09/12/2008
Catastrophe
Hier soir à Saint Julien,
soirée philo,
sur le thème de
l’universalisme.
Notre conception de l’univer-salisme et des droits de l’homme, issue de la philosophie des lumières, n’est elle pas basée sur une vision purement européenne ? Cette idéologie du progrès, qui voit notre civilisation occidentale comme un aboutissement et qui, par concéquent, relègue les autres au rang de barbares et de sauvages, ne contient-elle pas en germe sa propre destruction.
Cette conception de l'homme, basée sur l'idée d'un progrès linéaire, véritable rouleau-compresseur idéologique, scientifique et technologique, l'idée d'un homme qui domine la nature, ne serait-ce pas ce qui finallement va mettre la planète à feu et à sang. [Désolé de simplifier à outrance.]
Alain Gentil s'est intérrogé hier sur ce théme.
Somme nous à la veille d’une catastrophe ou est-ce que l’impasse devenue si visible de notre système va nous permettre de mettre en place de nouvelles avenues plus respectueuses des valeurs humanistes ? Plus de vingt personnes pour un débat riche et fructueux.
Le mot du jour Catastrophe. Du grec Kata : vers le bas, de haut en bas, en concordance avec, contre et Strophê : action de tourner, volte, évolution (révolution ?) Donc une descente en spirale vers le bas. Le sens latin devient : fin, dénouement, conclusion au théâtre. C’est de ce sens appliqué à la tragédie que vient par métonymie hyperbolique le sens de désastre brusque et effroyable.
D’autres mots en Cata… Cataclysme (Kata et Klusmos – Inondation)
Catalyse – (Kata et Luein – délier, détruire, dissoudre) à l’origine, dissolution, décomposition d’un gouvernement.
Catalespsie (Kata et Lamanein, s’emparer de) Paralysie par hypnose.
Catalogue (Kata et Logein – Rassembler)
Cataplasme (Kata et Plasma : Ce qui est façonné)
Catapulte (Kata et Pallein – Secouer, brandir)
Cataracte (Kata et Rhêgunai – Briser faire éclater) Chute d'eau
Catatonie (Kata et Tonos – Tension, tonus) Manque de tonus
Les évènements grecs annoncent-ils la catastrophe ?
A lire: Race et Histoire de notre centenaire national Claude Levi-Strauss
Quand la misère chasse la pauvreté de Majid Rahnema
09:25 Publié dans Cafés | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : greece, progrès |
24/06/2007
La Leçon -3-
Lisez
la leçon de choses
en un jour
pour savoir pourquoi Alain Bagnoud a mis Heidi en tête de la liste des quatre livres de son enfance.
Est-ce que j’aurais pu écrire le livre d’Alain Bagnoud ?
Sans doute pas dans la forme. Son écriture est évidemment très personnelle. Son style est agréable, très lisible, pas de mots savants, un vocabulaire adapté à l’histoire sans recherche excessive, du patois de ci de là dont j’aurais pensé qu’il ressemblerait plus au mien, le patois d’Abondance, pas très loin du Valais, à vol d’oiseau.
Dans le fond on a vécu tous les deux la fin d’une époque dans deux lieux semblables en ce qu’ils étaient les derniers à recevoir la sacro-sainte civilisation de l’aspirateur et de la tourniquette à faire la vinaigrette. Avec Alain nous avons neuf ans d’écart et j’aurais pensé, a priori, que, vivant en Suisse, il n’avait pas connu ce monde là. Eh bien si et il nous le fait bien revivre.
J’hésitais sur le morceau à numériser. J’aurais aimé vous mettre la négociation à propos des vieilles granges et comment le grand-père s’en sort magnifiquement à coup de proverbes en patois face à l’arnaqueur sans scrupule. A propos de patois :
"Le patois, c'était le passé, la lourdeur figée, la boue, les odeurs de fumier, les vieux appartements mal aérés. Le carcan des traditions. Les modèles de comportement obtus. Les reproches muets et culpabilisants. Une lourdeur bête comme de la graisse figée qui enrobait une société pétrifiée, épaisse, irrespirable, étouffante.
Augustine (le régente un peu bornée) avait raison. Elle faisait bien de s'irriter contre les vestiges de ce dialecte chez Delphine, de s'acharner à en arracher les racines qui résistaient, qui se réfugiaient dans des mots, dans des expressions, dans la syntaxe. J'approu-ais naturellement sa démarche. Moi aussi j'étais du côté du progrès, de l'avenir.
Mais soudain la régente me stupéfia. Elle avait changé d'état d'esprit. Son gros nez en l'air, elle avait pris un air poétique. Elle parlait avec nostalgie. Pourtant, disait-elle, bien sûr le vieux temps avait du bon ! Toutes ces qualités qu'on n'a plus !
- Tu étais plus jeune mais tu dois te rappeler, Rita ? Le bon vieux temps ! Les gens se connaissaient tous, ils savaient d'où ils venaient. Ils s'entendaient, ils discutaient, ils s'entraidaient. C'étaient des vrais chrétiens. Ils ne pensaient pas qu'à l'argent, ils avaient des vrais mérites !
Comme une photo informe dont on s'aperçoit soudain qu'elle représente un panier de fruits ou un paysage photographié d'avion, l'inconséquence de sa position, qu'elle avait souvent exprimée en classe, me frappa brusquement, là devant l'église. Pourquoi alors, si le patois devait être extirpé par tous les moyens, la régente se mettait-elle à chanter les mérites du passé qui lui était lié ? Je me pose encore la question. Pourquoi, malgré sa nostalgie d'une société paysanne, Augustine travaillait-elle à en remplacer les valeurs par celles de la petite bourgeoisie, de l'ambition épicière et de la convention ?
Car le bon français qu'elle prônait, c'était une vision du monde médiocre exprimée dans une syntaxe simple. Le bon élève devait se méfier de la richesse et de la plasticité de la langue. Il lui fallait couler sa parole dans les lieux communs, les expressions toutes faites, les formules reconnues. Parler le bon français, c'était collectionner des locutions, des manières de dire réglées. S'en faire un fond solide. Les stocker dans une réserve où il suffisait ensuite de puiser pour permettre les échanges consensuels, convenables, qui n'entraîneraient ni contestation, ni débats, ni troubles.
La leçon de chose en un jour - page 229 -
22:15 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : arpitan, progrès, abondance |