02/08/2006
Hussards noirs
à Albert, Raymond et les autres...
Hussards noirs est le surnom donné aux instituteurs sous la IIIe République. C'est Charles Péguy qui popularise le terme dans L'Argent en 1910 :
« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes ; sévères ; sanglés. Sérieux, et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence. »
J’en ai connu un, de chère mémoire, prénommé Albert, instituteur à Feigères, adepte de la méthode Freinet, il avait une petite imprimerie dans sa classe. Il avait commencé sa carrière sous la 4ième république et n’en était pas moins sérieux et un peu sévère.
L’autre soir, je suis tombé par hasard sur une émission de TV8 Mont-Blanc qui nous parlait d’Yvoire ce petit village savoyard médiéval et lacustre où l’on paie le parking pour manger des filets de perche au prix du caviar dans un décor, il faut le dire, idyllique. On y passait un petit documentaire en noir et blanc intitulé « Feuilleton d’une mémoire heureuse. ». Une petite merveille!
En 1953, Raymond Lacroix devint l’instituteur d’Yvoire. Précurseur, il avait fait le projet d’initier ses élèves au cinéma, à la fabrication du cinéma. Pour ce, il avait acheté une caméra et s’était donné la mission de filmer la vie du village.
En ces temps, Yvoire était encore un village de paysans et de pécheurs où la vie était rurale et rude. Raymond filmait les gens qui passaient sur la place, caché derrière la fenêtre de son logement en dessus de l’école. Pour ceux qui connaissent Yvoire, ce bâtiment est aujourd’hui la mairie et l’office du tourisme. Chaque année on organisait une séance au village pour payer la pellicule. Surpris et amusé, les villageois se retrouvaient sur la toile. Raymond qui ne manquait pas d’humour savait les prendre par surprise.
Comme beaucoup de ces hussards noirs, Raymond était communiste ce qui ne l’a pas empêché de filmer les fêtes religieuses. Pas mal de documents sont de précieux témoignages sur des temps et des coutumes révolus. Le maire d’Yvoire, qui témoignait sur TV8 avec beaucoup de cœur sur cette époque moins mercantile, parlait des rogations qui étaient des processions religieuses avec aspersions d'eau bénite dans les champs, instituées vers 474 par Saint Mamert, une histoire de quinze siècles qui a soudain disparu en une génération. Les images de Raymond Lacroix qui ont servies à ce petit film sont conservées à la cinémathèque de Savoie à Annecy.
Si vous disposez d’information sur Raymond Lacroix, je suis preneur.
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