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23/05/2007

Erotisme

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Un "bonjour"

de

Jack Rollan

 

du

28 juillet 1970

Me croirez-vous si je vous dis que par cette chaleur, l'érotisme était très loin de ce que je venais chercher en plein après-midi dans le hall de ma gare natale ? Lorsqu'on vient acheter « Le Monde » et « Le Figaro », c'est l'in­dice qu'on n'a pas le coeur à la bagatelle. Mais on n'échappe pas à son époque ; la provocation sexuelle nous guette en tout lieu, même au kiosque des journaux où, pour atteindre mon prude « Figaro », je dois commencer par repousser un nombre considérable de ces nichons internationaux que les maga­zines en sexycolor nous proposent à l'étalage comme des oranges pour le voyage, tandis que mon autre main, tout aussi vertueuse­ment, cherche parmi de ravissants postérieurs cosmopolites le che­min qui conduit au « Monde » perdu dans une gigantesque partie de cache-cache-sexe. 

Je me sers moi-même ainsi pour gagner du temps, mais je me rends bien compte qu'aux yeux des autres clients, je dois avoir l'air très exactement de l'amateur-cochon-timide qui, se sentant regardé, n'a pas le courage de demander :« Avez-vous quelque chose de suédois ? »... et finit par choisir ce qu'il y a de plus sérieux dans la boutique.

Mais la dame qui choisissait hier quelques livres pour partir en vacances n'avait pas de ces timidités puisque au-dessus de la petite pile de bouquins qu'elle tendait à la vendeuse en lui demandant combien je vous dois, était placé « L'Erotisme chez la Femme », sous couverture illustrée de la moitié du haut d'une dame pâmée, ce qui laissait clairement à penser que la belle personne n'était pas seule sur la moitié manquante de l'illustration.

- Quarante-huit nonante, répondit la vendeuse.
- Hou là la! c'est cher, dites donc ! fit la dame qui partait en vacances.
- C'est que, reprit la marchande, celui-là coûte déjà 19 francs 50.

...« Celui-là », c'était bien entendu le petit maltraité d'érotisme en douze chapitres. La dame qui partait en vacances hésita un instant, et demanda : « Vous permettez ? Je vais demander à mon mari »… et s'éloigna, le livre en main.

Là, sachez-le, mes amis, j'en ai eu moi-même pour 8 francs 40 ! car pour ne pas vous priver de la fin, j’empilais les « Daily Mirror » sur les « Tageblatt » et comme le mari était en train de prendre les billets, j'ai dû aller jusqu'à « L'Almanach du jardinier du Dimanche » - moi qui ne sais même pas où me loger ! Enfin la dame revint - et rendit le coquin manuel en disant simplement :

- Eh ben non, mon mari dit que c'est pas la peine...

Et la vendeuse, mes frères, je vous jure que c'est vrai - et que ça vaut mes huit francs !- la vendeuse reprit tout aussi simplement le livre, en répondant :

- Mais bien sûr, madame, il vous faut faire comme d'habitude...

22:00 Publié dans Jack Rollan | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Magazine |

Commentaires

Joli!
Quelque peu vieillot quand-même. Catherine M n'était pas encore passé par là ;-)

Écrit par : Sugus | 24/05/2007

Un peu veilli c'est vrai mais la remarque de la vendeuse est toujours aussi savoureuse. Bel art de la chute, je trouve.

Écrit par : Joël | 24/05/2007

C'est la deuxième fois qu'il chute avec beaucoup de hauteur le Rollan. Mais cette chute-ci a ricoché sur ce souvenir vague qui devait se formuler à peu près ainsi : Le talent est une mauvaise habitude.
Et peut-être qu'elle n'en manquait pas cette cliente.

Écrit par : libou | 30/05/2007

Quel joli compliment de Monsieur à sa Dame!....

Écrit par : fred | 31/05/2007

Les commentaires sont fermés.