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31/01/2008

Ken Loach

Même si les commentaires sont peu nombreux sur ce blog, il semble qu’il y ait des lecteurs c’est ce que me disent les stats de Blogspirit et c'est aussi ce que me disait hier soir, devant un bière aux Palmiers, un bon copain.

Après la bière je suis allé voir le dernier Ken Loach. Encore une œuvre sur les méfaits de la mondialisation  C’était au cinéma Rouge et Noir. Je vous rappelle qu’il existe un blog mais qui pour l’instant est fort peu actif.

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Angie se fait virer d'une agence de recrutement pour mauvaise conduite en public. Elle fait alors équipe avec sa colocataire, Rose, pour ouvrir une agence dans leur cuisine. Avec tous ces immigrants en quête de travail, les opportunités sont considérables, particulièrement pour deux jeunes femmes en phase avec leur temps.

Télérama : « Certains retournent leur veste par opportunisme. Ou par simple lassitude. Pas lui. L'Anglais Ken Loach ne faiblit pas. Il hait toujours, plus que jamais, les tièdes qui, au nom de la raison d'Etat, de la raison tout court, rendent tolérable l'injustice. Ken, lui, croit encore aux jours meilleurs, voire aux lendemains qui chantent. S'il n'en reste qu'un, ce sera lui : le dernier des Mohicans. On devrait le protéger, telle une espèce rare. Le cloner, même...

Après une ballade irlandaise (Le vent se lève) qui lui a permis d'obtenir - enfin - la Palme d'or de Cannes, en 2006, le voilà revenu à l'actualité, aux urgences... Dans It's a free world, il nous parle de ces esclaves modernes que des profiteurs vont chercher aux quatre coins du monde pour qu'ils effectuent, parfois au péril de leur vie, des travaux sous-payés que personne, sinon eux, n'accepterait de faire. La mode, actuellement, c'est l'Europe de l'Est : la main-d'oeuvre la moins chère et la plus disciplinée, semble-t-il. »

08:40 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (7) |

30/01/2008

Rencontre -5-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-5- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.
 
(...)Finalement le train est reparti en douceur. Puis Alexandre s’est mis à ranger ses papiers en me disant qu Clermont était proche. J’ai fermé mon livre inconscient du moment inoubliable que je venais de vivre. Nous nous sommes séparés sur le quai de la gare de Clermont-Ferrand. Il m’a souhaité du succès dans mes études. Je ne savais pas trop que lui répondre. Un peu plus d’une année plus tard Vialatte a eu la mauvaise idée d’arrêter de respirer. Depuis, j’ai lu et relu ses chroniques de la Montagne, j’ai lu ses romans et ses nouvelles et comme Lafontaine qui demandait à tout le monde « Avez-vous lu Baruch ? » je cours partout en demandant, « Avez-vous lu Vialatte ? » 

Mais qui était Vialatte ?

Longtemps on a pensé qu’il était auvergnat, on a cru qu’il était écrivain, certains prétendent l’avoir vu gare de Lyon chaque dimanche apporté sa chronique au wagon postal de 23h15, ils ont imaginé qu’il était chroniqueur au journal la Montagne. On raconte qu’il serait né en 1901 et serait mort en 1971. On raconte qu’il aurait fait découvrir Kafka en France, traduit Nietzsche, Bertold Brecht, Goethe, qu’il aurait frôlé le prix Goncourt avec les Fruits du Congo. Pierre Desproges en avait fait son maître, Philippe Meyer aussi… Tout ceci est vrai et bien d’autres choses encore… Avec son œil unique, Vialatte voyait la réalité de mille points de vue, tous très originaux.

A propos de Kafka, on dit que Vialatte aurait mis chez ce grand pessimiste un humour qui manquait. Vrai ou faux ? Ce qui est sûr c’est qu’Alexandre dû insister lourdement pour que Gallimard publie la totalité de l’œuvre du maître pragois. Il disait à Gaston que sa gloire future serait d’avoir publier Proust, Gide et Kafka.

A vingt ans, il était pion à Ambert et s’en était échappé pour devenir rédacteur de la revue rhénane. Dans des chroniques intitulées, Les bananes de Koenisberg, il retrace ce séjour de six dans l’Allemagne pré nazie de la république de Weimar. Il a vécu à Spire puis à Mayence. Il a raconté à son ami Henri Pourat le charme des petite spiroises, Anja, Frida, Hilda, Rose, Elise ou Milly. Pourat, l’auteur de Gaspard des montagnes, sera l’ami de toute sa vie, le La Boétie de ce Montaigne humoriste. Il n’a pas vraiment aimé l’Allemagne. Il s’est moqué de la lourdeur et du mauvais goût de ses hôtes. C’est là qu’il a appris une certaine forme de cynisme, à tout le moins une vision de l’homme sans complaisance.

Ensuite ce fut l’Egypte. Professeur au lycée français d’Héliopolis. Il prenait à cœur son enseignement et continuait de traduire le château de Kafka.

 
On a dit que c’était un conservateur à tout crin. Il aurait sans doute rajouté : « oui et je garderais mes crins blancs. » Malgré des opinions politiques franchement de droite qui lui interdisaient de parler politique dans ses chroniques, (La Montagne étant un journal de gauche) il savait détecter les talents de tous bords. Son éclectis­me étonne. Avant tout, il aimait les écrivains vrais. Beaucoup naviguaient dans une sphère très éloignée de la sienne. Leurs mondes, leurs styles étaient à l'opposé du sien. Il leur reconnaissait cependant un vrai talent d'artiste. Quel point commun y a-t-il entre Henry James, espèce de « Marivaux cosmopolite », et Frederick Rolfe dit le Baron Corvo, auteur sulfureux d'Hadrien VII, un roman « aussi majestueux, solide et ouvragé qu'une cathédrale byzantine, un monument tout incrusté de métaux précieux » oscillant entre le « grand » et le « mesquin », la « subtilité italienne » et les « préjugés britanniques » ? Qui, en 1954, connaît Gottfried Benn, « le plus grand styliste allemand avec Nietzsche et Kafka », et qui, un an auparavant, sut détecter le « tact littéraire parfait » d'André Frédé­rique ? Simenon, Paul-Jean Toulet, Dino Buzzati (« S'il n'y avait pas eu Franz Kafka... ce serait le plus passionnant des écrivains du siècle »), jean Girau­doux ou Audiberti, un « hercule de foire » « avoir traversé notre époque sans avoir vu Audiberti, c'est avoir traversé le jardin zoologique sans avoir vu l'éléphant » sont quelques-unes de ses permanentes admirations.

Il savait aussi démonter les fausses gloires. Il aurait rit du livre que Marie Dominique Lelievre consacre à Sagan- Dans La Mon­tagne du 15 mai 1956, il se fait un plaisir de citer quelques vers de l'auteur de Bonjour Tristesse: 

« Toujours, toujours,
Je n'aime que Toi,
Prends-moi, prends-moi,
Prends-moi dans tes bras. »

Suit un commentaire à la hauteur de l'oeuvre : « La passion y parle toute pure... Minou Drouet n'a plus qu'à bien se tenir. » 

Pour Vialatte, la Comtesse de Ségur est « un besoin poétique de l'enfance », Valéry Larbaud « un grand cru» qui nous apprend que « nous n'avons besoin que de l'inutile », et Ionesco « mérite d'être un classique » même si « d'aucuns le prenaient pour un éléphant qui piéti­nait le jardin de Le Nôtre, mais ils s'apercevront qu'il danse un pas classique, qu'il est subtil et tradition­nel ». Il reconnaît très vite le génie de Bertold Brecht qui était pourtant au antipodes de sa conception du monde.

** Beaucoup de points dans cette note sont tirés du Vialatte de Denis Wetterwald. Denis est un comédien qui a dit souvent les textes de Vialatte, c'est aussi un amateur comme moi, son livre publié en 1996, je crois, aurait mérité une meilleure presse.

**Voilà. C’était ma rencontre avec le maitre. Je reparlerai de Vialatte, soyez en sûr. Je vous posterai bientôt une fameuse et hillarante chronique datée du 2 avril 1964, numéro 573 intitulée « JOIES ET MISÈRES DU POLYGAME » Surtout si Mitt Romney, républicain mormon continue de remporter les primaires américaines.**

04:25 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (5) |

28/01/2008

Rencontre -4-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-4- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.

(...)Il est étrange que le progrès de l'humanité aille au rebours du progrès des hommes. Que le type humain le plus beau soit celui d'avant le progrès. Le progrès se fait-il donc contre l'homme ? »

Je commençais à trouver l'homme bien trop conservateur et le temps bien trop long, ce tortillard n’avançait pas. Alexandre avait sorti un petit cahier et avait commencé à écrire d’une petite écriture très régulière et rapide. Peut-être notait-il des pensées sur le temps qui passe.

« Le temps perdu n'est jamais gaspillé ; les Auvergnats ne le souffriraient pas. J'y songe en lisant Thomas Mann. Quand il fut reçu docteur honoris causa de je ne sais plus quelle grande université allemande, il prononça un discours charmant où il expliquait qu'on l'honorait ainsi pour célébrer les résultats non point du temps qu'il avait employé à étudier dans les universités allemandes, mais de celui qu'il y avait perdu. Car c'était celui-là qui lui avait tout appris. Un grand professeur de Normale disaient à ses élèves : "Lisez, mais au hasard, lisez sans nul programme. C'est le seul moyen de féconder l'esprit." On ne peut savoir qu'après coup si le temps est perdu ou non. Sans le temps perdu, qu'est-ce qui existerait ? La pomme de Newton est fille du temps perdu. C'est le temps perdu qui invente, qui crée. Et il y a deux littératures : celle du temps perdu, qui a donné Don Quichotte, celle du temps utilisé, qui a donné Ponson du Terrail. Celle du temps perdu est la bonne. Le temps perdu se retrouve toujours cent ans après. » (1)

Il a levé la tête un instant de son cahier et m’a redemandé un précision sur ces fameux ordinateurs qui lui paraissait bien mystérieux et inutiles. Allaient-ils remplacer les règles de calcul ? Et même les tables de logarithmes ? Bravement, je l’assurais que oui et bien plus encore. Peut-être même qu’un jour il parleraient, lui dis-je sans sourciller. Il me regarda de son œil unique, visiblement sceptique. Il avait là-dessus des positions très affirmées :  

« On brise tout parce qu'on veut faire neuf. On a donc l'illusion de pouvoir tout remplacer. Mais ce n'est pas vrai pour cent raisons. Ne fût-ce que pour celle-ci, qu'avec de la vitesse on fait tout sauf de la lenteur. Et par exemple on perd son temps beaucoup plus vite. Avec de la lenteur on perd son temps lentement ; donc moins. Une civilisation qui se prive de la lenteur n'est pas dans le sens de la nature. On essaie d'y revenir par des voies détournées, on n'y arrive pas, on a perdu le génie du lent : pour prendre un exemple entre mille, la poubelle à pédale ne remplace pas le vélo. Je connais bien la question, ma belle-fille en a une. J'ai essayé, c'est très décevant. Même sur de très faibles distances. »(2)

Soudain, le train à ralenti puis s’est arrêté en rase campagne. Alexandre a continué d’écrire. Pour meubler la conversation, je lui ai demandé s’il prenait souvent le train. Il me répondit que c’était son principal moyen de transport et qu’il avait pas mal voyagé dans sa vie. Il aurait pu me sortir ce petit raccourci férroviaire qui dit tout Vialatte :

« Je suis allé de Paris à Nice par la Corrèze. Il n’y a personne. Sauf un cheval qui broute dans un pré entre Tulle et Brive-la-Gaillarde. Et une tortue géante entourée de plumes de paon au café de l’hôtel Central à Monterolles, à côté d’une scie de poisson-scie. Et à Vierzon, un monument qui s’appelle A la ville de Suez et dans lequel on vend des layettes. Le reste est beaucoup moins remarquable. » (3) 

(1)Chronique de la montagne 232 - 9 juillet 1957 p.531 Robert Laffont - Bouquins 2000

(2)Chronique de la montagne 567 - 14 anvier 1964 p230

(3)Chronique de la montagne 481 - 22 mai 1962 p.46

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06:00 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (4) |

26/01/2008

Rencontre -3-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-3- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.
 

(...)Peut-être que derrière le jeune maoïste mal fringué il avait reconnu le futur  quinquagénaire  (...)

Mais Alexandre m’a regardé simplement l'air amusé et m’a questionné sur mes études. Surpris peut-être de découvrir que ce contestataire aux cheveux en bataille étudiait cette nouvelle technologie qu’on avait déjà baptisée informatique et qui vu d’aujourd’hui en était à ses balbutiements de cartes perforées et de mémoires ridicules... Visiblement très intéressé à comprendre ce que j’avais bien de la peine à expliquer, il me posait des questions subtiles. J’étais à l’époque convaincu de l’avenir incroyable de ces techniques, ce en quoi j’avais raison, j’étais aussi convaincu que tous ces progrès allaient amener le bonheur de l’humanité, ce en quoi j’avais tort.

Je ne savais pas qu’il avait écrit mille choses amusantes sur le progrès et qu’il en avait bien perçu les limites. Il disait : « Rien n’arrête le progrès. Il s’arrête tout seul » ou encore « Les progrès du progrès vont de progrès en progrès. » Il ironisait sur le rien et le presque rien dont le mystère ne serait jamais rongé par le progrès scalaire de nos connaissances comme l’avait écrit Jankélévitch dans son traité sur la métaphysique du « je ne sais quoi » et du « presque rien »

Comme je lui parlais de mon grand intérêt pour les mathématiques, il me posait des questions d’un air amusé. Dire que j’aurais pu lui parler de littérature. Dire que je lui montrais mon l’esprit de géométrie quand il aurait fallu que je l'écoute me parler de l’esprit de finesse. « La science explique le monde, elle répond aux questions. Elle veut savoir. La littérature veut s'étonner. Elle est à base d'éblouissement. Elle ne répond pas, elle questionne. Elle prend plaisir à ne pas comprendre, comme un enfant devant le prestidigitateur. Elle est en état de fascination. Le poète aime mieux être ébloui que renseigné. Ce qui la passionne, ce n'est pas le pourquoi, c'est le comment. Comment les choses se passent. Car on n'y comprend rien.  (…) Un instant d'attention et tout devient un mystère.(…) C'est la tâche de la littérature de rendre ce mystère des choses. Elle a pour rôle de faire le portrait de l'indicible. »  

A l’époque, je ne savais pas que j’allais me passionner à ce point pour la littérature. J’étais déjà un grand lecteur mais il ne me semblait pas possible d’écrire, mon orthographe était trop indigente, mon vocabulaire faible… et tout à l’avenant.

Et puis il faut dire que ce vieux monsieur vêtu sans ostentation mais à l’ancienne ne me paraissait guère digne d’intérêt. S’il n’avait fait mine de s’enquérir de ma petite personne, je l’aurais sans doute superbement ignoré. Tout à trac, Alexandre m’a demandé ce que je pensais de l’homme qui avait marché sur la lune. Je lui répondis que cela me paraissait fantastique et plein de promesse pour l’humanité. Pendant ce temps, il écrivait :

« Quoi qu'il en soit, l'homme ne paraît jamais plus beau que quand il emploie en même temps son coeur, son corps et son esprit dans quelque entreprise difficile. C'est pourquoi j'aime tant les marins, et pas tellement les cosmonautes : le cosmonaute est à peu près passif. Il est étrange que le progrès de l'humanité aille au rebours du progrès des hommes. Que le type humain le plus beau soit celui d'avant le progrès. Le progrès se fait-il donc contre l'homme ? »

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14:20 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (5) |

24/01/2008

Rencontre -2-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-2- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.
 

(…)J’avais sorti de la poche de mon vieil anorak, le petit livre rouge des pensées de Mao Tsé Tung.

Intrigué, il me posa deux ou trois questions sur le livre faisant preuve d’une vraie curiosité. Il connaissait pourtant mieux que moi la pensée du grand timonier qui devait conduire la Chine au chaos en encourageant sa jeunesse la plus ignorante à dénoncer le pouvoir des intellectuels les plus érudits, à les contraindre à des autocritiques truquées pour finalement les envoyer cultiver la terre. Il avait écrit des chroniques sur Mao. Il aurait sans doute pu me réciter cette chanson populaire à Pékin en ce temps là : « Les poissons ne peuvent quitter l’eau, les cucurbitacées ne peuvent lâcher la plante grimpante, Le peuple ne peut abandonner le parti communiste, La pensée de Mao est un soleil qui ne se couche jamais. » Il aurait pu  ironiser sur ces chinois qui s’attachaient à Mao comme la citrouille à l’ampélopsis, ces chinois qui brandissaient le livre, le récitaient à l’arrêt d’autobus, qui se jetaient dans le Fleuve Jaune pour suivre Mao dans ses exploits natatoires, des chinois qui allaient jusqu’à gagner des médailles olympiques grâce à lui et à ce petit livre que je tentais en vain de décrypter.

Alexandre me regardait d’un air amusé qui s’expliquait peut-être par la préparation de sa 876 ième chronique de la Montagne, celle du 22 novembre 1970 dans laquelle il parle de l’effrayant témoignage dans les mémoires du petit empereur de Chine victimes de toutes les cruautés mentales. Élevé comme un dieu vivant dans une cour d’un autre age où il n’avait droit de faire aucun mouvement, paralytique en quelque sorte, la rééducation maoïste avait réussi au bout de nombreuses années de sévices à lui faire coller des boites en cartons. Cette chronique 876 qui raconte d’autres prisons culturelles de Mao toutes très horribles et qu’il termine par « Voilà pourtant ce dont rêve toute une jeunesse française » juste précédé de son célèbre « Et c’est ainsi qu’Allah est grand. » qui devait clore toutes ses chroniques montagnardes du 9 décembre 52 au 25 avril 71.

Peut-être que, derrière le jeune maoïste mal fringué, il avait reconnu le futur  quinquagénaire chauve et bedonnant, le père de famille soucieux de transmettre des vraies valeurs, voir le grand-père en puissance, ou l’informaticien rangé et fou de littérature qui un jour voudra à tout prix encombrer les rayons des librairies de ses œuvres.  

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23/01/2008

Théatre

431fcd0afe11c77304e8411d9b9a0501.jpgPremière hier soir de Central Park Ouest de Woody Allen au Casino Théatre. C’est excellent ! On retrouve le NewYork branché de Woody avec ses névroses et ses adultères et un humour fou. Le rôle de la psychanalyste est magni- fiquement jouée par Sara Barberis. Derrière Gaspard Boesch, plus vrai que nature en écrivain raté et cocu, on ne peut s’empêcher de voir Woody Allen lui-même. Caroline Cons, Sabrina Martin et Erik Desfosses en mâle dominant sont tous à la hauteur d’une interprétation de qualité. Allez-y!

du 22 janvier au 9 février 2008 au Casino-Théâtre, 42 rue de Carouge à Genève

mardi, vendredi et samedi à 20h30, mercredi et jeudi à 19h.

Billets à l’entrée: 30.- / Etd. AVS 20.- Collège 15.- / Enfants 10.-

Location : 022 839 21 02

09:30 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) |

22/01/2008

Rencontre -1-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale. Fils de militaire itinérant, Vialatte avait adopté l’Auvergne de ses années de collège. Avant de voyager, il s’était enraciné du côté d’Ambert, la ville où les Copains de Jules Romains avaient fait leurs 400 coups. C’est là qu’il a situé la plupart de ses romans.

A propos de l’Auvergne, il disait que Pascal aimait tellement l'Auvergne qu'il naquit à Clermont-Ferrand et qu’en Auvergne, il y a plus de montées que de descentes.

Au-delà de nos âges, je n’avais pas vingt ans, il en avait bientôt septante, tout nous séparait. Je n’avais aucun humour. J’étais en pleine révolte, l’idée même de service militaire me faisait vomir, je voulais tout casser, j’en voulais à toutes les hiérarchies et je prétendais briser toutes les chaînes et détruire toutes les règles. Même les règles de grammaire si chères à Vialatte me paraissaient tout à fait superflues. J’avais les cheveux longs frisés et un accoutrement en rapport avec ma révolte…

Alexandre, assis dans ce compartiment, donnait l’impression d’un homme posé et réfléchit. Le cheveu grisonnant, vêtu d’une veste assortie et d’une cravate un peu terne, il me regardait de son œil unique qui l’empêchait de voir le relief des objets. Il avait perdu l’autre œil en 40 dans la cavalerie. J’ai su plus tard qu’il était un homme de droite, que son père était un militaire guindé et qu’il avait gardé de son éducation une rigidité dont il savait se moquer à l’occasion. J’ai su que malgré son œil manquant, il savait merveilleusement trouver le relief des hommes et des choses. Pour l’instant il m’observait, à moins qu’il ne fût simplement absorbé dans ses pensées. J’avais sorti de la poche de mon vieil anorak, le petit livre rouge des pensées de Mao Tsé Tung.

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09:10 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (3) |