31/07/2009
Moines et autobus
Un dernier texte tiré du Poisson-Scorpion de Nicolas Bouvier.
L'autobus
« You must adjust yourself to general stagnation. »
Le ministre des transports du Sri Lanka, avril 1955
À l'époque oubliée où la piété comptait encore dans l'île, où les perruches récitaient spontanément les soutras, ce n'était pas souvent qu'on voyait un bonze emprunter un chemin. Ils se déplaçaient par magie, troussaient leur tunique, enfourchaient le vent, filaient comme des boulets rouges vers les Îles d'Or ou les Himalayas quand ils ne préféraient pas s'enfoncer sous terre avec un bruit terrifiant.
Leur scélératesse les ayant depuis longtemps privés de ces pouvoirs, ils se sont rabattus bien à contrecœur sur les transports publics qui les font payer comme vous et moi. Qui a déjà perdu sa vertu s'accroche d'autant plus à ses privilèges. Leur dépit ne connaît pas de borne. Ainsi les hauts pontifes du Monastère de la Dent (une dent de caïman, celle du Bouddha a été volée et brûlée au XVIe siècle par les mécréants portugais) qui a le pas sur tous les autres, ont avec le syndicat des conducteurs une vieille querelle bien grattée et envenimée dont l'autobus rose qui relie ma ville à la capitale fait trop souvent les frais. Trois fois par an au moins, on le fait sauter, secouant pour un bref instant une léthargie que je commence à croire trompeuse et qui rappelle le calme qui règne dans l'oeil d'un typhon.
Il est d'ailleurs très bien ce bus, pour autant qu'on ne se laisse pas prendre à la somnolence affectée des tire-laines professionnels qui sont de tous les trajets. Tandis que les rivages célébrés par Thomas Cook vous absorbent, votre montre s'évanouit, votre portefeuille se volatilise, le contenu de votre gousset se transforme en fumée et parfois soi-même on s'envole car depuis quelques semaines ces jouets explosifs font fureur. Les bonzes les dissimulent dans leur robe jaune à grands plis, les déposent à l'hypocrite dans le filet à bagage et descendent à l'arrêt suivant, l'air confit en méditations, juste avant l'apothéose.
Lorsqu'on arrive avec le bus suivant sur le lieu d'une de ces fêtes pyrotechniques il faut voir alors les valises aux tons d'ice-cream et les parapluies à bec semés à la ronde, parfois même accrochés aux palmiers, les grands peignes à chignon soufflés bien loin des têtes qui n'en auront plus l'usage, et les blessés en sarong carmin, violet, cinabre, merveilleuses couleurs pour descente de Croix, alignés au bord de la route étincelante de verre pilé où deux flics les comptent et les recomptent en roulant des prunelles. Au milieu de la chaussée, une paire de lunettes rondes à montures de fer est cabrée les branches en l'air, l'air mécontent, grand insecte irascible et fragile à la recherche d'un nez envolé le Diable sait où.
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28/07/2009
Bec de toucan
A quoi sert le grand bec du toucan toco ?
N’est qu’un tape-à-l’œil ? Un truc pratique pour attirer les toucanes tocotes ? Un tiroir pour stocker le ravitaillement ? Un instrument pour faire du tintamarre : le boucan que fait le toucan quand il claque du bec tout en clapant des noix de coco ?
Pas du tout, le bec du toucan toco est une sorte de ventilateur et même de climatiseur. C’est l’universitaire Glenn Tattersall et ses potes brésiliens qui viennent de le démontrer.
Ce bec sert à abaisser la température du toucan. Le bec du toucan toco mesure jusqu’à la moitie du corps du volatile, c’est le plus grand bec connu. Très irrigué, il permet au toucan toco de faire affluer une grande quantité de sang près de la surface afin que la chaleur se dissipe et maintienne une température de 38,5 dégrés.
On peut comparer le bec du toucan toco à l’oreille d’éléphant qui joue le même rôle de refroidisseur. Le bec du toucan toco est nettement plus efficace affirment les chercheurs, pourtant l’oreille d’éléphant est bien meilleur en ragoût, dit-on.
PS: Lorsque le toucan toco s’endort son bec refroidit affirme Tattersall et ses potes. Pourquoi en douterait-on ?
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26/07/2009
Fiente
Pourquoi la fiente des oiseaux est-elle blanche ?
Il faut savoir que la fiente est l’urine des oiseaux. On remarque que les oiseaux aiment fienter de très haut ce qui rend l’exercice beaucoup plus difficile, donc amusant, et grâce à la couleur blanche ils voient si la cible (votre tête) à été atteinte. Les oiseaux détestent rater leur cible.
D’ailleurs le blanc est dû à sa composition en urate (sel d’acide urique). On reconnaîtra le u (ou) grec qui signifie « ne pas » comme dans utopie.
Illustration : pigeon descendu pour vérfier l'impact.
20:20 Publié dans Questions essentielles | Lien permanent | Commentaires (0) |
23/07/2009
Fourmis
Encore un peu d’érudition tirée du poisson-scorpion.
Connaissez-vous les foumis
Œcophylla smaragdina ?
Je ne connaissais pas !
Savez.vous ce qu’est la myrmécologie ?
Je le savais grâce au garde-mots et à son Myrmidon.
Chacun a pu observer plusieurs fourmis occupées à remuer des monuments à leur échelle. Voilà toute la scène des fourmis oecophylla qui remonte un Gecko (petit lézard aux pattes adhésives) racontée par Nicolas Bouvier.
Seule distraction ce chemin de fourmis qui depuis hier relie mon plancher à ma toiture et passe droit devant ma table. Un ruban roussâtre et fluctuant, deux pistes à sens unique. Elles se sont mis en tête de coltiner sur cette verticale le corps d'un petit gecko qui s'était imprudemment avisé de traverser leur route. Tirant du haut, poussant du bas, elles sont des centaines à s'affairer autour du petit animal dont la dépouille se moire d'un velours d'ouvrières. Il est retombé plusieurs fois, leur faisant perdre un terrain durement gagné. Elles ont passé un jour ou deux à la hauteur de ma machine et parfois je m'interrompais pour tarabuster le chantier du bout de mon crayon. Dans le silence menaçant de la sieste où pas une paupière ne bat dans la ville, il me semblait entendre les sifflets des contremaîtres, les jurons des grutiers, le ronflement des treuils. J'espère avoir terminé avant qu'elles ne disparaissent avec leur fardeau dans les retraites de mon plafond. Ce sont de grandes « Œcophyles smaragdines » qui ne m'avaient encore jamais rendu visite. Merveilleusement carénées, astiquées comme les bottines du Maréchal Lyautey, très vaines de leur taille fine. Snob et talon rouge en diable : le fin du fin de la myrmécologie équatoriale. Toutes les autres fourmis les haïssent et les attaquent.
Un Gecko
07:00 Publié dans Bestiaire | Lien permanent | Commentaires (1) |
22/07/2009
Majolique
Le vocabulaire du poisson-scorpion suite…
Page 30 : « De là, on voit les ruelles du Fort, étroites aux crépis couleur majolique, blotties sous une église baroque. »
C’est quoi la couleur majolique ?
Une majolique désigne, en français, une faïence italienne de la Renaissance. En italien, maiolica est synonyme de « faïence ».
Principalement réalisée en Toscane et en Émilie-Romagne, la faïence italienne de la Renaissance est ainsi appelée car sa production aurait été stimulée par l'importation de céramiques espagnoles qui transitaient par l'île de Majorque. Ces céramiques espagnoles étaient caractérisées par leurs reflets métalliques dus à une technique d'origine proche-orientale parvenue en Europe par le biais de l'Espagne mauresque à la fin du Moyen Âge.
Nicolas Bouvier veut sans doute parler de crépis aux couleurs lumineuses. Autres interprétations bienvenues.
17:26 Publié dans Mots | Lien permanent | Commentaires (0) |
21/07/2009
Chantefables
A la poursuite des richesse du poisson-scorpion…
Bouvier nous parle de chantefables et il recopie celle du brochet, tirée de chantefables et chantefleurs de Robert Desnos.
Le brochet
Fait des projets.
J’irai voir, dit-il,
Le Gange et le Nil
Le Tage et le Tibre
Et le Yang-Tsé-Kiang.
J’irai, je suis libre
D’user de mon temps.
Et la lune ?
Iras-tu voir la lune ?
Brochet voyageur,
Brochet mauvais cœur,
Brochet de fortune.
17:04 Publié dans Au fil de la toile | Lien permanent | Commentaires (0) |
20/07/2009
Bousier
Les insectes ont une grandes importance dans le poisson-scorpion. Ils occupent sa chambre et mettent en relief la solitude et l'état dépressif de Nicolas Bouvier. Cancrelats, fourmis, cafards, termites... Un chapitre est consacré à l'escarbot, un escarbot géant, un Bousier (Bouvier?) trouvé Ceylan dans la rue et ramassé.
Il enferme le bousier dans une boîte à cigares avec sa boule de bouse qui contient les larves du coléoptère. Le bousier va prendre son envol en abandonnant la crotte qui contient sa progéniture et il montre le chemin à Nicolas qui finira par quitter cette chambre du sud de l'Ile, Galle, où il s'est enfermé : « Avant-hier, jour de grande pluie, il s’est installé sur la balustrade du balcon, le temps de mûrir sa résolution puis s’est lourdement envolé vers le banian qui domine la mer, et n’est jamais revenu. […] Parfois, dans cet espace qui se resserre sans cesse et dans mon temps ralenti, il me semble entendre cette boule de crotte où des larves incubent tic-taquer comme une machine infernale. Il faut que je déguerpisse de cette chambre » (p. 154).
08:35 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0) |