31/01/2015
Travail
Bertrand Russell, né en 1872 est mort en 1970. Il était l’auteur des Principia Mathematica. Avec Bourbaki, Russell a mis en place les principes qui refondent la mathématique au XXième siècle. En plus Russell était un des plus grands philosophes du siècle et en plus du plus il a obtenu le prix Nobel de… littérature en 1950.
Militant pacifiste, libre penseur, il a soutenu Einstein visé par le Maccarthysme*, il s’est associé contre la guerre du Vietnam avec Jean-Paul Sartre. Comme Duboin, il était partisan d’un revenu universel. Il a écrit un essai sur le travail qui me plait beaucoup. En voici quelque extraits, le PDF est ici et aussi ici en 4 billets dans une traduction un peu différente.
Ainsi que la plupart des gens de ma génération, j'ai été élevé selon le principe que l'oisiveté est mère de tous vices. Comme j'étais un enfant pétris de vertu, je croyais tout ce qu'on me disait, et je me suis ainsi doté d'une conscience qui m'a contraint à peiner au travail toute ma vie.
Cependant, si mes actions ont toujours été soumises à ma conscience, mes idées, en revanche, ont subi une révolution. En effet, j'en suis venu à penser que l'on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu'il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes traditionnels.
J'espère qu'après avoir lu les pages qui suivent, les dirigeants du YMCA lanceront une campagne afin d'inciter les jeunes gens honnêtes à ne rien faire, auquel cas je n'aurais pas vécu en vain.
(...)
Et d'abord, qu'est-ce que le travail ? Il existe deux types de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se 10 trouvant à la surface de la terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé ; le second est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée : il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner.
La plupart de nos convictions quant aux avantages du travail sont issus de ce système : étant donné leurs origines pré-industrielles, il est évident que ces idées ne sont pas adaptées au monde moderne. La technique moderne a permis aux loisirs, jusqu'à un certain point, de cesser d'être la prérogative des classes privilégiées minoritaires pour devenir un droit également réparti dans l'ensemble de la collectivité. La morale du travail est une morale d'esclave, et le monde moderne n'a nul besoin de l'esclavage. (...)
* Il écrit au New York Times, qui vient de fustiger Einstein dans un de ses éditoriaux, en ces termes : « Vous semblez affirmer qu'on doit toujours obéir à la loi, aussi mauvaise qu'elle soit. Je ne peux pas croire que vous ayez réalisé ce que cette position implique. Condamnez-vous les martyrs chrétiens qui refusèrent de se soumettre à l'empereur, ou encore John Brown ? Non, mieux, je pense que vous vouez aux gémonies George Washington et militez pour que votre pays refasse allégeance à sa gracieuse majesté Élizabeth II. En tant que loyal sujet britannique, je ne peux qu'approuver votre point de vue ; mais j'ai peur qu'il n'obtienne que peu d'écho chez vous. »
17:59 Publié dans Duboin, Textes | Lien permanent | Commentaires (0) |
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