17/04/2013
Myrmécophages
Un grand morceau de la chronique 490 qui nous parle de l’oryctérope mais aussi d’autres myrmécophages. Étymologie: du grec murmêkès, fourmi. Lire la note savante de feu le Gardes Mots sur le mot myrmidon.
(…) Cette chronique a toujours fait le plus grand cas de l’oryctérope et de son caractère rêveur. (…) jamais ici nous ne sommes passés devant lui sans lui tirer l'oreille ou lui flatter le museau. L’oryctérope et le vrai premier homme se sont toujours trouvés au coeur de nos soucis.
Tamanoir (Myrmecophaga tridactyla)
Pourquoi ? parce qu'ils sont admirables. Et scientifiques. Presque incroyables. Regardez l’homme changer de chaussettes ou faire la queue devant un cinéma de quartier. C’est un spectacle magnifique. Mais que dire de l’oryctérope. « Il faut le prendre tel qu'il est », écrit M. Leloup dans un grand magazine. Il a raison : tel qu‘il n‘est pas, l’oryctérope serait moins beau. Il a un groin de cochon et des pieds de kangourou, des oreilles d‘âne et une mâchoire de crocodile. Sa chair sent la fourmi. Sa nature est timide profondément méditative. I1 mérite 1'amitié de toutes les personnes sensées. Il vit sa vie dans des terriers profonds. Il s‘y livre à des songes informes, des songes d’oryctérope. Il sort au crépuscule et sautille en Afrique du Sud. Dans la forêt. Parmi les ombres. De termitière en termitière. Elles sont dures comme la céramique.
I1 vit de cadavres au fond d‘un noir terrier et grogne quand on le contrarie. Citons aussi tous les myrmécophages qui posent le pied sur le coté, parce qu‘ils marchent les poings fermés, si bien qu‘ils avancent très lentement.
(Tamandua mexicana)
Ainsi le fourmilier à crinière, appelé aussi tamanoir, qui se sert de sa queue majestueuse comme d'un balai et d‘une ombrelle, d'un parapluie, d‘une ramasse-miettes et le tamandua à queue prenante qu’on dénomme aussi « frère prêcheur » parce qu’à la moindre alarme il ouvre ses deux bras, en position de « Dominus Vobiscum ». Ainsi le fourmilier didactyle ; ainsi le pangolin à grosse queue, qui est doux, qui pousse de faibles cris, qui est myope, pas plus gros qu‘un gros chien et peut traîner, sans ralentir sa marche lente, dix hommes attaches à un câble.
Fourmillier didactiles en haut - Tamanoir en bas et pangolin à droite
Tels sont les songeurs myopes qui tuent les fourmilières.
Mais le plus beau est l'oryctérope, parce que nul ne sait d'ou il vient. Il a dû sortir d’un oeuf d'ange. Inclassable. Tombé de la Lune. C‘est la plus grande aventure de Dieu.
Résumons-nous : l’oryctérope fourmille ; et, guidé par un songe informe qu‘il a fait au fond de son terrier, il assassine les fourmilières. Nul ne sait d‘où il vient mais on voit où il va. Craignez ses rêves et sa myopie. Regardez-le, et vous aurez peur. Sa petite tête de lézard géant, son groin de porc et ses oreilles d‘âne ornent d‘effrayants crépuscules.
11:28 Publié dans Vialatte | Lien permanent | Commentaires (2) |
Commentaires
Merci. Et voici une bonne nouvelle. Mon bibliothécaire de la BU Sciences de Nantes m'écrit :
"J'avais noté cette addiction à Vialatte, en qualité d'ancien membre de
l'Association des Amis d'Alexandre Vialatte. Et aujourd'hui que notre
petite maison déborde de partout, voulez-vous accepter le don de quelques
« Cahiers Alexandre Vialatte » ? Au moins les numéros 18 à 25 que j'ai
sous les yeux au milieu d'un foutoir innommable ? Il en reste forcément
ailleurs, enfouis et même sédimentés. Au moins ils serviraient, avec vous
!
Et c'est ainsi qu'Allah est grand. "
Écrit par : Aredius | 21/04/2013
Bravo Aredius.
Écrit par : Joël | 21/04/2013
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