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07/11/2023

Oisiveté et Chimères

Il arrive que je tombe par hasard sur un de mes billets. Aujourd'hui je suis tombé sur... Dieu, excusez du peu.

Il arrive aussi que je tombe sur Montaigne.

Vers le début des essais :

260px-Montaigne-Dumonstier.jpgDernièrement, je me suis retiré chez moi, décidé autant que le pourrais à ne rien faire d'autre que de passer en me reposant, à l'écart, le peu de temps qui me reste à vivre.

Il me semblait que je ne pouvais faire une plus grande faveur à mon esprit que de le laisser en pleine oisiveté, à s'entretenir lui-même, s'arrêter et se retirer en lui-même. J'espérais qu'il pourrait le faire désormais plus facilement, étant devenu, avec le temps, plus pondéré et plus mûr.

Mais je découvre que L'oisiveté dissipe toujours l'esprit en tous sens et que, au contraire, comme un cheval échappé, il se donne cent fois plus de mal pour lui-même qu'il n'en prenait pour les autres. Et il me fabrique tant de chimères et de monstres extraordinaires les uns sur les autres, sans ordre et sans raison, que pour en examiner à mon aise l'ineptie et l'étrangeté, j'ai commencé à mettre cela par écrit, espérant, avec le temps, lui en faire honte à lui-même.

Ecrire pour dissiper les chimères

et se faire honte à soi-même.

15:46 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (1) |

23/11/2022

Thérèse

280px-Chevet_abondance.JPGEn juin 2005, à la mort de Jean-Marie Maulaz, le fameux boucher d'Abondance, j'avais fait un texte à la mode de Georges Perec que l'on peut trouver ici. J'apprends que sa femme est décédé le 19 novembre. Informé trop tard je n'ai pas pu me rendre aux funérailles.

En souvenir, je remets une version un peu modifiée de mon texte.

Thérèse

Requiescat In Pace

Je me souviens
D’un boucher et de sa femme Thérèse,
Ils travaillaient 15 heures par jour,
Elle au magasin, lui au laboratoire.
Ils faisaient les meilleurs saucissons de Savoie.

Je me souviens
De son fils Jean, un grand pote à moi,
Il avait deux ans de plus que moi et tout mon respect.

Je me souviens
Que l’on enfilait la chair à saucisse dans des boyaux
A l’aide d’une machine ronde 
Dont je tournais parfois la manivelle.

Je me souviens
De l’immense cheminée fumoir
Où pendaient jambons et saucissons
Lentement fumés à la branche de genièvre

Je me souviens
Qu’avec Jean on nourrissait les lapins,
Qu’il se faisait de l’argent de poche 
En vendant les peaux 
Séchées sur une branche de noisetier.

Je me souviens
Que chez Thérèse il y avait le seul téléphone du quartier,
Un lourd appareil en ébonite relié à l’opératrice,
Elle-même reliée au 22 à Asnières.
Quand ma mère téléphonait,
J’avais une furieuse envie d’appuyer sur le contacteur en alu.

Je me souviens
Des deux machines à laver en démonstration chez Thérèse
Une à tambours, l’autre à rouleaux.
La nouveauté. Comment choisir ?

Je me souviens
Que, lapins soignés, saucisses faites,
On jouait à la petite guerre dans la forêt sous le Jora
Avec les fusils en bois fabriqués par Georges, 
Le fils du menuisier
Ou par Henri Besson le petit fils d’Atanase.
On croyait que les trous dans la forêt 
Pour arrêter les blocs de rochers
Etaient des tranchées de la grande guerre.

Je me souviens
Que mon petit frère avait mis le feu à la forêt.

Je me souviens 
Que, lapins soignés, viandes hachés, on organisait des
Jeux Olympiques dans le champ derrière la maison.
Le champ où avait rampé une grosse couleuvre 
Que le faucheur portait en triomphe au bout de sa fourche.
Pour les jeux, c’était le poids hexagonal de deux kilos
De la boucherie qui servait au lancer. 
C’était Jean qui gagnait toujours.

Je me souviens
Qu’avec Jean, on écoutait à la radio 
Les matches de foot le mercredi, 
Puis les pièces de théâtre le mardi ou le jeudi.
On en parlait longtemps avant de se coucher 
A travers la petite lucarne qui reliait les deux maisons

41hELQ8WNMS._SX372_BO1,204,203,200_.jpgJe me souviens
Que c’est grâce à Jean que j’ai lu AJ Cronin
La citadelle, les clés du royaume…

Est-ce qu’on lit encore A.J. Cronin, 
Archibald Joseph et ses histoires de médecins ?

12:32 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (2) |

08/02/2014

Les mauvaises gens

51YDZMQC23L._.jpgComme j’avais bien apprécier « Les ignorants » de Davaudeau qui racontait l’échange entre un vigneron et l’auteur (initiation croisée vin contre BD), Xavier et Inés m’ont offert un coffret de trois autres BDs d’Etienne Davaudeau. Je les gardais pour la bonne bouche. Je viens de terminer la première « Les mauvaises gens » qui raconte le parcours des parents de l’auteur.

Étienne Davodeau est issu d'une famille ouvrière des Mauges. Dans Les Mauvaises Gens, il retrace la jeunesse de ses parents : tous deux nés en 1942. Ils commencent à travailler dans l'industrie locale à 13 et 14 ans et deviennent membres de la JOC, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, et aussi syndicalistes CFTC puis CFDT.

C’est le monde d’après guerre. Une époque où il y avait du travail mais quels travaux ! Des patrons paternalistes à souhait, ERAM, local de l'étape, n’échappait pas à la norme. La guerre d'Algérie. Des bonnes sœurs pas rigolotes qu'on imaginent pas loin de celles de Philomena. (film de Stephen Frears sur nos écrans très bon et très émouvant, allez-y !). A l’exception de quelques vicaires, qui, à cette époque, s'engagent aux côté des ouvriers, le conservatisme des curés est très prégnant... les Mauges furent au cœur de la guerre de Vendée. 

C’est de la BD-récit, très littéraire... même si on dit qu'on n’aime pas la BD, c’est par là qu’il faut commencer. La bonne nouvelle pour moi, c’est qu’il y en a trois dans le coffret.

Davaudeau est aussi l'auteur de Lulu femme nue, qui a inspiré un autre bon film éponyme du moment à Solveig Anspach.

21:36 Publié dans Cinéma, Ecriture | Lien permanent | Commentaires (7) |

04/03/2013

Adieu Alain

J'ai un Garde-mots comme d'autres ont un garde-manger

AH.jpg

J’apprends sur Facebook une bien triste nouvelle. Le Garde-Mots, alias Alain Horvilleur, n’est plus. Son fils Jean-Louis écrit : « Nous non plus ne parvenons pas réaliser que mon père, Alain Horvilleur, nous a quittés. Et pourtant... C'était jeudi dernier après 281 jours d'une lutte exemplaire, qui nous a laissé jusqu'au dernier matin l'espoir de le voir revenir, fragile mais bien là. La vie n'est pas juste. »

Pour les mots et le fromage c'est bien mieux qu'un réfrigérateur 

Je suis bien mal placé pour écrire sa nécrologie. Je le connaissais fort peu. Nous nous sommes connus via nos blogs respectifs et j’avais eu la riche idée de vouloir le rencontrer, in real life comme on dit, c’était fin 2006, je crois. Avec sa femme Josette et la mienne, nous avions passé une charmante soirée dans un restaurant de Lyon, non loin de son appartement. La conversation avait roulé autour des blogs bien sûr. Autour d’une étrange aventure blogesque titrées « Serendip ». Le Sérendip était un bateau virtuel qui sillonnait la toile et dont il était le capitaine. On avait aussi parlé de nos familles et encore de la mémoire de l’eau et de Jacques Benveniste qu’il avait bien connu. C’est d'ailleurs à Gilbert Montagnier qu’il a consacré un de ses derniers billets. 

Son blog était super bien organisé et centré autour des mots (il avait publié la DÉCLARATION UNIVERSELLE DU DROIT DES MOTS). On y trouvait la défense de la langue, des illustrations humoristiques d’YDEL (une soixantaine depuis 2006), qui était je crois un des ses amis et aussi des billets doux, de la poésie. Le cygne de Sully Prudhomme, une des dernières notes publié le 18 mai 2012 pour illustrer des photos d'un cygne égaré, Verlaine, Rimbaud mais aussi des poèmes d’Alain Horvilleur lui-même dont celui qui termine ce billet.

En 2009, 2010 et 2011, il avait publié des almanachs sur la base des billets de son blog. Son blog va rester suspendu dans le vide. On peut se demander si c’est une bonne chose, mais après tout les livres restent, alors pourquoi pas un blog. Et puis, on pourra toujours y consulter ce qu’il appelait des singumots, des mots rares comme Vexillologie, Anastylose ou Ochlocratie.

Ce qu’on ne pouvait pas savoir, si l’on ne connaissait que le blog du Garde-mots, c’est qu’Alain était une sommité de l’homéopathie qui avait publié pas mal de livres d’utilisation pratique. Ce n’est pas moi qui suis un mécréant de la chose (nul n’est parfait avait dit Josette) qui vais vous en parler mais je suis sûr que si quelque adepte passe par ici, il ou elle ne manquera pas d’en dire un mot.

Voilà, que dire de plus ? Je l'aimais bien. J'aurai aimé que l'on se retrouve dans un resto à St Julien comme promis. J’ai déjà parlé de lui ici quand j’avais encore l’espoir qu’il retrouverait la force d’approcher un clavier, qu’il pourrait me lire et que je pourrais voir son commentaire amusé. Je suis tout triste et larmoyant devant mon écran qui ne me parle plus avec des mots compréhensibles.

Avant le poème, un dernier bouquet pour Alain, c’était celui en forme de coeur qu’il avait mis sur son blog pendant les travaux. Saleté de travaux. Vacherie de coeur.

pendantlestravaux.jpg

Pas question d'être Dieu
Philosophe ou voleur

De jeter sa raison en pâture
Aux esprits

Tout juste d'être garçon d'étage
Pour maison ouverte

Une heure
En toute liberté

Un mois
Avec panache


Un an
Par procuration

Toute la vie
Sans retour


Coursier
 des traditions
Livreur de paysages

A la rigueur
Poète

Il suffit que le ciel
Entrouvre ses étoiles

21:32 Publié dans Ecriture, Mots | Lien permanent | Commentaires (8) |

25/03/2011

Les combats d'une reine

En 2005, j'avais parlé ici de Grisélidis Réal. Grisélidis Réal était une courtisane qui connut son heure de gloire vers 1975, à Paris, à la tête d’un mouvement insurrectionnel de 500 prostituées. Elle est morte en 2005 à l’age de 75 ans. C’était une militante de la prostitution qui aimait les gens et conchiait les moralistes de tous poils en commençant par Calvin et le pape. En 2009, elle a été entérré au cimetière des rois, le Panthéon de Genéve, au milieu de célébrités et non loin de son ennemi Calvin.

Françoise Courvoisier a fait de la vie de Grisélidis une pièce de théatre intitulée "Les combats d'une reine. Il s'agit de trois de ses combats tirés des textes mêmes de Grisélidis dont la passe imaginaire.

texte copié d'ici. Le combat premier commence à 35 ans. Côté jardin, Grisélidis interprétée par Magali Pinglaut, encore verte et pas toujours convaincante, est enfermée dans une prison en Allemagne, elle écrit et dessine. Un halo de lumière délimite sa cellule. Côté cour, dans un halo identique, accoudée à un comptoir de bar, Françoise Courvoisier reprend le fil de la vie de cette femme fière au milieu des années 1970. Grisélidis Réal, à près de 50 ans, se bat pour le droit des travailleurs du sexe. Elle mène en 1975 la « révolution des prostituées ». Au centre, la grande Judith Magre se glisse dans la peau de Grisélidis, plus âgée. Soixante-quinze ans, humour intact malgré un cancer, une beauté diffuse, qui s’exprime dans ses poèmes et ses tableaux. Elle rit, boit, ironise surtout. Avec distance et retenue, dérision, Judith Magre (affiche) incarne une femme pleine de vie et pourtant au seuil de la mort. Prête encore à en découdre.

Voir ces trois femmes n’en jouer qu’une est émouvant. Et la scénographie très simple – quelques éléments suffisent à évoquer une époque et un lieu : prison, comptoir de bar dans les années 1970 et chambre chaleureuse au début des années 2000 – laisse la part belle à ces comédiennes de trois générations. La partition héritée de Grisélidis Réal est tissée de textes comme Suis-je encore vivante. Journal de prison, la Passe imaginaire et les Sphinx (de forme épistolaire) ou le Carnet noir, qui compile avec un professionnalisme quasi bénédictin les lubies de ses clients et autres détails du métier, mais aussi les pensées fugitives et quelques aphorismes caustiques.

La manière dont elle s'en prend à Sarko, ministre de l'intérieur de l'époque qui s'attaque aux prostitués est très drôle. Après le off d'Avignon, c'était à Genève au théatre de poche. Une pure merveille !

 

21/01/2011

Chebbi

J’ai gardé un livre de mon copain Amara. Un livre en arabe du poète tunisien Abou el Kacem Chebbi. Je suis bien incapable de le lire mais j’ai mis une marque sur la phrase qui parle des sommets. Une phrase chère à tous les tunisiens qui sont tous un peu poètes.

Entendu à 3D sur des questions de Jean Piero

 

Quand un peuple aspire à la liberté

Force au destin d’y répondre

Force aux ténèbres de se dissiper

Force aux chaînes de se briser

Qui ne vise les sommets

                     Finira au fond des vallées.

 

(Si vous êtes arabophone merci de me dire si le texte correspond à l'image.)

30/11/2010

Ortografe

Les demandes de réformes de l’orthographe pour adapter l’écrit et la prononciation datent de plusieurs siècles. Malgré la volonté farouche des révolutionnaires de 89, la cause a été perdue. Il était plus facile d’imposer le système métrique que de supprimer les doubles consonnes. Voici, selon le dictionnaire étymologique d’Alain Rey (qui, à l'article orthographe, se moque des conservatismes) les raisons des réacs de toutes époques pour garder le statu quo ante :

 

-         Il est important de garder l’étymologie (du latin ou du grec)*

-         L’écriture des bizarreries orthographique est plus esthétique

-         Les livres devront être réimprimés

-         La difficulté permet de distinguer l’élite (modernisé récemment en : c’est un effort formateur pour l’esprit.)

 

Une belle liste d’arguments médiocres. A noter que le fameux statu quo ante est une belle invention vu que l’orthographe n’est pas fixé depuis si longtemps et que les académiciens, gardiens du temple, ont bien dû s’adapter à la graphie imposée par les grands écrivains. En fait on nous encombre le cerveau de trucs sans intérêt. Montaigne le disait : Une tête bien faite plutôt que bien pleine.

 

* Stella devrait donner étoille.

** La seule orthographe a bien connaître est celle des adresses http//www.etc.etc..., encore que le plus souvent Google se débrouille avec des graphies très approximatives.

19:48 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (16) |