10/12/2012
Jacques Perret
Voilà 20 ans exactement que Jacques Perret a avalé son bulletin de naissance. Il est donc mort en 1992 à 15 jours de Noël, preuve que le père Noël est un ingrat car il lui avait quand même dédié le texte ci-dessous. Veuillez noter la dernière phrase, on croirait du Vialatte...
« ...Cela me fait penser à l'histoire qui vient d'arriver au père Noël, hérité des druides. Il croyait poursuivre en paix sa carrière dans la chrétienté, l'Église fermait les yeux, mais il avait des ennemis. Les épurateurs de la tradition ont lancé contre lui une offensive imprévue et le populaire barbu a même été brûlé en effigie devant la cathédrale de Dijon. La hiérarchie ne s’étant pas encore prononcée expressément sur cette affaire, les partisans du père Noël se sont aussitôt dressés contre les iconoclastes et nous voilà au seuil d'un schisme.
Certes, on ne peut nier que le personnage ne se soit introduit subrepticement dans la tradition chrétienne avec des références assez troubles ; sa position dans l'ordre des créatures surnaturelles n'a jamais été homologuée ni même définie clairement ; à bien regarder les choses, il n'a pas plus de répondant mystique que le père Fouettard ou Croquemitaine et il sent le folklore à plein nez. Tant que ses intentions restaient pures et qu'il ne prétendait qu'à servir d'intermédiaire occasionnel entre la gloire du Ciel et la joie des enfants, l'Église n'a pas cherché d'histoires à ce resquilleur bonhomme, en dépit de ses origines pas très catholiques et de ses accointances avec le commerce.
Malheureusement il a profité de son rôle en or pour se laisser gonfler la tête et circonvenir par toutes sortes de publicités vénales. Il a cédé aux ivresses de la popularité. Il a pactisé avec les gentils, sa barbe a traîné dans Ies noëls d'imposture, au sein des réunions les plus matérialistes ; il a cautionné les réveillons païens, offert ses vénérables bacchantes au jeu suspect des serpentins, prêté son concours aux Noëls de la Sécurité sociale. On l'a même vu franchir le seuil de l'Élysée. Il a brigué le titre de camarade répartiteur des polichinelles et martinets ; il a touché des cachets pour offrir des panoplies de poinçonneur aux jeunesses laïques. Ce n'est plus qu'un vivant symbole des compromissions diaboliques.
Nous sommes bien d'accord, il avait besoin d'un rappel à l'ordre. Et pourtant, si avili soit-il, le père Noël, bon gré mal gré, demeure celui qu'on invoque pour témoigner d'une foi aveugle. Piteux symbole et bien digne de notre siècle, soit, mais la locution « croire au père Noël » ou « croire au barbu » est devenue la base de toute discussion populaire, sinon le ferment des dialectiques les plus distinguées, chaque fois qu'il est question de l'âme et du corps, du Ciel et de la terre, du biftèque et de l’idéal, de l'utile et du gratuit, de la justice immanente et divine, etc. Ne brûlons pas le barbu sans avoir fait convenablement l'inventaire de sa hotte.(...) »
06:35 Publié dans Textes | Lien permanent | Commentaires (1) |
Commentaires
Et même en 2012, certains s'en prennent encore au père Noël.
Écrit par : Kado | 11/12/2012
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