07/08/2019
Août
Le mois d’août date de la plus haute antiquité. Il se caractérise par une chaleur atroce. Il faut l’avoir vécu soi-même pour pouvoir s’en faire une idée.
Le sergent de ville colle au bitume de la chaussée. L’Auvergnat ne porte plus que trois ou quatre lainages. Le loup, déshydraté, tombe au bord de la route.
Ramassez le loup, arrachez-lui la peau, doublez-la d’une satinette rouge, faites-vous en une descente de lit.
Les brasseurs édifient des fortunes incroyables, ils ne voyagent plus qu’en première de métro. Le sous-préfet part en vacances dans le Var. Les villes se vident, il ne reste plus dans les villages que la bicyclette des facteurs devant le café du Commerce.
(Almanach d’août – Almanach des quatre saisons)
Le ciel est bleu, les marronniers roussissent. Et c’est quand même un été froid.
Abandonnés du président de la République, du boulanger, de la blanchisseuse, du percepteur, les veufs, les chiens et les vieillards errent au hasard à travers les rues vides, à la recherche d’un aliment. D’un os de seiche, d’un pain d’oiseau, d’une consigne, d’une raison de vivre.
L’homme a besoin d’un os à ronger. D’une main qui le guide, d’un cerveau qui le gouverne, de quelqu’un qui prenne ses sous. D’une femme, d’un sergent, d’un ministre.
Mais sa femme est à Nice, son percepteur à Naples, son boulanger à Saint-Tropez, son chef d’État serre des mains cambodgiennes parmi des ovations mongoles.
Résumons-nous, l’homme du mois d’août est orphelin. C’est un conscrit sans adjudant, un repas sans vin, un cheval sans plumes ; c’est un vignoble sans soleil.
(Chronique des vaches en sucre – La Montagne – 30 août 1966)
Tels sont les plaisirs du mois d’août, l’un des mois les plus nécessaires à la géoponie française (géoponie est dans le dictionnaire, vous n’avez qu’à le chercher vous-même*) parce que la chaleur étouffante procure au moissonneur les grosses transpirations qui lui sont tellement nécessaires pour éliminer rapidement les immenses quantités de boisson que la température l’oblige à absorber dans cette période de gros travaux.
Les Romains le célébraient en faisant mille folies, fêtaient Bacchus et tuaient des chiens pour les punir de n’avoir pas aboyé quand les Gaulois avaient assiégé le Capitole. Ils allaient jusqu’à couronner une tête de cheval noir de petits pains.
Aujourd’hui, on mange les petits pains, on se réfugie dans sa baignoire, on visite les expositions. L’homme s’agite, la femme se démène. Elle brille sur les plages à la mode d’un éclat emprunté au masque à la tomate et à la brosse conique qui rend le bouffant des cheveux. Le cheveu lui-même est nourri de « crèmes coiffantes » ; on ne voit plus que « nus améliorés » ; bref la vieillesse est devenue un mythe, je dirai même l’un des pires témoignages d’une mauvaise éducation.
(Conseils du mois – La Montagne – 22 août 1961)
* Indice : Un agriculteur est toujours géoponique.
A la fin du mois on boira un coup :
ss
20:15 | Lien permanent | Commentaires (4) |
Commentaires
Merci pour ces citations !
https://www.youtube.com/watch?v=k2-eC2ri-vk
Écrit par : Aredius44 | 13/08/2019
Très sympa cette chanson de Ray Ventura !
Écrit par : Joël | 14/08/2019
Un cheval "sans plume" ??
Tiens c'est la Sainte Marie. Il faut que j'appelle ma soeur.
A très bientôt.
Écrit par : Philippon | 15/08/2019
Salut Pascal,
Je réalise que le cheval est sans plumes au pluriel. Vérification faite dans la chronique des vaches en sucre, plume prend un s. Et on ne peut pas douter de l'orthographe d'Alexandre qui considérait la grammaire comme un des beaux arts. Mais en fait quoi de plus normal que le cheval n'ait plus de plume depuis Pégase... https://www.arthur-samson.com/pegase-le-roi-des-chevaux/
Écrit par : Joël | 15/08/2019
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