02/11/2007
Une époque
C'était un homme de qualité
de grande qualité
d'une qualité d'une telle qualité
qu'il en était parfois gêné
par sa qualité
___
Il avait eu le tort
le tort tortueux de naître
de naître dans une époque
de grosse
de grosse quantité
une époque de quantité d'une telle quantité
qu'elle était parfois bien difficile
à supporter
pour les épaules menues fragiles
graciles
des hommes de qua-li-té
___
Faut dire aussi que c’était une époque
écrasante
une époque pesante
une époque qui ne valait d'ailleurs
que par son pesant
son pesant d'or
une époque qui allait - pensez –
jusqu'à poser des impôts sur les fenêtres et les portes
Faut dire aussi que c’était une époque
écrasante
une époque pesante
une époque qui ne valait d'ailleurs
que par son pesant
son pesant d'or
une époque qui allait - pensez –
jusqu'à poser des impôts sur les fenêtres et les portes
une époque qui
dès qu'elle voyait une embouchure
ne pensait plus qu'à l'emboucher
de peur que l'on s'envole
que l'on s'envole aux ouvertures
une époque qui ne pensait qu'à
entasser toujours et toujours
qu'à entasser ses francs
ses francs lourds, ses euros.
une époque qui ne pensait qu'à bouffer
qu'à avaler sans mâcher
qu'à s'empiffrer
qu'à s'empiffrer et qu'à grossir
grossir
dès qu'elle voyait une embouchure
ne pensait plus qu'à l'emboucher
de peur que l'on s'envole
que l'on s'envole aux ouvertures
une époque qui ne pensait qu'à
entasser toujours et toujours
qu'à entasser ses francs
ses francs lourds, ses euros.
une époque qui ne pensait qu'à bouffer
qu'à avaler sans mâcher
qu'à s'empiffrer
qu'à s'empiffrer et qu'à grossir
grossir
qu'à grossir et qu'à se reproduire
car seul le nombre croissant de sa
quantité
la rassurait cette obèse cette engrossée
bref
une époque qui confondait pro-gres-ser
et en-grais-ser
une époque à ce point lourde
à ce point dingue
à ce point lourdingue
que tout ce qu'elle comptait d'un peu léger
d'un peu volatile
et en particulier les idées
les idées des hommes de qualité
depuis longtemps s'était envolé
là-haut très haut dans les airs
et tournoyaient
tournoyaient sans cesse
et sans cesse à s'en faire péter la caisse
annonçant pour demain peut-être
le règne enfin retrouvé de la grâce
de la grâce
de la grâce éolienne du pollen
et de la légèreté
de la légèreté des idées qui passait pour l'instant
bien au-dessus
de la tête
de la grosse tête vide de la planète
qui en bas dans ses gros gros sabots plombés
s'en allait inquiétante émouvante
se perdre tel un monstre d'épouvante
dans les boues glissantes de sa
destinée.
quantité
la rassurait cette obèse cette engrossée
bref
une époque qui confondait pro-gres-ser
et en-grais-ser
une époque à ce point lourde
à ce point dingue
à ce point lourdingue
que tout ce qu'elle comptait d'un peu léger
d'un peu volatile
et en particulier les idées
les idées des hommes de qualité
depuis longtemps s'était envolé
là-haut très haut dans les airs
et tournoyaient
tournoyaient sans cesse
et sans cesse à s'en faire péter la caisse
annonçant pour demain peut-être
le règne enfin retrouvé de la grâce
de la grâce
de la grâce éolienne du pollen
et de la légèreté
de la légèreté des idées qui passait pour l'instant
bien au-dessus
de la tête
de la grosse tête vide de la planète
qui en bas dans ses gros gros sabots plombés
s'en allait inquiétante émouvante
se perdre tel un monstre d'épouvante
dans les boues glissantes de sa
destinée.
04:25 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (2) |
Commentaires
Bien que connaissant Ph. Garnier, je ne connaissais pas ce texte. Il me plaît énormément et je vais le garder dans un petit coin où je range tout ce que j'aime bien. Merci Joël à plus tard.
Écrit par : Lhuna/Angélique | 03/11/2007
Y a une espèce de combinaison entre Devos, Prévert et Sol... C'est très bien.
Écrit par : libou | 07/11/2007
Les commentaires sont fermés.