16/12/2013
Famille
A travers le temps et les sociétés, la famille semble être une des structures les plus pérennes qui soit…
Et pourtant, chez nous, la famille et la société changent. Parmi les qualificatifs appliqués à ces familles nouvelles, on trouve les termes de nucléaire (par opposition à la famille traditionnelle dite multigénérationnelle ou clanique), disloquée, éclatée, monoparentale, biparentale recomposée (donc après décomposition). Maintenant, elles peuvent être aussi légalement biparentales mâles et biparentales femelles. Étonnant non ?
Mais les anthropologues ont mieux dans leurs tiroirs...
Chez les Nayar de la côte de Malabar (Inde), les guerriers ne pouvaient fonder une famille. Les femmes, mariées nominalement à un guerrier, étaient autorisées à prendre des amants. Les enfants appartenaient à la lignée maternelle, l'autorité et les gestion des terres étant aux mains des hommes de la lignée, frères des femmes, eux-mêmes amants occasionnels des femmes d’autres lignées. C’est une famille appelée matricentrée.
Si l’on en croit Françoise Héritier, le mariage entre femmes est légal depuis longtemps chez les Nuer du Soudan. Cependant, chez eux, la filiation passe exclusivement par les hommes. La fille n'appartient pas à la famille de son père, sauf si elle est stérile. Stérile elle compte comme un homme et perçoit des parts des dots versées pour ses nièces. Avec ce capital, elle peut « acheter » une jeune fille qu’elle épouse légalement. Elle lui choisit un homme, un étranger pauvre, pour engendrer des enfants. Ces enfants sont les siens (ceux de la fille stérile, faut suivre) et l'appellent " père " et elle leur transmet son nom.
Son épouse l'appelle " mon mari ", lui doit respect et obéissance. Elle la sert comme elle servirait un vrai mari. Elle-même administre son foyer et son bétail comme un homme. Au mariage de ses filles, elle reçoit à titre de père, le bétail de leur dot et ensuite remet au géniteur la vache, prix de l'engendrement. Le géniteur ne tire (en principe) aucune autre satisfaction matérielle, morale et affective du contrat. Rassurez-vous, la femme-époux n'est qu'un ersatz d'homme et ce mariage légal reste tout à fait dans les canons machistes.
Chez les Yorubas du Nigeria, c'est une femme riche et non stérile qui peut légitimement épouser d'autres femmes et en avoir de la même façon substitutive, des descendants bien à elle. Attention, il est exclu de voir dans ces unions purement familiales une forme particulière d'homosexualité féminine. Honi (1 n) soit qui mal y pense, comme il est écrit sur la jarretière de la mariée.
Un autre jour, je vous parlerai des mariages fantômes, des vivant et des morts, aussi fréquent que le mariage entre vivants, chez les Nuer. Utile pour l’héritage en cas de mort sans descendance. Le mort peut ainsi devenir père de famille en toute immortalité.
17:28 Publié dans Au fil de la toile, Société | Lien permanent | Commentaires (10) |
Commentaires
Si Napoléon avait su tout ça, on aurait eu un code civil intransportable !
Écrit par : Aredius | 16/12/2013
Je ne peux que tirer une conclusion : c'est un monde bizarre ce que nous habitons.
Écrit par : ana | 17/12/2013
Dans la société Nuer donc, les deux femmes mariées ne consomment pas leur mariage? (puisqu'elles ne sont pas homosexuelles). Et le mari qui épouse la femme de la femme stérile, il ne sert qu'à procréer? Ils ont en tout cas trouvé une parade à la stérilité, et je ne suis pas contre. Je m'opposerai juste lorsqu'ils décideront éventuellement de répandre cette culture.
Écrit par : Vanessa | 17/12/2013
Le monde est plus grand de ce que l’on croit… Anthropologie, ethnographie, folklore, sociologie, je ne me lasse pas de lire. Merci pour cet article concernant la famille.
Je sais et comprend que cet article a en vue de fond le mariage entre les mêmes sexes. En dehors de préférences de certains individu(e)s (pourquoi individu n’a pas de féminin ? Je sais que le Maître préfère ‘humain’ mais je pose la question) il y a un aspect ‘rôle social et vie après’ qui subsiste en dessous de la surface visible des choses.
C’est vrai que c’est le rôle de la femme (femelle) qui apparaît le plus souvent dans ces histoires. Qui se souvient de Zorba le grec de Niko Kazantzakis… Le film où l’on y voit le sort réservé à une jeune veuve sans enfant. Les enfants et les vieilles du village s’arrachent ses biens, la chasse de sa maison et de ses terres… Les hommes ‘leaders’ pour être certain que cette veuve leurs laisseront leurs nuits tranquilles discrètement mais ouvertement s’en emparent et l’égorge.
Mythes ou légendes de la Crêtes antiques, les récits sont persistants concernant le sort réservé aux femmes infertiles. Je sais que les lecteurs de l’ancien Testament ne me contrediront pas concernant ce point. Si le doigt pointe sur le statut de la reproductrice, on veut ignorer le côté matériel qui est la cause du drame. Les biens dont finalement les autres membres du groupe s’emparent sans autre forme de procès.
Il n’est que justice que des femmes astucieuses… Et hommes astucieux trouvent des parades pour échapper au sort qu’on leur réserve dès qu’elles ou ils auront perdu la force de défendre leur bien.
Faire des enfants fait partie de cette stratégie… On sait que les fermiers faisaient beaucoup d’enfants pour faire le travail à la ferme. On sait que les tribus du sud de l’Atlas Marocain enlevaient les femelles pour maintenir la défense de leur territoire. Plus près de nous, on faisait aussi des enfants pour qu’ils prennent soin de nous quand on devient trop vieux.
Je sais que le régime des retraites libère les parents et enfants de ce fardeau… Mais quand même il y a encore pas mal de banquiers et entrepreneurs qui lorgnent vers ce magot, ce n’est pas gagné d’avance !
Écrit par : Dan | 17/12/2013
Ah Zorba ! Merci de faire référence à ce grand roman et en particulier à la lapidation de la veuve.
Dieu a Noé et à ses fils : "Croissez et multipliez, peuplez en abondance la terre". Et en plus c'est bon pour la retraite. N'empêche que c'est pour ça (la croissance) que la planète va finir en sucette.
Écrit par : Joël | 18/12/2013
"Famille je vous hais", André Gide, Les nourritures terrestres
Écrit par : Pop | 18/12/2013
"Je ne déteste que les bourreaux." Albert Camus, Lettres à un ami allemand
Écrit par : ana | 19/12/2013
La photo est très bien choisie en tout cas !
Écrit par : julie | 19/12/2013
Les Yorubas…
On ne peut nier, quoiqu’on en dise dans les chaumières d’ici et d’ailleurs, l’homosexualité ait fait saliver les humains depuis le début de l’éternité et cela continue… Et comme dit mon ami Georges, il vaut mieux naître homosexuel que d’avoir une jambe en moins… Qu’est ce que cela coûterait à la sécurité sociale, et comme c’est moi qui paie, je suis pour les préférences.
Les Yorubas donc… Selon les recherches en cours, donc pas encore terminée, l’estimation des prélèvements humains pour l’esclavage, les Africains dans ce cas, s’élèveraient à 16 millions de déportés (non volontaire, il se pourrait que l’Amérique eut été attractive pour certains!)
Un chiffre impressionnant certes, mais bien loin des déportations Tsaristes et Staliniennes estimées à 25 millions d’individus. A une statistique ou comptage, pour sa compréhension, il faut toujours y introduire un comparatif pour établir une sorte de balance.
On a aussi estimé que moins d’un quart des Africains ont survécu le voyage et la première année de mise au travail. Pour la Sibérie, au vu des peuplements actuels, il semble que cela n’est guère mieux.
Les Yorubas donc… Toutes les femmes Africaines ont dû se réorganiser pour ne pas perdre les possessions familiales qui étaient, comme chez nous d’ailleurs, fait sur la ligne ‘homme’. C’est ainsi que les femmes ‘riches’, non pas à cause de leurs bijoux ou de leurs savoirs, devaient à tout prix protéger leurs propriétés terriennes… Et de remettre bon ordre au vide créé par l’enlèvement de leurs hommes. Et de les substituer par le truchement de la descendance… Donc changement du système légale en vigueur (fondé sur les habitudes) pour s’assurer que la descendance ne soie pas celle du géniteur (qui peut à ce moment là, être une personne en dehors du groupe si nécessaire). On suppose aussi que les épouses multiples, était un moyen d’agrandir la propriété sans avoir recourt à la guerre (l’Europe à connu cela par les arrangements familiaux de ceux qu’on appelait ‘nobles’).
Ce sont des femmes du groupe Yoruba de Philadelphie qui, en son temps, m’avaient donné l’explication ci-dessus (les hommes ne semblaient pas contredire cette vue mais qui ose contredire une femme ?). Cet arrangement était commun dans ce groupe (d’autres groupes ont trouvé d’autres solutions pour résoudre les problèmes de propriété créés par la disparition des mâles). Vu les avantages économiques, on comprend qu’il reste en place, en plus, la ‘Yoruba’ a la réputation d’être redoutable femme d’affaire. Vrai ? Pas vrai ? Il faut rester prudent quand aux interprétations des raisons des comportements humains.
De mon côté, ignare comme je suis, il ne m’est pas venu à l’esprit que cette stratégie permettait et permet encore à une homosexuelle de garder sa fortune, et même de l’augmenter, à la satisfaction de tous semble-t-il !
Écrit par : Dan | 20/12/2013
Je ne savais pas que tu étais si savant au sujet des Yorubas. La question que tu soulèves est donc de savoir si la famille Yoruba fonctionne ainsi depuis que leur noble civilisation existe ou bien si c'est la traite négrière qui a provoqué une nouvelle structure familiale.
C'est un sujet sur lequel les ethnologues ont sans doute débattus mais j'avoue que je me moque un peu de la réponse. Je me contenterais de mettre un lien sur un belle tête de Yoruba
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1d/Yoruba-bronze-head.jpg
Écrit par : Joël | 20/12/2013
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