10/05/2007
Monde disparu
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Ella Maillart
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Nicolas Bouvier
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Témoins d’un monde disparu
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Quand le grand écrivain voyageur rencontre l’aventurière, tous deux nés à Genève, cela donne un petit livre publié chez Zoé avec vingt photos d’Ella dont voici un extrait au sujet d'un voyage immortel :
Pékin, janvier 1935. On parle encore de l'arrivée de la « croisière jaune » qui a fait d'ouest en est la route de Marco Polo. Ella reprend le projet formé deux ans plus tôt: gagner l'Inde par l'Ouest chinois, le Sin-kiang et les passes du Karakoram. Mais tout cet occident où les «seigneurs de la guerre » s'expliquent avec des armes soviétiques ou anglaises échappe au gouvernement de Nankin, qui en interdit l'accès et contrôle les branches nord et sud de l'ancienne Route de la soie. L'explorateur Sven Hedin conseille à Ella de passer par le centre en traversant le Tsaidam. La pauvreté de ces hautes terres, le climat, la difficulté d'y trouver des montures, les pillards Tangoutes rendent cet itinéraire si malaisé que le gouvernement n'a pas songé à le fermer.
Ella vient de retrouver à Pékin le correspondant du Times, Peter Fleming. Ils décident de tenter ensemble l'aventure, en clandestins. Ces deux solitaires irréductibles vont former une excellente équipe. Peter est frère aîné de lan Fleming et donc l’oncle de James Bond(*). Bon cavalier, bon fusil, homme d'esprit, parlant un chinois passable et passé maître dans l'art si utile de corrompre les fonctionnaires. Ella possède le russe, connaît la vie caravanière, sait panser bêtes et gens et apprêter sur un feu de crottin n'importe quel gibier de poil ou de plume. Elle est plus dure à la peine qu'un chien eskimo.
A l'est du lac du Koukou-Nor, ils larguent leur dernière escorte chinoise - quatre vieux tringlots pressés de retrouver leurs pipes d'opium - et plongent avec leurs poneys, un guide et quelques chameaux dans ce qu'Ella appelle «l'inconnu démesuré. » Pendant des semaines on chemine ; le temps est comme aboli. Les quelques apparitions entrevues dans cet immense chaudron de grésil et de silence ont l'allure de fantômes dilués par trop d'espace. Un soir, ils croisent la caravane d'une princesse mongole surgie de nulle part, enveloppée comme un joyau dans des fourrures de marmotte. Elle les invite gracieusement dans une tente doublée de soie. Le lendemain au réveil, la neige a effacé toutes les traces, et le campement princier a disparu: c'est du Nô japonais. C'est aussi cette fabuleuse dérive du voyage où soi-même - avec quel soulagement - on se sent disparaître. La géographie bascule dans un imaginaire qu'il faudra un jour rechercher autrement et ailleurs.
Ils mettent ainsi six mois à atteindre Kashgar, vivant le plus souvent du gibier qu'ils abattent, et gagnent les Indes britanniques par le col de Mintaka. Au Cachemire personne ne repère ces deux héros boucanés et littéralement muets de bonheur. Déception pour les échotiers du microcosme colonial: pas de romance entre ces deux équipiers qui parleront toujours l'un de l'autre avec une moquerie affectueuse.
* et aussi au service du MK8, donc modèle James.
Sur ce voyage, Fleming publie Courrier de Tartarie (réédité chez Phébus Poche en 2001) en 1936 et Ella Maillart Oasis interdites en1937, deux must de la littérature de voyage.
07:00 Publié dans Géographie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Genève, voyage, chine, aventure, exploration |