Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/08/2006

Forfait 12

medium_tel.jpg

.

.

Forfait

illimité

-12-

.

romance

.

.

                                                             Chinon le 12 Juin

 

Ma chère Raymonde,

J’abandonne le petit morceau de plastique, si pratique, pour la plume. Les choses que j’ai à te dire ne supportent pas la volatilité. J’aurais aimé venir à Annecy pour quelques jours, mais la situation ne le permet pas. Tout d’abord, je veux te remercier encore une fois de t’être occupée de tout : le déménagement, la location du studio et même les états d’âme, si imprévisibles, de Lucien le faux dur à cuire. À la Toussaint, cela fera une année déjà que je suis arrivée en gare de Chinon. Une bien belle année !

Tu avais entièrement raison, il ne nous restait pas gros à vivre ensemble, Alphonse et moi.  Les médecins s’essayent à l’optimisme, mais je vois bien qu’ils se forcent énormément. Un signe qui ne trompe pas, ils ont accepté qu’il revienne à la maison. Comme je te l’ai dit, depuis lundi, il est ici, dans son lit. Il a gardé son sens de l’humour mais il souffre. Il souffre terriblement, du moins avant que l’infirmière ne passe, matin et soir, pour lui injecter sa morphine, après ça va un peu mieux. On reste des heures à se tenir la main, sans trop parler. Parler le fatigue. Lui qui adorait les longues conversations… Ce temps est passé si vite. Je crains que ce ne soit définitif, une question de jours, de semaines au mieux.

Alors, il faut bien que je songe à l’avenir. Avec Alphonse qui dort dans la pièce à coté, c’est très dur de parler de ça. Tu sais que Michèle, sa fille, et moi, ce n’est pas le grand amour. Elle m’a mené la vie dure. Piège après piège. Alphonse s’est toujours montré bien faible avec elle. Je ne t’en ai pas parlé. Je ne voulais pas t’inquiéter. J’ai regretté amèrement le bon temps des heures passées au téléphone, de ses lettres si amusantes, si tendres. Je m’ennuyais. Par ici, tout est si plat. Les seules collines sont des taupinières. Il me semble qu’il pleut plus souvent que chez nous, que le ciel est plus gris. Je m’ennuyais quoi !

Je ne connaissais personne. D’ailleurs je ne connais toujours pas grand monde. Comme je te l’ai dit, il a fallu que la chorale périclite juste après mon arrivée. Il y a bien André, son ami, qui vient souvent nous voir. Il est complètement différent d’Alphonse. Introverti, un peu aigri. Pas trop content, je pense, de mon intrusion dans ce monde si bien réglé. Pas enchanté de ma présence dans cette maison, qui, pour lui, est encore celle de Fernande. D’ailleurs cette maison, je ne m’y suis pas vraiment habituée. Elle est trop grande… un peu froide… humide… je ne sais pas… Alphonse m’a bien proposé de la meubler autrement. Avant que je n’arrive, il avait acheté une grande télé pour que je ne manque pas mon « Questions pour un champion »… Les lieux nous sont accueillants ou hostiles sans que l’on sache trop pourquoi…On en a souvent parlé toutes les deux dans ta merveilleuse maison sur la colline.

Je m’excuse de te dépeindre un tel tableau après m’être appliquée à te broder mon conte de fées jour après jour. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre que les choses ne sont ni blanches ni noires. Je suis bien sûre que, maligne comme tu es, tu as bien perçu tous ces petits problèmes domestiques au fond de ma voix, derrière les mots. Je t’en parle surtout pour me forcer à envisager un retour à Annecy, pour me forcer à continuer à vivre. Je ne sais pas trop pourquoi d’ailleurs. Après Raymond, et avant Alphonse, je ne savais pas non plus… Je ne savais pas pourquoi je vivais, et pourtant j’ai vécu. On a eu quelques bonnes parties de rigolade ensemble, de belles promenades aux alentours du lac, la chorale… À l’époque, c’était hier, ça suffisait bien à mon bonheur.

Bref, je ne t’en dis pas plus, pour ne pas décourager les miracles. Je voulais te préparer, pour le cas, bien probable, où tu doives me supporter prochainement… encore un petit peu. Tu sais que l’espérance de vie des femmes est malheureusement bien trop longue.

Je t’embrasse tendrement et te remercie encore pour tout.
Ton amie Pauline.

- FIN -                

Commentaires

Comme c'est triste cette lettre ... et comme est court le temps du bonheur
Je me sens toute mélancolique à la lecture de cet épisode ci

Écrit par : pkdille | 29/08/2006

Eh oui, c'est la vie, trois petits tours et puis s'en vont...
pour ceux qui ont la chance de faire trois tours...

Écrit par : Joël | 29/08/2006

Hello Joël,
J'ai décroché pendant 2 semaines, aurais-tu Forfait illimité sous forme imprimable? Si oui tu pourrais me l'envoyer en pièce jointe? Merci :-)

Écrit par : Ruth | 04/09/2006

Envoyée sur gmail

Écrit par : Joël | 04/09/2006

Les commentaires sont fermés.