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31/08/2018

Bottom line

ImmxL1IL50UrLTHzSsaPHTAh-E8.jpgCela fait une paie (et même une sacrée paye) que je ne vous ait rien dit du boson de Higgs que l'on devrait plutôt appeler boson scalaire (voir ma note de la fin 2012). 
 
Je reçois pourtant sans cesse des mises à jour par mon informateur. Ces jours, les choses bougent... Six ans après la découverte du boson de Higgs la désintégration de cette particule en d'autres particules fondamentales, les quarks b (pour bottom), a enfin été observée. Ce résultat du Grand collisionneur de hadrons (LHC), est compatible avec l'hypothèse que le champ quantique lié au boson de Higgs donne également sa masse au quark b. 
 
D'après le Modèle standard de la physique des particules, dans 60 % des cas, le boson de Higgs se désintègre en une paire de quarks b, qui vient en deuxième position par sa masse sur l'ensemble des six quarks. Ceci dit le boson peut aussi se désintégrer en photon et même en leptons tau, d’autres expériences devraient le montrer à moins que le modèle standard ne soit complétement à refaire. On verra.
 
J'en reste à la chronique d'Alain Rémond basée sur la métaphore cuniculicole* de Jean-Marie Frère : « Imaginez que cette particule est un gros lièvre tapi au bord d’un champs de blé immobile. Si les couleurs sont identiques, l’animal est invisible. Si le champ de blé se met à osciller sans que le lapin bouge, alors en observant suffisamment longtemps, on pourra voir la bête. »

Alain Rémond de conclure que cela fait des centaines de milliers d’années que l’on vit sans rien savoir de la masse et qu’on s’en passe bien. Il propose de laisser une petite chance au lapin de Higgs. Je ne suis pas d’accord. On a mis de gros moyens pour le chasser, finissons-en !

sticker-elephant-gris.jpgMais pour le gros gibier, que l’on cherche ailleurs. Dans les étoiles par exemple. Comme le faisaient jadis les poètes. Parait que là-haut, les collisions sont bien plus fortes.

* Non cuniculicole n'est pas un gros mot, c'est juste l'élevage des lapins.

 

06:56 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (0) |

30/08/2018

1-2-3 Soleil

« Combien de temps tout cela durera-t-il ?
J’ai entendu un conférencier, annoncer que le soleil mourrait dans soixante trillions d’années. Un auditeur se leva, défait.
– Combien dites vous ? soixante trillions ?
– Non j’ai dit soixante six.
– Ah ! bon,soupira l’homme, j’avais compris soixante. Et il se rassit soulagé. »

Alexandre Vialatte

J'en avais déjà parlé ici. Du nouveau :

 

d3060468c5021c740f317ee98fc4f4ad.jpgLa sonde Parker Solar Probe est en route vers le Soleil à la vitesse de 700'000 kilomètres à l'heure. Elle va s'approcher de notre étoile pour en étudier la « couronne », atmosphère mal connue d'où s'échappe le vent solaire découvert par... Eugene Parker, qui a assisté au départ de la sonde.

 Dans deux mois, début octobre, elle atteindra Vénus, pour une première assistance gravitationnelle qui l'enverra sur une orbite elliptique autour du Soleil lui faisant approcher le Soleil début novembre à 24 millions de kilomètres.

Durant les sept années de la mission d'étude de la couronne solaire, il y aura six survols de Vénus et 24 rapprochements de la surface du Soleil. Au plus près (le point appelé périhélie), lors des trois derniers survols, le petit engin de 685 kg sera à 6,1 millions de kilomètres du centre de notre étoile, dont le rayon est d'environ 700.000 kilomètres.

06:45 Publié dans Science | Lien permanent | Commentaires (0) |

29/08/2018

Détente

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J'avais ce canard bleu dans la collimateur, il faut juste que j'appuie sur la détente de l'amazone.
 
On ne dit pas la gâchette car chacun sait que la gâchette est la pièce entre la détente et le chien et par ailleurs, un chasseur sachant chasser sans son chien est un bon sacheur. 
 
 
Le sacheur qui sait ce qu'il doit chasser.
 
LE POIDS DES MOTS DE VIALATTE  par François MOREL, Comédien. 
 
Quand je m'engage dans un travail, j'ai tendance à le prendre très au sérieux. Je suis comme ça : méthodique. appliqué. Par exemple, quand on m'a demandé de chroniquer un livre inédit d'Alexandre Vialatte, ni une ni deux, j'ai tout de suite mené mon enquête, j’ai immédiatement instruit mon dossier. La littérature, voyez-vous, il ne faut pas seulement la lire, il faut l'interroger, il faut l'examiner, il faut la soupeser.
 
L'ouvrage, titré Le Cri du canard bleu, édité au Dilettante, pèse 60 grammes. Ni plus, ni moins. Que faut-il en conclure? Qu'il ne fait pas le poids face à Marc Levy, dont l'opus Si c'était à refaire avoue un petit 640 grammes sur mon infaillible Terraillon ? Qu'il fait maigrelet à côté de L'Appel de l'ange, de Guillaume Musso, qui revendique sans complexe ses 600 grammes d'édition roborative ? Qu'il parait encore efflanqué près de Cinquante nuances de Grey d'E.L.James qui tout nu sur la balance (sans slip. sans chaussettes, sans dentelles) pèse quand même 510 grammes ? Qu'il peut cependant, dans un autre genre, regarder avec un rien d'orgueil les 20 grammes de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, de Stig Dagerrnan, dont le titre est long mais le texte bref ?
 
Que veut dire ce petit préambule? Que cherche à exprimer mon entrée en matière ? Entre nous, pas grand-chose. Juste vous informer que cet inédit de Vialatte est court. Qu'il ne peut prétendre à occuper vos longues soirées d'hiver. Sauf si vous prenez la peine, après l'avoir lu, de le relire, de le rerelire, voire de l'apprendre par cœur.
 
Car le Cri du canard bleu n'est pas ce genre de romans avec artifices, rebondissements et coups de théâtre que I’on emporte sur la plage pour se changer les idées ou accompagner la digestion. Il ne s'y passe à peu près rien. Je veux dire qu'il s'y passe un maximum de petits riens essentiels, comme l'apparition de danseuses blondes en maillot rose sur un pare-neige, comme la description d'un gramophone «en forme de liseron [qui] ouvre jusqu’au fond de la gorge sa gueule rose et ténébreuse avec des glouglous de limonade et des soubresauts de vieux sorciers », comme la destinée tragique d'un tour de cou, tout droit venu du Bon Marché, suscitant rancœur et jalousie à travers la cour de récréation puis finissant dans le purin, l'eau de vaisselle puis la poussière «comme un vaincu attaché à un char, tel Vercingétorix attaché au char de César qu'on voit dans le livre d'histoire», comme les aventures du rôle-titre, ce fameux canard bleu de Colombie qui, si le monde n'était aussi insensé, l'humanité aussi imprudente, n'aurait jamais dû quitter la vitrine étiquetée « Zoologie » de la salle de classe.
 
Le poids des mots, c'était le sujet de cette chronique. Dans le livre de Vialatte, on peut lire la phrase suivante, qui se propose de décrire une affiche publicitaire du cirque Omar : « Des ours blancs comme des manteaux de neige jonglaient là sur un sucre en vrac qui représentait des banquises, au bord d'une mer bleue comme l'azur des lingères, au pied d'une aurore boréale. » On pourrait dire que tout l'univers du cirque est évoqué dans cet assemblage bringuebalant d'exactitudes et de faux-semblants, de quotidienneté et de féerie. On pourrait dire simplement que le mystère du style de Vialatte, lumineux, poétique, est éloquent dans chacune de ses phrases.
 
Mais qui suis-je pour parler de Vialatte ? Qui suis-je pour commenter l'impeccable écrivain, le styliste vertigineux ? Autant se taire. Autant poser son stylo et lui donner la parole en citant les tout premiers mots du livre...
 
« La beauté ne s'explique pas. Elle s'impose, elle vous saisit. »,
 
François MOREL , dans Le Monde du vendredi 16 novembre 2012
 
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05:27 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (2) |

28/08/2018

Emma

Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l’horizon.

Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu’à elle, vers quel rivage il la mènerait, s’il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d’angoisses ou plein de félicités jusqu’aux sabords.


Mais, chaque matin, à son réveil, elle l’espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s’étonnait qu’il ne vînt pas ; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.

Flaubert, Madame Bovary

Pour ceux qui ne connaitraient pas Mme Bovary, résumé :

 

 

Days run away like wild horses over the hills 

05:21 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |

27/08/2018

Le sport

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Le sport


Je suis contre. Je suis contre parce qu’il y a un ministre des Sports et qu’il n’y a pas de ministre du Bonheur (on n’a pas fini de m’entendre parler du bonheur, qui est le seul but raisonnable de l’existence). Quant au sport, qui a besoin d’un ministre (pour un tas de raisons, d’ailleurs, qui n’ont rien a voir avec le sport), voilà ce qui se passe : quarante mille personnes s’asseoient sur les gradins d’un stade et vingt-deux types tapent du pied dans un ballon. Ajoutons suivant les régions un demi-million de gens qui jouent au concours de pronostics ou au totocalcio1, et vous avez ce qu’on appelle le sport.

C’est un spectacle, un jeu, une combine, on dit aussi une profession : il y a les professionnels et les amateurs. Professionnels et amateurs ne sont jamais que vingt-deux ou vingt-six au maximum ; les sportifs qui sont assis sur les gradins, avec des saucissons, des canettes de bière, des banderoles, des porte-voix et des nerfs sont quarante, cinquante ou cent mille ; on rêve de stades d’un million de places dans des pays où il manque cent mille lits dans les hôpitaux, et vous pouvez parier à coup sûr que le stade finira par être construit et que les malades continueront à ne pas être soignés comme il faut par manque de place. Le sport est sacré ; or c’est la plus belle escroquerie des temps modernes. Il n’est pas vrai que ce soit la santé, il n’est pas vrai que ce soit la beauté, il n’est pas vrai que ce soit la vertu, il n’est pas vrai que ce soit l’équilibre, il n’est pas vrai que ce soit le signe de la civilisation, de la race forte ou de quoi que ce soit d’honorable et de logique. […]

À une époque où on ne faisait pas de sport, on montait au mont Blanc par des voies non frayées en chapeau gibus et bottines à boutons ; les grandes expéditions de sportifs qui vont soi-disant conquérir les Everest ne s’élèveraient pas plus haut que la tour Eiffel, s’ils n’étaient aidés, et presque portés par les indigènes du pays qui ne sont pas du tout des sportifs. Quand Jazy court, en France, en Belgique, en Suède, en U.R.S.S., où vous voudrez, n’importe où, si ça lui fait plaisir de courir, pourquoi pas ? S’il est agréable à cent mille ou deux cent mille personnes de le regarder courir, pourquoi pas ? Mais qu’on n’en fasse pas une église, car qu’est-ce que c’est ? C’est un homme qui court ; et qu’est-ce que ça prouve ? Absolument rien.

Quand un tel arrive premier en haut de l’Aubisque, est-ce que ça a changé grand-chose à la marche du monde ? Que certains soient friands de ce spectacle, encore une fois pourquoi pas ? Ça ne me gêne pas. Ce qui me gêne, c’est quand vous me dites qu’il faut que nous arrivions tous premier en haut de l’Aubisque sous peine de perdre notre rang dans la hiérarchie des nations. Ce qui me gêne, c’est quand, pour atteindre soi-disant ce but ridicule, nous négligeons le véritable travail de l’homme. Je suis bien content qu’un tel ou une telle «réalise un temps remarquable» (pour parler comme un sportif) dans la brasse papillon, voilà à mon avis de quoi réjouir une fin d’après-midi pour qui a réalisé cet exploit, mais de là à pavoiser les bâtiments publics, il y a loin.

Jean Giono, Les Terrasses de l’île d’Elbe,
© Gallimard, 1976.

Je contresigne. Joël

Days run away like wild horses over the hills 

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26/08/2018

Tomber des nues

Je tombe des nues

Un texte retrouvé au hasard de mes mails. Il serait de Jean-François Duval, journaliste. Né en 1947 et vivant à Genève.

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Ces jours-ci, il fait un froid comme il me semble n’en avoir jamais connu. Je regarde par ma fenêtre: branches d’arbres givrées, parcourues à toute vitesse par un couple d’écureuils qui ne se lasse pas d’y jouer à cache-cache: ces deux-là pratiquent l’art d’un merveilleux savoir-vivre!

Chaque jour de chaque saison, je regarde par cette fenêtre un spectacle toujours divers. Un matin d’automne, tous les trois ou quatre ans, des jardiniers aussi agiles que des singes se balancent au bout de cordes afin d’équarrir les arbres voisins qui portent encore pour quelques jours avec gloire le feuillage d’or de l’automne. C’est un spectacle stupéfiant. Un strident concert de scies électriques accompagne les branches qui s’abattent au sol.

Bien des choses chutent, c’est une loi de la nature. Par exemple, la cédille de mon prénom a chuté depuis longtemps de ma carte de crédit; la sphère informatique voudrait son extermination. Or, regardant par ma fenêtre, voilà que, sous la coupe de la scie, je vois s’affaler au sol une branche en forme de ç cédille. Merci monsieur le jardinier des arbres! Je suis prestement descendu du cinquième pour ramasser cette branche. Ça me rendait content, car plus les temps avancent, plus j’entrevois un tombeau pour la cédille. Cette cédille cependant n’était que de bois. J’en voulais une vraie de vraie. Que ni mon nom ni ma vie ne soient amputés! Que la cédille qui, comme la vie, vient en surplus, me soit rendue!

Par chance, en parcourant le catalogue de l’Hôtel des ventes, je vis qu’une cédille était mise aux enchères, à un prix abordable. J’y courus. J’avais le cœur ravi, plein d’espoir. C’était la première fois que je me rendais à une vente de ce genre. L’idée de n’avoir pas à payer unprix fixé et convenu d’avance est très excitante; les ventes aux enchères sont des terrains de chasse, et l’homme aime à placer l’esprit de la chasse dans à peu près tout ce qu’il entreprend – même les mères de famille se métamorphosent en chasseresses lorsqu’elles se rendent au supermarché pour y traquer les prix. Assis sur ma chaise au milieu d’une centaine de personnes, j’ai vu comment, dans une vente aux enchères, les
prix changent à chaque instant. La chasse est mouvante, des mâles et des amazones rivalisent pour décocher des flèches dans une marée de bisons qui défilent, ou pour envoyer leurs harpons se ficher sur le flanc blême d’une baleine qui s’enfuit plus loin. Le ç cédille a disparu de ma vue, il est parti à des hauteurs vertigineuses. J’en étais si ébahi que j’ai oublié de laisser retomber mon bras, si bien que malgré moi l’objet suivant m’est échu. J’ai essayé de balbutier que je n’en voulais pas, mais trop tard, le marteau du commissaire-priseur était tombé: «ADJUGÉ!»

J’avais entendu murmurer autour de moi que l’objet n’appartenait à aucun style connu, ne datait ni du XVIIIe ni du XIXe siècle, qu’il était tout bonnement sorti d’un atelier aux alentours de l’année 1947, mais qu’il était susceptible de devenir le fleuron de l’appartement de la personne qui le détiendrait, si elle y mettait du sien. C’était un objet-mystère, presque un cadeau-surprise. Je l’avais eu pour rien.

Quand je l’ai tenu entre mes mains, je l’ai examiné sous toutes ses coutures: c’était ma propre vie. Elle m’était échue sans que j’en eusse pris conscience, comment l’aurais-je pu? Ah! la drôle d’affaire. Je suis ressorti avec ma vie empaquetée sous le bras. Qu’allais-je en faire? Je n’en revenais pas de l’avoir euepour ainsi dire rien. Qu’elle me soit ainsi tombée sur les bras. Quoi! rien d’autre à faire que vivre?! Qu’importait même les façons que je choisirais pour remplir cette fonction?! Simplement vivre: là était ma ligne d’horizon, comme elle est la vôtre, ou devrait l’être.

Je suis rentré chez moi. Les équarisseurs étaient partis. Les écureuils jubilaient de plus belle. C’est bien vrai ça, nous tombons tous des nues.

Un autre texte: Days run away like wild horses over the hills. Elle a son rythme propre; en anglais elle est très belle à dire. Si j’essaie de traduire, elle dit à peu près: «Les jours s’enfuient comme des chevaux sauvages par-dessus les collines.»

18:57 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |