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18/06/2016

Actualité

« L’homme descend du songe » a écrit Antoine Blondin. Face à l’inconsistance du monde et à la souffrance qui en résulte il existe, selon moi, deux manières de se soigner qui sont apparemment antinomiques : La pleine conscience et la fiction.

pleine%20conscience.jpg.pngLa pleine conscience est inspirée du bouddhisme et consiste à vivre à fond l’instant présent en chassant toutes ces pensées parasites qui nous éloignent de l’instant présent. Il faut donc se concentrer sur ce que l’on est en train de faire, sur sa respiration par exemple car la respiration est un minimum que l’on ne peut pas arrêter très longtemps sans risque sévère.

Attention ne pas confondre l'instant présent et l'actualité. Voir plus loin.

S%C3%A9lim-Niederhoffer-f%C3%AAte-de-la-musique-alcool.jpgLa fiction au contraire consiste à imaginer des mondes différents, donc à laisser la place aux songes. On en oublie pas de respirer mais on peut oublier qu’on respire ou aussi que l’on a mal quelque part. On peut en imaginer soi-même ou profiter des poètes, des écrivains, des cinéastes...

Ces deux approches ne sont pas forcément incompatibles.

Mais qu'en est-t-il de l’actualité telle que la délivre les journaux ou pire, les télés telles BFMtv, iTélé voire les réseaux sociaux… L’actualité n’a rien à voir avec l’instant présent c’est juste l’écume des choses, le dernier vice qui reste à l’homme moderne confronté au vide de son existence. D'ailleurs, l'actualité existe-t-elle ? Vialatte se posait la question :

L’actualité existe-t-elle ? Elle est du jour et elle meurt à peine née. Sa nature est d’être éphémère. Son caractère est de passer vite. Son essence est d’être inactuelle dans la minute même qui la suit. Rien de plus arbitraire également : elle est composée de faits triés par les journaux. Sans eux elle n’existerait pas. Et les journaux ne peuvent rendre compte, pour cent raisons, que d’une partie infinitésimale de tout ce qui arrive : ils ont laissé passer (quel oubli !) la ...naissance de Napoléon.

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L’actualité la plus répandue est celle dont ils parlent le moins : le solstice, la neige, la Saint-Sylvestre, les saisons, la première fleur, la dernière feuille. Où est le journal qui parle de l’aube ? L’aube, suprême curiosité de l’homme. Car, cela ils l’ont compris (la Bible aussi, relisez la Genèse, relisez l’histoire du pommier), l’homme vit surtout de curiosité. C’est le dernier vice qui lui reste. Toutes ses curiosités sont blasées, il garde celles de son décor. Il a vu le jour. Il ne cesse de vouloir le revoir. Au bout du compte l’homme de la grande actualité, ce n’est peut-être pas le journaliste, mais le poète. Son actualité ne se fane pas.

(...)On voit par là que l'actualité est faite du songe des hommes. Ils durent peu  mais le songe leur survit. Leurs songes les enterre un par un. L'actualité se compose de morts plus que de vivants. (...)

(Chronique des longues actualités – La Montagne – 11 décembre 1962)

  

15/06/2016

CRISPR

C19D3117DA8D320EA90BB89769221C5E_full.jpgLe poisson-zèbre est un drôle de zèbre. Il peut perdre une nageoire et elle se régénère. Mieux il perd ses yeux ou son cœur et ils renaissent tel le foie de Prométhée bouffé par l’aigle du Caucase.

Il est donc devenu le premier objet de manipulation par le CRISPR.

CRISPR est un acronyme en anglais dont le P veut dire palindrome, le truc oulipien cher à mon ami Georges Perec. J'en parlais ici il y a dix ans déjà. Ici, il s'agit des fameuses bases azotés de l'ADN T-A-G-C qui peuvent de lire dans les deux sens disons C-G-A-T. 

Le CRISPR n’est pas une céréale qui croustille mais le fin du fin de la manipulation génétique. C’est le dernier feu prométhéen qui devrait nous amener selon toute vraisemblance assez rapidement à la punition divine.

Le CRISPR a été mis au point par deux labos dirigés par deux chercheuses prénommées Jennifer et Emmanuelle. C’est un outil relativement peu coûteux et modulable qui permet de couper l’ADN pratiquement où on veut, directement dans une cellule vivante. Ça n’a peut-être l’air de rien dit comme ça, mais si vous étiez généticien, ça vous ferait à peu près le même effet que si Indiana Jones sortait tranquillement du temple et vous tendait le graal en disant « tiens, c’est cadeau ! ».

Pour en savoir plus sur ce couteau suisse de la génétique, lire cette excellente note. Je lui ai piqué la métaphore sur le Graal. 

Grace au CRISPR, en février 2014, les chinois ont « fabriqué » des singes macaques humanisés. C'est-à-dire que ces singes ont en eux quelque chose de Tennessee, des bouts de gène humains. Des néo-singes de laboratoire.

Pas en reste les Américains ont sauté sur le CRISPR. Le groupe d’ingénierie du génome du Massachusetts General Hospital (Boston), regroupait 700 personnes fin 2012, début mars 2014, il en comptait 1900 – principalement grâce à la technique CRISPR.

Le domaine d’application est immense : Les plantes, la nourriture industrielle… jusqu’à l’homme nouveau, le transhumanisme. Le débat sur les OGMs version Monsanto risque de devenir obsolète dans les années qui viennent.

Est-ce que la réflexion éthique va pouvoir suivre tous ces docteurs Folamour ? On peut en douter.

Pour ceux qui ont le temps ce texte visionnaire de Jean Rostand, le fils d'Edmond et l'homme aux grenouilles, publié en 1942 que j'ai trouvé au hasard de mes pérégrinations webistiques : 

« Il n’est pas impossible que la biologie de l’avenir sache faire profiter notre espèce d’un petit supplément de matière chromosomique. Et l’on pourrait même se demander à cet égard – pour offensante qu’une telle idée doive paraître à notre orgueil – si nous n’aurions pas intérêt à annexer à notre patrimoine héréditaire quelques gènes provenant de telle ou telle espèce animale. Cette annexion pourrait se faire par l’hybridation, elle exigerait l’introduction directe des gènes étrangers dans un ovule de culture. Enfin sera-t-il permis d’imaginer que l’introduction de ces gènes animaux aurait pour conséquence de rompre l’équilibre génétique de notre espèce, et de faire ainsi repartir son évolution vers on ne sait quelles destinées ? Ce serait alors bien d’autres possibilités qui s’ouvriraient à la science.

14/06/2016

Bogd Khan Uul

En lisant le livre de Léonid Youzéfovitch, le baron Ungern, je découvre une montagne proche de Oulan-Bator qu’il appelle Bogdo-Ul et que l’on retrouve sur le net sous le nom de Bogd Khan Uul. Du coup, je me paie une tranche de dépaysement. Un sommet de 2290 mètres tout boisé juste à côté de la capitale mongole.

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J'en déduis que Bogd est un sommet en mongol. En 1912, les chinois avaient fait prisonnier le dernier Bogdo Gegen*. C’était une belle erreur quand on sait que le Bogdo Gegen est avec le Dalaï Lama et le Penchen Lama un des trois bouddhas vivants et qu’en plus le Bogdo bien que tibétain était adoré par les mongols.

Le rusé Ungern, que certains croyaient être la réincarnation de Gengis Khan, en a profité pour mener une guerre psychologique aux républicains chinois qui avaient viré l’empereur mandchou Qing en 1911. Ils s’étaient installés à Ourga/Oulan Bator. Ungern faisait des feux sur le Bogdo-Ul. La superstition a joué à plein. Les chinois en bien plus grand nombre que les troupes blanches de von Ungern-Sternberg étaient terrifiés à la vue de ces feux.

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Un sommet de 2290 mètres tout boisé juste à côté de la capitale mongole, on comprend que les tour-operator en aient fait un haut lieu de balade.

On peut y faire du cheval soi-disant sans émission de CO2 (et l’avion banane ?) mais attention « Il est de la responsabilité du client d'être entièrement recouvert d'assurance voyage et médicale lors d'un voyage en Mongolie. »

Donc couvrez-vous !

* Le Bogdo Gegen est aussi appelé Khutuktu. Les Khutuktu successifs sont des réincarnation de grand lamas et constituent donc une lignée de tulku. Mieux vaut savoir prononcer les U en tibétains. En fait tulku est la traduction en tibétain du sanscrit nirmanakaya. En sanscrit, il faut savoir prononcer les A. Le tulku n'a pas forcément un chapeau pointu et ne dit pas turlututu. La preuve ces 3 tulkus photographiés un jour de festivité au Tibet et qui illustrent l'article tulkou de wikipedia :

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 Ceci est un retour à la rubrique géographique.

 

08/06/2016

Manufrance

"Le bonheur c’est de réaliser sa nature profonde" disait Spinoza. Voilà bien une phrase tellement profonde qu’elle me semble être sans fond.

Lorsqu’on demandait à Vialatte quelles étaient ses sources d’inspiration, il citait le catalogue de Manufrance et Charles Dickens. Et comme je pense que ma nature profonde est vialattienne, je me suis précipité pour savoir si ce catalogue existe toujours. Il fallait s'y attendre, la version papier est morte en 1985. Il faut donc se fier à la version internet.

240px-Carduelis-carduelis.JPGSi vous chercher sur le site « équipement du marcheur » vous découvrirez un choix intéressant d’appeaux en tête de liste : Appeaux à bouche, merle, grive tourdre, grive blessée, chouette, renard, sarcelle, sanglier, buse, mésange, huppe… appeaux à soufflet, merle, grive litorne, caille, grive tourdre, canard col-vert femelle… appeaux à vis pour grive musicienne (comment s’en passer ?), chardonneret (photo), rossignol…

253065_1.pngEt bien sûr on a le bâton à réserve d’alcool absolument nécessaire en montagne et déjà cher à Vialatte.

Alexandre avait raison, Manufrance est une grande source d’inspiration. Une source qui ne peut que satisfaire ma nature profonde qui est foncièrement curieuse, hétéroclite et frivole. Un vrai foutoir. 

Il n'y a guère que le foot qui m'indiffère... quoique. Je regarderais peut-être la finale, si l'Angleterre sort de l'Europe.

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Quant à Dickens et son Pickwick, je vous en parlerai plus tard... peut-être. Juste une citation tirée des grandes espérances qui a inspiré "Mister Pip" à Lyod Jones.  

- Camilla... ma chère... c'est un fait avéré que vos sentiments de famille vous minent, au point de rendre une de vos jambes plus courte que l'autre.

16:00 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (1) |

04/06/2016

BP

Retour sur la visite de la caverne Chauvet.

 

Très belle reconstitution des plus beaux morceaux de cette grande grotte découverte dans un endroit singulier tout près de la fameuse arche sur l’Ardèche à Vallon Pont d’Arc.

vallon6.jpg

Un petit regret, trop de monde (cadence des visite de groupe : 5 minutes) ne permet pas vraiment de retrouver le mystère ressenti dans la grotte de Niaux (10 ans déjà). Hé oui, un peu de mysticisme ne nuit pas !

 

Deux discussions dans notre groupe, qui adore discuter et disputer, suite à la visite du musée de la préhistoire de l'aven d'Orgnac et de ses tableaux pas très clairs. Etaient-ce vraiment des Homo Sapiens (on dit maintenant hommes modernes) et qu’elle est la référence exacte de BP ?

 

travail2blog.jpgDonc oui, il y a 37’000 ans BP des aurignaciens ont peint sur ces murs, suivis il y a 31 à 27 mille ans (toujours BP) par des gravettiens. Les deux populations sont des hommes modernes contemporains des derniers hommes de Néandertal mais différents génétiquement.

 

Quant au croisement entre Sapiens et Néandertal impossible de se faire une idée précise sur le Web, ADN nucléaire ou mitochondrial... Trop d’avis pas clairs voire contradictoires. Il va falloir attendre un peu.

 

Quant au BP, Before Present c'est avant le premier janvier 1950. Pourquoi cette date ? On ne sait pas trop. La datation au carbonne 14, peut-être. Elle est un peu plus ancienne (10 BP) mais vraiment utilisée qu’à partir de 1950.

 

Pour mettre tout le monde d’accord, j'ai proposé de traduire BP par « Before Perino ». Il suffirait de changer la date d’exactement un petit trimestre (au 1 avril 50) et on aurait une référence solide. Cette prétention me rappelle un poème de Boris Vian. V comme Vian.

 

Le fond de mon cœur
Je vais être sincère – une fois n'est pas coutume
Voilà : Je serai content quand on dira
Au téléphone – s'il y en a-t-encore
Quand on dira V comme Vian…
J'ai de la veine que mon nom ne commence pas par un Q
Parce que Q comme Vian, ça me vexerait.

13:45 Publié dans Blog, Science | Lien permanent | Commentaires (1) |

03/06/2016

Pédalo

le-zouave-du-pont-de-lalma-jauge-symbolique-des-crues-parisiennes.jpg?itok=pRIy3LA1Le Zouave du pont de l'Alma a de l'eau à mi-cuisses.

Avec la Seine en crue, certains suggèrent de remplacer les Vélib’ par des pédalos.

Vialatte a célébré en son temps le pédalo et pourtant il ne connaissait pas le couple royal présidentiel

pedal-boat-nautibike-waterbike-pedalo.jpg"C’est grâce au pédalo que l’homme glisse sur les eaux comme le cygne de Sully Prudhomme. Il veut des couples assortis dont il exige la majesté du buste et la célérité des membres inférieurs. Il convient aux caissières qui sont belles par le haut, et à certaines veuves, un peu fortes, d’officiers supérieurs ou de commerçants aisés.

La femme sera royale et l’homme présidentiel. On peut mettre ses décorations. Le thorax doit être pompeux, l’abdomen assez important, la barbe paraît essentielle. Le haut-de-forme étant démodé, il vaudra mieux aller tête nue ; mais le melon, si l’on veut, sera noir.

Le sourire doit rester naturel et la conversation mondaine. La règle d’or est que la tête et la nuque, le thorax, le geste des bras restent toujours dans l’ignorance de l’immense frénésie des membres inférieurs."

(Alexandre Vialatte, Almanach Marie-Claire, août 1964)

Dans la Montagne, il disait déjà :

"Quel homme que l’homme ! (…) Tandis que sa vaste pensée, derrière son vaste front, en haut de sa vaste tête, sur son buste majestueux, a l’air de méditer sur son âme immortelle, ses pieds actionnent frénétiquement la manivelle d’un pédalo.

Ce pédalo, constate Pascal, lui cache la mort."

(La Montagne – 12 juillet 1960)

En fait, ne cherchez pas, Pascal n'a jamais parlé de pédalo, il disait juste qu'on pédalait pour ne point penser à la mort.

"Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser”

“Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre”

02/06/2016

Où vas-tu Pedro ?

Où vas-tu Pedro ? Au théâtre à Ferney-Voltaire

Adaptation et mise en scène : Marie-Laure Berchtold

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Où vas-tu Pedro ? C’est la question posée par un enfant tapi dans un buisson à un soldat républicain prisonnier des fascistes, un matin de 1937. Sur scène, des Pyrénées à la Galice, c’est la quête des petits-enfants de républicains espagnols pour ouvrir les fosses communes et refermer les blessures de la mémoire.

A travers les témoignages recueillis auprès des derniers républicains espagnols, la pièce raconte une Espagne qu’on a voulu effacer pendant plus de 70 ans, une Espagne qui parle et qui chante, transformant le silence en mots, tissant des liens entre le passé et le présent, entre l’intime et le collectif, entre l’Espagne et le reste du monde. Une histoire reconstituée et soudain présente, une histoire universelle.

Si vous habitez loin de Ferney, tant pis pour vous. Sinon vous pouvez encore tenter votre chance jusqu’à dimanche pour voir la pièce montée par Marie-Laure Berchtold avec son atelier théâtre. Si vous n’êtes pas dispo ou qu’il n’y a plus de place, demandez lui de jouer les prolongations cet automne.

Une note de plus pour vous dire tout le bien que je pense du travail de Marie-Laure comme metteur en scène. Je l’ai déjà dit ici entre autre, avec les élèves de son atelier, elle monte des spectacles d’une qualité exceptionnelle dans un style bien à elle : des sujets forts, traités dans l’émotion et la poésie.

Cette évocation de la guerre civile qui opposa les républicains aux phalangistes fascistes et aux troupes de ce cabrón de Franco, se situe en 2006 lorsque la recherche des corps des républicains massacrés par les phalangistes fut enfin autorisée. Manon Moreau en tira une pièce de théâtre. Marie-Laure l'a fait jouer par ses élèves. Et nous, on est ému par la scène de ces trois femmes qui fuient le pays pour se réfugier en France et chantent une berceuse galicienne pour oublier la guerre et se souvenir des jours heureux.

Franck Janura chante et accompagne à la guitare des mélodies nostalgiques reprises par la troupe ce qui ajoute une belle note musicale à cette prestation théâtrale portée par 12 comédiens passionnés et troublants de vérité. Ils sont les passeurs de mémoire, du berger à la jeune fille en colère, du commandant anarchiste aux femmes sur la route de l’exil, des petits-enfants des républicains espagnols à cette vieille femme qui veille sur le vieux châtaignier comme sur un trésor. Personne n’a oublié Pedro. On s’en souviendra longtemps.

10:02 Publié dans Théatre | Lien permanent | Commentaires (0) |