y trouve des références et aussi ce texte lumineux sur la simplicité.
Que pourriez-vous faire de mieux, jeune homme, jeune fille, pour la race humaine aujourd'hui? Simplifier votre vie individuelle, jusqu'à ce qu'elle devienne un épitome microcosmique de ce lointain Age d'Or! Simplifier vos désirs, jusqu'à savourer chaque sensation physique avec une extase sacramentale. Simplifier pour votre bonheur vos exigences auprès de ceux que vous aimez sans exprimer revendications pleurnichardes, attendrissements sur soi, reproches exaspérants envers eux. Ce n'est pas seulement votre propre bonheur qui viendra alors à vous à travers cette attitude solitaire, stoïque, détachée envers l'altérité de ces vies si intimement reliées à la vôtre.
Tout ce mouvement secret en faveur d'un anarchisme contemplatif, spirituel, n'est pas simple retour à une vie de sensation, opposée à une vie d'action. C'est s'abandonner à la seule chose, en ce bref moment d'Etre entre deux Silences impénétrables, qui possède une grandeur authentique et majestueuse digne des traditions les plus nobles de notre race.
Se battre pour le pouvoir sur les masses n'est pas une chose noble ou digne, ni une chose digne de réelle noblesse. Il faut faire trop de sacrifices. Personne ne peut conserver son respect de soi et manier les foules. Tous ceux qui gouvernent vraiment—sauf ceux qui ont la chance de pouvoir se cacher—deviennent les esclaves de leurs propres ruses et les victimes de leur propre despotisme.
John Cowper Powys, A Philosophy of Solitude (pp.190-1)
* Je viens de constater que cette note est la 600ième
19:30 Publié dans Simplicité | Lien permanent | Commentaires (4) |
03/06/2007
Carte
« Tu vois, Joël, la meilleure idée qu’on a eu c’est d’offrir cette carte du parti au frangin. Ça nous coûte un peu chaque année mais c’était vraiment une bonne action. En tous cas, à lui, ça lui a changé la vie. »
C’est ce que me racontait Evelyne l’autre soir. Evelyne (nom d’emprunt), la soixantaine. Nous venions d’assister ensemble à une réunion politique. Je lui demandais comment peut-on offrir à quelqu’un une carte de parti.
« On a jamais été vraiment d’accord, mon frère et moi. Tu sais. Il a des idées bizarres parfois… en politique mais pas seulement en politique... C’est l’aîné de la famille. Eh oui, ça lui fait dans les septante deux et même septante trois. Il a pas trop de ronds, une retraite de misère. Toujours un euro qui manque. Il était ouvrier agricole, alors tu vois bien ! »
Je pensais à Pipe, l’acteur principal du film de Yves Yersin, les petites fugues. Ceux qui l’ont vu comprendrons. Un homme modeste et simple… C’était bizarre quand même cette histoire de carte. Moi, ça fait longtemps que je l’ai plus la carte et toi, Evelyne, tu l’as cette fameuse carte ?
« Non, même pas. Oui, t’a raison, ça peut sembler étrange d’offrir une carte. Au début, on a pensé qu’il allait nous la balancer à la figure. Et puis non. On était sept en famille, mon frère et moi, on est une peu les farfelus de la tribu, alors avec nous deux, tu sais jamais. Il a commencé à assister à des réunions, il me racontait, le frangin, les conneries qu'on disait parfois. Puis, petit à petit, il y a pris goût… Le sommet, c’est ce printemps quand il est allé à un meeting à Dijon, pour la présidentielle et qu’il en est revenu tout bouleversé. Tu vois, qu’il me disait, Evelyne, eh bien dans la vie une émotion pareille, j’avais connu ça qu’une fois, une seule… à un combat de boxe… c’était à Lyon... en 48. »
Et Evelyne d’ajouter : « Je ne me rappelle plus ce qu’il m’a dit exactement de ce combat, qui se battait avec qui ? Mais lui, le frangin, il avait encore tous les détails en tête : Les adversaires, leur palmarès, le nombre de rounds, les blessures, les uppercuts, les crochets du gauche, le public, les tournants du combat, l'émotion… tout de tout. Exactement comme pour la réunion de Dijon. Il disait qui était monté à la tribune et pour dire quoi, ce qu’Elle, surtout, avait dit dans le détail, presque mot à mot, presque par cœur. "Tu vois, Evelyne, qu’il me disait, eh bien c’était encore plus fort que la boxe! J'ai chialé comme un gamin." En plus, il me racontait ça avec la larme à l’œil. Tu vois Joël, je crois que c’était quand même une sacrée bonne idée cette carte du parti. Même si, chaque année, ça nous coûte un peu de ronds, et bien tant pis!
01:30 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Histoires vécues, politique |
01/06/2007
Bible
-
Encore
un petit billet
de
Jack Rollan
En date
du
9 mai 71
-
Bible
et
Traduction
:
"Il parait qu'il était nécessaire de mettre le Nouveau Testament en « français courant ». Un théologien de chez nous s'en est chargé. Et cet honorable journal a eu dimanche dernier la bonne idée de nous donner à comparer la Résurrection dans la version classique de Segond et dans la première de ce compilateur moderniste.
Version Segond* : Le premier jour de la semaine, elles se rendirent au sépulcre de grand matin, portant des aromates qu'elles avaient préparés...
Version 71 : Très tôt, le dimanche matin, les femmes se rendirent au tombeau, en apportant les huiles parfumées qu'elles avaient préparées...
Il était urgent en effet de faire savoir au monde que « de grand matin » voulait dire « très tôt » et que le sépulcre était un tombeau. De même était-il important de changer les aromates en huiles de chez Guerlain...
Mais puisqu'il s'agit de rendre les Evangiles plus « courants », moi, j'aurais carrément traduit :
... Le samedi soir après le turbin, les bonnes femmes conditionnèrent les lipides en sprays déodorants et, dès la fermeture des pubs, se pointèrent aux Pompes funèbres..."
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*Louis Segond (1810-1885) est un théologien suisse qui a traduit la Bible en français à partir des textes originaux hébreux et grecs. La traduction de l'Ancien Testament a été publiée en 1871, suivie par le Nouveau Testament en 1880. Le texte a ensuite été revu par un comité d'experts. Le résultat de ces travaux est la version de 1910 qui est maintenant libre de droits et consultable sur Internet. D'autres éditions continuent à sortir, par exemple la dernière bible d'étude "La nouvelle Bible Segond".
Il s'agit d'une traduction de référence pour le français, d'une grande fidélité à l'original. Conformément à la doctrine protestante, elle exclut les livres deutérocanoniques. On a souvent comparé cette version à celle de Luther pour l'allemand et à la King James pour l'anglais. C'est la Bible la plus utilisée par les protestants francophones.
21:10 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0) |