03/06/2007
Carte
« Tu vois, Joël, la meilleure idée qu’on a eu c’est d’offrir cette carte du parti au frangin. Ça nous coûte un peu chaque année mais c’était vraiment une bonne action. En tous cas, à lui, ça lui a changé la vie. »
C’est ce que me racontait Evelyne l’autre soir. Evelyne (nom d’emprunt), la soixantaine. Nous venions d’assister ensemble à une réunion politique. Je lui demandais comment peut-on offrir à quelqu’un une carte de parti.
« On a jamais été vraiment d’accord, mon frère et moi. Tu sais. Il a des idées bizarres parfois… en politique mais pas seulement en politique... C’est l’aîné de la famille. Eh oui, ça lui fait dans les septante deux et même septante trois. Il a pas trop de ronds, une retraite de misère. Toujours un euro qui manque. Il était ouvrier agricole, alors tu vois bien ! »
Je pensais à Pipe, l’acteur principal du film de Yves Yersin, les petites fugues. Ceux qui l’ont vu comprendrons. Un homme modeste et simple… C’était bizarre quand même cette histoire de carte. Moi, ça fait longtemps que je l’ai plus la carte et toi, Evelyne, tu l’as cette fameuse carte ?
« Non, même pas. Oui, t’a raison, ça peut sembler étrange d’offrir une carte. Au début, on a pensé qu’il allait nous la balancer à la figure. Et puis non. On était sept en famille, mon frère et moi, on est une peu les farfelus de la tribu, alors avec nous deux, tu sais jamais. Il a commencé à assister à des réunions, il me racontait, le frangin, les conneries qu'on disait parfois. Puis, petit à petit, il y a pris goût… Le sommet, c’est ce printemps quand il est allé à un meeting à Dijon, pour la présidentielle et qu’il en est revenu tout bouleversé. Tu vois, qu’il me disait, Evelyne, eh bien dans la vie une émotion pareille, j’avais connu ça qu’une fois, une seule… à un combat de boxe… c’était à Lyon... en 48. »
Et Evelyne d’ajouter : « Je ne me rappelle plus ce qu’il m’a dit exactement de ce combat, qui se battait avec qui ? Mais lui, le frangin, il avait encore tous les détails en tête : Les adversaires, leur palmarès, le nombre de rounds, les blessures, les uppercuts, les crochets du gauche, le public, les tournants du combat, l'émotion… tout de tout. Exactement comme pour la réunion de Dijon. Il disait qui était monté à la tribune et pour dire quoi, ce qu’Elle, surtout, avait dit dans le détail, presque mot à mot, presque par cœur. "Tu vois, Evelyne, qu’il me disait, eh bien c’était encore plus fort que la boxe! J'ai chialé comme un gamin." En plus, il me racontait ça avec la larme à l’œil. Tu vois Joël, je crois que c’était quand même une sacrée bonne idée cette carte du parti. Même si, chaque année, ça nous coûte un peu de ronds, et bien tant pis!
01:30 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Histoires vécues, politique |
Commentaires
Savoureuse histoire!
Bon dimanche à tous :-)
Écrit par : Sugus | 03/06/2007
J'aime ton récit ... et ça me donne une idée :-)
Écrit par : pkdille | 03/06/2007
Et le parti était...
Écrit par : Dilettante | 06/06/2007
Devine!
Écrit par : Joël | 06/06/2007
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