Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/08/2007

No Suicide -3-

523ea5514b23ce25d19b1d7368525767.jpg

Olga est le tout dernier modèle d’APerHos. Si mon Raymond revenait, lui qui aimait tellement bricoler, il dirait d’Olga que c’est un beau lit d’hôpital bien pratique, super ingénieux. C’est vrai, Olga est un lit capable de toutes les orientations. C’est aussi une petite voiture qui se déplace seule dans les couloirs ou les allées du jardin. Alphonse, lui, aurait aimé la chaîne stéréo qui joue les morceaux que je veux… un son très pur… un choix infini de musiques du monde. Parfois, elle me met une chanson sans que je demande rien. Je suis tentée de protester mais c’est inutile, elle est toujours dans le ton, dans l’humeur de l’instant… Pour Lucien, mon fils, chez Olga, c’est l’écran de télé plat et pliable qui surgit de sous le matelas qui l’aurait séduit. Je l’entends presque dire : « Un lit à la James Bond. »

Moi, j’associe Olga, ce petit bijou de technique, à mon vieux monde fané… éteint même… et depuis si longtemps. Cela me la rend plus proche, plus humaine, presque amicale. Sinon, quand on y réfléchit, c’est Big Brother cet engin là. L’œil à tout, l’œil partout… Et pourtant avec Olga, on a fait de grandes choses dernièrement.
       
J’ai peur ! Je suis morte. Morte avec Raymonde, avec Lucien, avec Jean-Jacques. Il voulait le cryogéniser, mon Jean-Jacques. Ils disaient que sa maladie, à J-J, serait soignée dans quelques années. Ils disaient qu’alors, ils pourraient sans doute le réchauffer, qu’il aurait encore de belles années à vivre devant lui. Je les ai empêchés de commettre ça. J’envie ces petites vieilles à qui on a accordé le droit de mourir parce que leur maladie était enfin jugée incurable. J-J conservé dans de l’azote liquide… et quoi encore !... Il n’aurait pas été le seul. Ce fût un débat terrible. Les refroidisseurs avaient démontré que cela marchait. Nous avons refusé. Nous étions nombreux. Nous avons gagné. Aujourd’hui, personne ne peut plus être cryogénisé contre son gré. C’est fini !

J’ai peur ! Je suis partie avec eux, partie avec les miens. Dans ma tête, en tout cas. Je veux faire disparaître les derniers souvenirs qui me restent. Ma mémoire étonne, paraît-il. Moi, elle me fatigue. C’est grâce à Olga que je l’entretiens… et même parfois à mon corps défendant. Avec son aide, j’ai pu me livrer à la seule chose qui vit encore un peu en moi : les petites histoires que je construis patiemment pour les gosses.

03:20 Publié dans No Suicide | Lien permanent | Commentaires (0) |

Les commentaires sont fermés.