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26/01/2008

Rencontre -3-

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Ma rencontre

avec

Alexandre Vialatte

-3- 

J’ai eu la chance de rencontrer Alexandre Vialatte. C’était pendant l’hiver 1969/1970 dans le train entre Clermont-Ferrand et Paris. Un train qu’il empruntait régulièrement pour relier sa chère Auvergne à la capitale.
 

(...)Peut-être que derrière le jeune maoïste mal fringué il avait reconnu le futur  quinquagénaire  (...)

Mais Alexandre m’a regardé simplement l'air amusé et m’a questionné sur mes études. Surpris peut-être de découvrir que ce contestataire aux cheveux en bataille étudiait cette nouvelle technologie qu’on avait déjà baptisée informatique et qui vu d’aujourd’hui en était à ses balbutiements de cartes perforées et de mémoires ridicules... Visiblement très intéressé à comprendre ce que j’avais bien de la peine à expliquer, il me posait des questions subtiles. J’étais à l’époque convaincu de l’avenir incroyable de ces techniques, ce en quoi j’avais raison, j’étais aussi convaincu que tous ces progrès allaient amener le bonheur de l’humanité, ce en quoi j’avais tort.

Je ne savais pas qu’il avait écrit mille choses amusantes sur le progrès et qu’il en avait bien perçu les limites. Il disait : « Rien n’arrête le progrès. Il s’arrête tout seul » ou encore « Les progrès du progrès vont de progrès en progrès. » Il ironisait sur le rien et le presque rien dont le mystère ne serait jamais rongé par le progrès scalaire de nos connaissances comme l’avait écrit Jankélévitch dans son traité sur la métaphysique du « je ne sais quoi » et du « presque rien »

Comme je lui parlais de mon grand intérêt pour les mathématiques, il me posait des questions d’un air amusé. Dire que j’aurais pu lui parler de littérature. Dire que je lui montrais mon l’esprit de géométrie quand il aurait fallu que je l'écoute me parler de l’esprit de finesse. « La science explique le monde, elle répond aux questions. Elle veut savoir. La littérature veut s'étonner. Elle est à base d'éblouissement. Elle ne répond pas, elle questionne. Elle prend plaisir à ne pas comprendre, comme un enfant devant le prestidigitateur. Elle est en état de fascination. Le poète aime mieux être ébloui que renseigné. Ce qui la passionne, ce n'est pas le pourquoi, c'est le comment. Comment les choses se passent. Car on n'y comprend rien.  (…) Un instant d'attention et tout devient un mystère.(…) C'est la tâche de la littérature de rendre ce mystère des choses. Elle a pour rôle de faire le portrait de l'indicible. »  

A l’époque, je ne savais pas que j’allais me passionner à ce point pour la littérature. J’étais déjà un grand lecteur mais il ne me semblait pas possible d’écrire, mon orthographe était trop indigente, mon vocabulaire faible… et tout à l’avenant.

Et puis il faut dire que ce vieux monsieur vêtu sans ostentation mais à l’ancienne ne me paraissait guère digne d’intérêt. S’il n’avait fait mine de s’enquérir de ma petite personne, je l’aurais sans doute superbement ignoré. Tout à trac, Alexandre m’a demandé ce que je pensais de l’homme qui avait marché sur la lune. Je lui répondis que cela me paraissait fantastique et plein de promesse pour l’humanité. Pendant ce temps, il écrivait :

« Quoi qu'il en soit, l'homme ne paraît jamais plus beau que quand il emploie en même temps son coeur, son corps et son esprit dans quelque entreprise difficile. C'est pourquoi j'aime tant les marins, et pas tellement les cosmonautes : le cosmonaute est à peu près passif. Il est étrange que le progrès de l'humanité aille au rebours du progrès des hommes. Que le type humain le plus beau soit celui d'avant le progrès. Le progrès se fait-il donc contre l'homme ? »

 --- la suite demain, peut-être ---

14:20 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (5) |

Commentaires

Oui, demain c'est bien !

Écrit par : Dilettante | 26/01/2008

Est-il possible de savoir, bien qu'il s'agisse d'une fiction, si les citations prêtées à Vialatte sont de lui, y compris lorsqu'elles sont précédées de 'il disait'? (Je parle bien des citations, pas du discours rapporté). Ou bien le doute doit-il subsister?

Écrit par : Jacques | 27/01/2008

Oui, Jaques, les citations entre guillemets, précédées ou non de il disait sont extraites de chroniques de Vaialatte.

Lil, fiction, oui et j'en suis encore plus désolé que vous :-)

Écrit par : Joël | 27/01/2008

Boris Vian disait que "l'histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre". La rencontre a sûrement eu lieu dans d'autres dimensions...

Écrit par : Dandylan | 28/01/2008

ha bon, une rencontre virtuelle alors,
c'est peut etre encore mieux ainsi.
La transmission de pensée, la rencontre des esprits...
on y est, la pensée voyage partout et dans le temps.

la fiction deviendrait elle une science?

(mon url je sais pas trop, mais mon blog c'est sur captaindemoral.saces.lives quelque chose comme ça, je refuse d'y comprendre quelque chose à ces termes barbares)

A bientôt

Écrit par : Damien | 31/01/2008

Les commentaires sont fermés.