05/10/2020
Dubuffet
A voir jusqu'au 28 février 2021 au MEG à Genève.
Jean Dubuffet, un barbare en Europe
On y apprend que Dubuffet fut d'abord marchand de vin avant de se révéler un grand artiste. Il 43 ans quand il provoque un scandale avec la première exposition marquante dans Paris libéré en 1944.
Le musée d'Ethnographie en lien avec la Collection de l'Art Brut de Lausanne était le lieu indiqué pour nous parler de Dubuffet. Dubuffet aimait torpiller l'art officiel, l'art des prétentieux, des académiques... Il aimait découvrir les oeuvres des artistes dit primitifs, des créateurs spontanés, l'art des fous, des marginaux de toutes sortes : prisonniers, reclus, mystiques, anarchistes ou révoltés.
On ne parle pas (au MEG) de l'amitié qui le liait à Vialatte donc je vais vous en parler. Trouvé ici un petit extrait :
Vialatte, A., Correspondance(s), Lettres, dessins et autres cocasseries, 1947-1975. Éditions Au Signe de la licorne, 2004, extrait.
"On me demande pourquoi j’aime Dubuffet. J’aime Dubuffet parce qu’il est charmant ! D’abord il a des petits cheveux tondus ras, bien frottés à la toile émeri, qui lui font un crâne de légionnaire, des yeux bleus en toile de Vichy, bien lavés de frais, qui se souviennent d’on ne sait quels fjords ; il est toujours bien lavé, bien propre, bien joli, bien appétissant ; il est mignon comme une image de dictionnaire. Il se coiffe à Londres avec un petit chapeau moutarde ; il s’habille, il se chausse à Londres, chez le plus grand bottier d’Angleterre, D’Europe. Du Monde. Petit à petit sous mon influence, Dubuffet s’habille dans le Puy-de-Dôme. Il se sert chez Conchon-Quinette, établissement de grande réputation, aux succursales nombreuses, réellement apprécié. Il en acquiert une élégance pour ainsi dire plus départementale, une dignité plus auvergnate et un fruité plus onctueux. [...] C’est un lyrique, un humoriste, un grand poète et un écrivain de première force. Il a le goût, la mesure, le bon sens. Pas dans ses toiles, ses toiles sont poétiques ; la poésie n’a rien à voir avec le goût, elle n’a à voir qu’avec l’abîme. On me dit qu’il est scandaleux. Pourquoi ? Parce qu’il peint des vaches vertes. Mais d’abord toutes les vaches sont vertes, ensuite si elles ne l’étaient pas, il faudrait les inventer telles, et c’est précisément parce qu’elles ne le sont pas qu’il est beau de les peindre vertes. Je trouve beaucoup plus scandaleux de voir en manchette sur six colonnes dans un journal : "Le ministre sera présent au rendez-vous qu’il s’est fixé lui-même." (Je n’invente pas), ou "Le ministre est décidé à faire respecter la loi." Tous les Européens de notre génération ont vu défiler dans leur vie des vaches plus vertes que les vaches de Dubuffet. On leur a fait tout digérer, corne et peau ; et même l’oeil, qui est pourtant triste et beau, et pareil à celui des déesses. [...] J’aime Dubuffet parce que ses toiles mélangent l’humour à une confiture de possibles, une apocalypse de formes, un grouillement de choses incroyables, dérisoires et contradictoires, un opéra de ville engloutie."
18:06 Publié dans Art | Lien permanent | Commentaires (0) |
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